Nature morte, 1948, huile sur
Morandi, "Nature morte", 1948, huile sur toile, 35,9x50 cm, Vitali n°649.
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Juin 2006

Après avoir vu l'alignement horizontal discontinu, nous allons évoquer un second alignement horizontal : l'alignement horizontal continu. Ce dernier est encore plus incroyable que le premier en ce qu'il ne laisse aucun vide, aucun espace, dans la ligne imaginaire que notre cerveau ne peut s'empêcher d'interpréter en dépit de la flagrante absurdité de sa construction. Pour cela, nous allons encore parler de l'horizontale, cette fois continue, qui réunit sur une même ligne le sommet des six objets que Morandi ne manque pas de dépeindre en les peignant à la surface de la toile.
Cet alignement là fait encore et toujours son travail habituel et attendu d'aplatissement de la représentation des trois dimensions de l'espace. À masquer en effet de la main le corps de tous ces récipients, nous pourrions encore croire qu'ils sont situés à une même distance. Mais, cette fois, il nous est beaucoup plus facile de reconstituer l'échelonnement spatial, à savoir l'ordre des plans. Au premier plan, nous avons ainsi deux vases blancs. Au second, trois objets : une coupe ocre et grecque, une bouteille au col foncé et un verre à pied marron. Enfin, poursuivant notre cheminement oblique, nous arrivons au troisième plan : une carafe jaunâtre et carrée. Puis à regarder entre cette carafe et le verre à pied, nous pourrions trouver un cinquième plan : un broc, ou plutôt, en raison de sa petite taille, un pichet, dont l'anse est tournée vers le spectateur. Nous pourrions puisque l'emplacement au sol de la carafe jaune ne laisse que bien peu de place à un broc qui devrait s'enfoncer dans le mur, ou léviter dans les airs si nous supposons que le support horizontal n'est pas en contact avec la surface verticale servant de fond. Ici, les deux principes archaïques de représentation de la profondeur que sont l'étagement et le recouvrement suffisent à nous donner une bonne représentation de la disposition spatiale des éléments jusque et y compris dans ses erreurs. Mais, encore une fois, tout ce beau travail de déduction est remis en question par une simple ligne imaginaire horizontale reliant les sommets des objets.
En fait, nous avons bien là de l'alignement équivoque et du plus surprenant qui soit, mais aussi du contact ambigu. Il n'est qu'à regarder la contiguïté répétée des embouchures des trois vases : leur succession d'ovales fait penser à un collier, une chaîne : le chaînon manquant entre la représentation illusoire des volumes et l'acceptation de la platitude matérielle du support

ADDENDUM
À regarder, une nouvelle fois la masse générale des objets, plutôt que les éléments épars, nous retrouvons la forme de la
Quadripoutre évoquée précédemment.


Peinture visible à :
Collection particulière, Bologne.
Image reproduite dans :
Morandi, Catalogue d'exposition, Hôtel de Ville de Paris, Éditions Mazzotta, Milan, 1987, p. 70.

 

 

 

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