Prince offrant une coupe de
Escalier impossible d'une miniature moghole provinciale, vers 1615-1620.
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PLANSITE-------SITEMAP---


Cette miniature prouve que les peintres indiens pouvaient, quand ils le désiraient, représenter un dais sans incohérence spatiale majeure. Pour une fois, le dais, sous lequel ce prince tend une coupe à une femme, est d'un ordonnancement quasi normal. Malheureusement, le sérieux requis pour atteindre ce but ne pouvait apparemment pas s'appliquer à l'ensemble de l'image. En baissant votre regard, vous comprendrez bien vite qu'il serait dangereux de rejoindre le couple. Il vous faudrait en effet emprunter un escalier qui, pour diverses raisons, se révèle dangereux en ce qu'il est impossible.
Nous retrouvons tout d'abord l'alignement incohérent de l'image précédente. La ligne de base de la façade de l'escalier et celle de son coté étant sur une même horizontale, nous obtenons un escalier plat sans aucune profondeur. Mais, un deuxième détail vient encore gâcher nos velléités ascensionnelles. À observer les marches, force est de constater que le coté droit présente une marche creuse lorsque le droit affiche une marche pleine. Ainsi, en passant d'un coté à l'autre de l'escalier, le sommet horizontal d'une marche devient contremarche verticale et vice-versa. Cet objet impossible que nous rencontrons dans certains livres consacrés aux illusions d'optique n'est donc pas si récent que cela.

 

Figure impossible : "Escalier impossible 1", graphite, fin XXème.Figure impossible : "Escalier impossible 2", graphite, fin XXème.

 

Sous l'influence de ces images modernes ou de ces miniatures anciennes, j'avais produit les images ci-dessus. En ces deux dessins, les surfaces qui sont verticales à une extrémité deviennent horizontales à l'autre. Cette torsion rendrait n'importe quel escalier inconstructible avant d'être impraticable. Pourtant, malgré les apparences ces constructions ne sont pas impossibles. Avant d'apparaître comme un escalier dépourvus de cotés, le dessin gauche peut tout simplement être perçu comme une bande découpée en triangle aux extrémités, qui, de surcroît, peut être plane ou pliée en accordéon dans un sens ou dans l'autre. Si vous penchez légèrement la tête vers la gauche, vous aurez ainsi le sentiment d'être face à un paravent posé au sol.
La représentation des cotés de l'escalier de droite ne peut que renforcer le sentiment d'impossibilité. Pourtant, là encore, nous pouvons imaginer des constructions réelles. La première en bosse présente trois pyramides étirées et allongées, qui seraient accolées l'une contre l'autre, tandis que la seconde qui en est la vision creuse montre trois fosses de la même forme.
Cette inversion du creux et du plein rappelle les figures réversibles. Et c'est bien ce que nous avons en ces deux dessins, qui reprennent le principe du
Dièdre de Mach (ci-dessous), pour l'appliquer à des formes complexes. Ce n'est qu'en raison des angles représentés (angles de 90° censément perçus en perspective) que ces images réversibles peuvent ensuite prendre l'apparence d'escaliers impossibles. Ainsi, ces deux dessins ne sont que des superpositions équivoques d'interprétations successives et contraires. Le tracé de la forme gauche peut ainsi prendre jusqu'à 4 apparences successives et contradictoires : forme totalement plane découpée aux extrémités, accordé plissé dans un sens, accordéon plissé dans l'autre sens et escalier impossible.

 

Figure réversible : "Dièdre de Mach", fin XIXème.

 

 

RÉFÉRENCES
Prince offrant une coupe de vin à une dame, style moghol provincial, vers 1615-1620, 168x115 mm., Londres, British Museum, 1947-10-11-01.

REPRODUIT DANS
La peinture indienne, texte de Douglas BARRETT et Basil GRAY, Éditions d'Art Albert Skira, Genève 1963, ISBN 2-605-00060-5 (voir page 110).

 

 

 

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