Nature morte, 1951, huile sur
Morandi, "Nature morte", 1951, huile sur toile, 35x50 cm, Vitali n°768.
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Juin 2006

À poursuivre le dénombrement des différents types d'alignement horizontaux, nous arrivons à quelque chose d'inédit. Mais avant d'en arriver à cet alignement particulier, bornons le problème : il n'est pas encore temps ici d'évoquer l'alignement rectangulaire qui cerne cette masse d'objets.
Ainsi, nous dirons que
Giorgio Morandi se contente d'aligner en cette image les sommets des éléments. L'alignement des sommets n'est pas nouveau, Morandi a utilisé ce procédé en de nombreuses toiles, nous venons d'en voir un exemple et nous en connaissons les conséquences : la tendance à aplatir l'échelonnement des objets. Mais ici, un autre alignement tout aussi efficace vient s'ajouter au dispositif évoqué précédemment. L'alignement horizontal habituel vient lui-même s'aligner sur la ligne d'horizon. Pseudo ligne d'horizon dont on ne sait si elle marque la limite entre le plateau d'une table et un mur vertical, table supposée dont nous ignorons encore la distance qui la sépare du supposé mur. Pseudo ligne d'horizon en ce que nous voyons le sommet des objets les plus élevés et que de ce fait nous portons un regard en plongée sur une scène où le peintre fait jouer son petit théâtre de l'absurde à ses natures-mortes, immobiles et silencieuses.
Ici donc quelque chose de beaucoup plus subtil se joue. Ce n'est plus tant seulement l'amas de volumes qui semble s'aplatir pour former une muraille opaque, confuse et verticale, que l'espace total de la toile qui, par l'assujettissement réciproque de la muraille et du sol, s'aplanit. Tant la succession des boîtes que l'orthogonalité supposée du support et du mur sont reniés, pour devenir trois rectangles peints à la surface de la toile.
Nous avons là une mise en abyme de l'alignement. Le premier alignement aplatit l'échelonnement des objets. Ceux-ci perdent toute distance, mais aussi, par contagion, une bonne part de leur volume. Le second est différent, qui peut être perçu de plusieurs manières. D'un point de vue plastique la continuité de la ligne de sol avec le sommet des masses induit un rabattement du sol à la verticale (voir note
1). D'un point de vue expressif, cette pratique ne fait qu'accentuer l'interprétation faite à propos d'une toile précédente, et qui m'avait fait dire de manière abrupte : "Vous ne pourrez pas monter plus haut, bande de chiens!". Cette fois, les récipients récipiendaires ne peuvent même plus, en dépit de leur propre hauteur, accéder à l'air du ciel. Ils sont confinés au sol par une ligne de sol, qui, formant barrière, leur interdit toute ascension. Seul, un tuyau, tube ou bec verseur, émanant d'on ne sait où, cherche encore à s'échapper de l'enclos terrestre dans lequel il est enchâssé.

1) Morandi est coutumier du fait, puisqu'il se permet en certaines toiles d'inverser la perspective aérienne du plan horizontal, pour, par cet autre artifice, relever le plateau (Vitali n°1340).


Peinture visible à :
Galleria d'arte moderna e contemporanea, Turin, legs Alberto Bossi.
Image reproduite dans :
Morandi dans l'écart du réel, Catalogue d'exposition, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 5 octobre 2001-6 janvier 2002, Éditions Paris-Musées, 2001, p. 66.

 

 

 

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