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"De l'orientation de l'espace : Les quatre directions"

 


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Octobre 2010

Afin de poursuivre notre compréhension des ambiguïtés d'orientation dans l'espace, nous allons être contraint d'abandonner tant le palindrome que l'ambigramme, ces deux figures du discours qui nous ont permis d'établir un rapport entre le langage et l'image. Il n'en reste pas moins que le simple parcours du regard n'est toujours pas d'actualité. De ce fait, nous allons poursuivre les manipulations matérielles du support. Ainsi, après le balayage visuel de la gauche vers la droite ou vice-versa, après le simple retournement matériel du support à 90° ou 180°, nous allons nous pencher sur un autre retournement matériel, qui requiert plusieurs manipulations.

LA QUADRUPLE FIGURE RETOURNABLE

Carelman, responsable de rayon au Catalogue des objets introuvables, en plusieurs volumes dans toutes les bonnes librairies, fait aussi partie de l'OuPeinPo : l'Ouvroir de Peinture Potentielle. À ce titre, ce monsieur se croit tout permis. C'est ainsi qu'il en est arrivé à une image qui peut se comprendre dans les quatre orientations du feuillet. Nous n'en présenterons ici que deux orientations afin que vous alliez jeter un oeil avisé sur les sites énumérés en bas de page.

 

Carelman, "Visage sous quatre orientations", dessin, fin du XXème, 1

 

Dans l'Eprouvette n°3, Carelman parle ainsi de cette image :...chaque fois que le tableau accomplit un quart de tour, de part et d'autre du sujet «"principal » apparaissent des détails parasites liés au sujet précédent et au sujet suivant. Pour résoudre ces problèmes il faut que le centre du tableau, commun aux quatre sujets, soit précis et que la périphérie soit de nature elliptique, signifiante seulement dans le sens de la lecture principale.

 

Carelman, "Visage sous quatre orientations", dessin, fin du XXème, 2

 

Bizarrement, alors que le quadruple retournement pouvait laisser à penser que nous nous étions définitivement éloignés du langage, une technique graphique moderne va nous permettre d'y revenir. Après l'ambigramme de Raymond Loewy, une autre graphiste s'est permis de réaliser un logotype qui peut être lu sous les quatre orientations successives du support. En cela, ce Sun là, à la limite du texte et de l'image, n'est pas sans évoquer cette autre pratique littéraire qu'est le calligramme (Wikipedia : Calligramme).

 

 

LA TRISCÈLE

Cette triscèle là n'est pas sans poser problème. À la différences de la triscèle classique étudiée en un autre article (La triscèle), cette dernière présente quatre éléments. Ainsi, pour obtenir la vision de quatre lièvres entiers, il vous faudrait, tel un Hercule moderne, accomplir le travail suivant : tourner et retourner la façade de la cathédrale saint-Jean de Lyon trois fois de suite dans les trois autres orientations de l'espace. Mais, pour que vos petites mains ne soient pas écorchées par la pierre de cathédrale, il vous est vivement recommandé d'imprimer cette image sur le papier,.
C'est ainsi que vous serez mieux à même de comprendre la superposition équivoque qui se niche derrière la manipulation du support, son orientation frontale dans les quatre directions de la rose des vents. Nous pourrions dire qu'aucun lièvre ne possède d'oreille en propre, car chaque oreille de l'un se superpose à celle de celui qui le précède ou qui le suit. Pourtant, ne voyez-là aucune charité chrétienne bien ordonnée, ni communisme accompli avant l'heure, ce motif connu de la Perse jusqu'au Japon, n'avait, en ces contrées, que l'ambition d'intriguer l'oeil pour désespérer le cerveau. C'est ainsi que tourne le monde.

 

"Médaillon au quatre lièvres", façade de la cathédrale saint-Jean, Lyon.

 

L'ANAMORPHOSE LATÉRALE RETOURNABLE

Cette anamorphose étant tout aussi rare que la triscèle aux quatre motifs de lièvre, nous pourrions à leur propos parler de mouton à cinq pattes, si notre pauvre rose des vents ne s'arrêtait aux quatre directions connues à méconnaître tant le zénith que le nadir.
Ce dessin de
Jacob Van Der Heyden, daté de 1629, sera donc ici dénommé : Anamorphose latérale retournable, En un premier temps, comme pour toute anamorphose latérale, le connaisseur se doit de trouver l'angle de vision idéal sous lequel la déformation dessinée reprendra sa forme initiale (vue rasante à partir du petit coté du trapèze). La manipulation du support matériel, est, en cela, beaucoup plus simple que celle de la triscèle de la cathédrale saint-Jean. Nul besoin d'être un hercule pour tenir ce feuillet de biais. Mais, ce même connaisseur sait très bien que cette image aurait pu être reproduite sur la toile du tableau ou le mur d'un bâtiment. Nous tenons donc là une deuxième méthode propre à percevoir l'ambiguïté spatiale de certaines anamorphoses : la déambulation du corps plutôt que la manipulation du support. Malheureusement pour nous, ce premier exemple d'anamorphose est des plus mal choisi.

 

VAN DER HEYDEN Jacob, "Nous sommes trois", anamorphose plane retournable, dessin,1629, vue 1

 

Comme nous l'avons déjà dit, cette anamorphose est non seulement latérale mais aussi retournable. Ainsi, à la manière des ambigrammes de la page précédente, ce même connaisseur devra opérer un retournement à 180° du feuillet qu'il tient en main avant que de pouvoir contempler en vue rasante le second profil caché en cette image. Ce qui vous le comprendrez, interdit pour lors la déambulation des corps.
Il n'en reste pas moins que cette image obéit encore au principe de la superposition équivoque. Car, en un même lieu à partir d'un même tracé matériel, apparaissent successivement deux images différentes porteuses des mêmes formes. Mais, à la différence des ambigrammes visuels abordés précédemment, l'anamorphose requiert plus un changement de point de vue qu'un retournement frontal. Nous aurons à revenir sur cette obliquité à la page suivante. Mais pour lors, que nous apporte ce mélange de retournement et d'obliquité ? Un regardeur contemporain dirait qu'il y a là quatre images : les deus visages devinés, bien que déformés par l'anamorphose, et les deux profils initiaux. Ainsi, nous retrouvons ici, mais sous une autre forme, la quadruple- image de
Carelman.
Las ! Messeigneurs ! Bien las de vous dire que
Jacob Van Der Heyden a non seulement pris le temps d'ajouter un croquis expliquant la façon de percevoir l'image cachée, mais aussi celui de placer un titre, qui, en bon vieux français, nous dit la chose suivante : Nous sommes trois. Comment expliquer cet écart autrement que par le temps qui nous sépare ? Nous pouvons supposer que le regardeur de l'époque ne voyait dans les vues frontales qu'un amas de formes insensées et que seules les vues rasantes lui permettaient de voir enfin les deux fous. Quant au troisième personnage, je ne peux que vous renvoyer à vous-mêmes afin de le trouver.

 

VAN DER HEYDEN Jacob, "Nous sommes trois", anamorphose plane retournable, dessin,1629, vue 2

 

LES PHOTOS STUPIDES MAIS CONCEPTUELLES

Ces lignes bleues ont déjà été, plus ou moins, décryptées à la rubrique Photographie (Ligne horizontale). Il nous suffira de tenter de dénombrer les lignes afin de comprendre l'importance de l'orientation du support.
Pour beaucoup cette ligne est horizontale et seule une maladresse, un faux mouvement, une impatience sont à même d'expliquer sa position actuelle. Mais, pour celui qui cherche l'insaisissable vérité du monde, cette ligne peut-être toute autre. Nous pouvons la voir comme une ligne verticale, tracée sur un support vertical tenu à l'oblique. Enfin, nous pouvons encore la comprendre comme la tentative d'afficher une ligne oblique sur un support tenu à l'oblique.

 

Photographie ambigue, "Ligne horizontale ?".

 

Las et fatigué de tant de raison raisonnante, je vous laisse poursuivre le travail qui consiste à rechercher les diverses interprétations de cette seconde ligne bleue intitulée par défaut ou par dépit : Ligne oblique

 

Photographie ambigue, "Ligne oblique ?".

 

PASSAGE VERS LA TROISIÈME DIMENSION

En ayant terminé avec les diverses ambiguïtés dues aux différentes directions dans l'espace d'un plan frontal, nous avons encore à parler de l'obliquité du support. L'anamorphose retournable présentée en cette page aura permis à certains de comprendre qu'ils n'en n'ont pas encore fini avec la théorie supposée finie de l'équivoque des orientations spatiales.

 

PAGE SUIVANTE : De l'obliquité
PAGE PRÉCÉDENTE : Des retournements

 

 

ICONOGRAPHIE

VAN DER HEYDEN Jacob, Nous sommes trois, anamorphose plane retournable, dessin, 1629.

WEBOGRAPHIE

CARELMAN Jacques
http://mitchul.unblog.fr/2008/10/03/catalogue-dobjets-introuvables-jacques-carelman/
Extraits du
Catalogue des objets introuvables n°2, et surtout un portrait à regarder dans 4 sens différents.
AUTRES
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calligramme
Le calligramme vu par Wikipedia.
Dessin personnel retournable dans les quatre directions
Vous n'aurez pas à retourner votre écran.
Dessins retournables personnels
Une série de cinq dessins retournables.

 

 

 

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