Nature morte, 1961, huile sur
Morandi, "Nature morte", 1961, huile sur toile, 30x35 cm, Vitali n°1216.
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Juin 2006

Voici enfin le dernier alignement horizontal de la série morandienne présentés sur le site. Cet alignement reprend les deux procédés décrits dans l'image précédente. Le premier permet de faire coïncider le sommet du vase cannelé avec la ligne d'horizon, tandis que le second aligne la limite entre le corps et le col de la bouteille orange sur cette même ligne.
Pourtant deux différences sont notables. La première peu visible veut que la ligne d'horizon corresponde cette fois à la ligne de sol. Ainsi, le sommet du vase cannelé forme une horizontale qui nous interdit d'en apercevoir l'embouchure. Ce détail, qui peut paraître anecdotique, est pourtant essentiel au dessein de
Morandi. Car la deuxième différence saute aux yeux : le tronc de cône permettant le passage du corps orangé de la bouteille à son goulot blanc a disparu. Si le peintre est coutumier du fait : oublier les limites entre les formes en utilisant des tons similaires pour une figure et son fond, il se contentait, à la manière de Cézanne, d'une disparition partielle du contour. Ici, la disparition est totale et magique, qui, pourtant, ne nous empêche nullement de "voir" la bouteille complète. Et tout cela se passe en dépit de la concordance, inhabituelle dans l'oeuvre de Morandi, de la ligne de sol avec la ligne d'horizon. Car, cette concordance a ici deux effets majeurs. En premier lieu, la volumétrie du cylindre est perdue, la courbure d'une vue en plongée étant remplacée par une horizontale. En second lieu, l'alignement du carré orange et du rectangle bleuté du plateau prend alors toute sa force, permettant de réunir les deux surfaces à 'intérieur d'un même plan. C'est en cela que certains pourraient être amenés, comme il m'arrive parfois de le faire, à refuser de "voir" une bouteille, préférant imaginer un cylindre blanc suspendu dans les airs.
Nous avons là une des rares toiles où le peintre s'affranchit de la pesanteur terrestre. Cette lévitation ne fait que marquer en creux la désespérance de toutes ces natures mortes condamnées, de par leur position médiane dans l'espace de la pièce, à rester un instant sur le plateau terrestre avant de rejoindre, cassées, fêlées, ébréchées, le sol : leur monde souterrain, leur fin, leur enfer.

 

Peinture visible à :
Collection Antonello Trombadori, Rome.
Image reproduite dans :
Morandi, catalogue d'exposition, Hôtel de Ville de Paris, Éditions Mazzotta, Milan, 1987, p. 85.

 

 

 

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