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Juin 2006
Deux objets, seulement deux objets. Deux objets et trois surfaces de peinture pour les accueillir. Toile qui ressemble à un travail de fin de vie, un bilan testamentaire qui pourtant ne l'est pas puisque est mort en 1964. Travail qui nous dirait qu'il n'y a plus que deux choses importantes et concomitantes, qui se suivent et se succèdent, l'une en bas et l'autre en haut, non pas donc comme un couple, mais comme l'acceptation de deux mondes : l'enfer et le paradis, la vie et la mort. Mais à en revenir au plastique, à cette matérialité qui ne s'embarrasse pas des projections qu'un individu supposé normal s'entête à faire sur ces objets du commun, nous avons là une ambiguïté formelle. Ainsi, une horizontale unit en une coïncidence aberrante le sommet du bol à la base de la boite supposée cylindrique. Cette ligne semble superposer ces deux objets qui dans la réalité ne peuvent être que distants. a donc chois le seul angle de vision, sur des milliers possibles, qui nous laisse croire et laisse entendre que ces objets sont conjoints. Construction à l'évidence impossible, que notre cerveau, mépris par nos yeux, ne peut cependant s'empêcher d'imaginer. Ici, la rationalité des objets du réel cède le pas devant les tracés matériels d'une représentation.

Nous ne sommes pas loin du T à contact équivoque de contours (ci-dessus). Avec ces images, tout devient plat et plan : non seulement l'échelonnement des volumes qui n'est pas celui que l'on attend d'un espace tridimensionnel traditionnel et cohérent, mais aussi l'espace lui-même qui, entraîné par les masses ramassées sur elles-mêmes, perd de sa profondeur pour se relever à la verticale. Pour cela triche comme souvent sur les coloris. D'une part, en reprenant le même ton et la même valeur pour la bande inférieure et la bande supérieure de sa toile il annule le peu de perspective aérienne que cet espace intérieur pourrait révéler. D'autre part, le plateau médian ne respecte pas non plus la perspective aérienne, en ce que cette surface censée s'éloigner dans un plan horizontal fuyant présente un dégradé qui, en allant du bas vers le haut et donc du proche vers le lointain, fonce au lieu de s'éclaircir. Même si j'ai tort, j'avais donc raison : nous avons bien là un testament, une manière de résumer avec un minimum de moyens tout ce qui avait pu être répété durant des années sur des centaines de toiles, afin d'arriver, in fine, à la quintessence d'un projet, d'un propos, d'une idée.
APARTÉ : L'APLANISSAGE DES COURBES Bien qu'étant à des hauteurs diverses par rapport au regard du spectateur les différentes courbes qui composent cette image ont quasiment toutes été aplanies. Ainsi, la base du bol qui devrait être la ligne la plus déformée, puisque la plus basse par rapport à la vue en plongée que nous avons de ces objets (nous voyons ainsi l'intérieur du bol), forme une horizontale quasi parfaite. En revanche, le bord arrière du plateau de la table est convexe alors que sa face avant est quasi rectiligne. Mais, la plus aberrante des courbes est celle qui n'a pas été représentée. En effet, si nous avons bien un aperçu de l'intérieur du bol, nous n'avons aucune information sur celui de la boite verdâtre. Son bord supérieur étant concave, nous devrions apercevoir au-dessus la surface convexe représentant la partie émergente intérieure du cylindre ou, pour le moins, le couvercle qui la recouvre et la clôt. Il est vrai que est coutumier de ces disparitions. Il lui suffit d'appliquer un même coloris à la partie d'un objet et au fond qui le borde, pour que cette surface attendue et nécessaire disparaisse à tout jamais de notre regard sans que notre cerveau puisse se contenter de cette absence injustifiée. était déjà passé par là, mais pas . Aussi ne manquez pas d'aller bientôt jeter un oeil sur le site : http://figuresfictives.free.fr, car j'ai le sentiment que mon collègue préféré vous parlera dans quelque temps, un mois, un an, des couvercles fictifs de .
Peinture visible à : Image reproduite dans : Morandi dans l'écart du réel
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