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Juin 2006
Vous avez là trois catégories d'objets. Au premier plan à gauche, cette petite boule hémisphérique au décor de courbes creusées dans la masse. Petit fruit de porcelaine utilisé par le peintre en de nombreuses toiles. Au centre une carafe de grès ou de faïence et enfin, tout derrière, un empilement vertical de bols, qui pourraient tout aussi bien être quatre que cinq. Mais la superposition de ces deux masses verticales dans le mitan de la toile fait qu'il est difficile de leur attribuer un échelonnement réciproque sûr : nous avons donc là une ambiguïté quant à une hypothétique contiguïté entre ces deux éléments. Ambiguïté bien connue qui apparaît dans la figure intitulée Deux Polygones, présentée ci-dessous.

Mais à la différence du croquis linéaire, la touche fluide et les coloris proches de la toile renforcent la proximité des objets. Ainsi, certains passant rapidement devant cette toile pourraient voir là une de ces céramiques délirantes qui peuplent les brocantes de villages de province : un vase à deux corps ou à plusieurs compartiments ou bien encore un objet au décor complexe et chantourné, trouvé lors d'un séjour pluvieux dans une petite station balnéaire passée de mode et oubliée du monde. Pourtant, les surfaces de la peinture nous donnent beaucoup plus d'informations que les tracés d'un dessin géométrique. Un détail est donc présent, qui nous ramène à la réalité du monde, des objets et de leur échelonnement dans l'espace : deux barres d'ombres, tracées d'un geste rapide s'étirent nonchalamment sur le plateau de la table. Ombres qui nous notifient sans plus d'ambiguïté la séparation de la carafe et des bols que la superposition par trop symétrique de leurs formes tendait à nous faire oublier. En cela, nous pouvons en arriver au paradoxe suivant : n'oubliez pas que les ombres sont un royaume qui nous renseignent sur le vivant.
Peinture visible à : Image reproduite dans : Morandi
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