Miniature indienne, "Portrait de Sukhjivan Khan fumant la huqqah", Jammu, circa 1765.
Miniature indienne, "Portrait de Sukhjivan Khan fumant la huqqah", Jammu, circa 1765.
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PLANSITE-------SITEMAP---

 

Juillet 2013

Il a le bras long ce serviteur. Il a le bras bien long pour que de l'au-delà de la barrière de la terrasse, il puisse allumer la huqqah de son maître. La distance séparant la pipe à eau du torse du serviteur est d'environ trois mètres. C'est ainsi que sa main qui remplit la huqqah d'une herbe indigène marque un contact impossible. Les deux plans verticaux (la pipe et le corps du serviteur) et es deux plans horizontaux (le sol de la terrasse et le bras long) ne peuvent se rejoindre dans la réalité pour former la boucle fermée que nous voyons à la surface de l'image. Cette scène impossible pourrait pourtant être jouée et, qui plus est, photographiée dans le réel. Pour cela, il suffirait de choisir le bon, le seul et unique point de vue. Ce point de vue est celui où nous sommes placés, à la différence près que dans ce réel joué la main du serviteur ne serait pas en contact, mais semblerait seulement entrer en contact avec le sommet de la pipe à eau. Cette main, bien qu'éloignée de la pipe, par une pure coïncidence de contiguïté dans notre champ visuel semblerait entrer en contact avec l'objet. Ainsi, en passant de la forme fermée de la miniature à la forme ouverte de cette photographie imaginaire, nous franchissons la frontière qui sépare une apparente impossibilité d'une réelle ambiguïté.

Nous retrouvons cette rupture dans l'organisation formelle de la miniature. Tandis que les trois-quart gauche de la miniature jouent la profondeur et l'échelonnement dans l'espace, le quart droit affirme et assume une verticalité désarmante de naïveté et d'obstination.
À gauche, le jeu des obliques, zigzaguant du premier plan de l'épée l'objet le plus éloigné de la terrasse, le grand coussin, permet d'établir une profondeur en dépit du décor parfaitement vertical du sol de la terrasse. De même, bien que son visage soit vu de profil, le torse et les jambes du maître des lieux sont donnés de trois-quart, traçant de nouvelles obliques dans la profondeur de la terrasse. En revanche, à droite tout n'est qu'horizontale et verticale. Ainsi, même les deux ovales du tuyau de la pipe se dressent à la verticale, comme si ces deux formes s'élançaient vers le ciel. De même, le corps du serviteur, perçu quant à lui en vue frontale, n'offre, hormis son visage incliné, qu'horizontales et verticales.
Ce rabattement à la verticale du quart droit de la miniature ne semble pas innocent et participe certainement à l'organisation formelle voulue par le miniaturiste. Il n'en reste pas moins que ce rabattement permet aussi d'avaler plus facilement la couleuvre de l'impossibilité spatiale. Placé au-dessus de la pipe, à sa verticale réelle en lieu et place de sa verticale graphique, le serviteur pourrait très bien remplir la pipe du maître.

 

ADDENDUM 1
Un autre phénomène d'allongement insensé peut être observé dans un détail de cette autre miniature moghole.
ADDENDUM 2
Voir un
Bras long contemporain : Jim de Trégastel

RÉFÉRENCE
Portrait de Sukhjivan Khan fumant la huqqah, 20,8x12,1 cm., gouache sur papier, Jammu, circa 1765.

 

 

 

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