B.N.F., Paris, 2006
"Creux et plein de la B.N.F.", photo avec alignement équivoque.
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PLANSITE--------SITEMAP----

 

Cette vue de la B.N.F. nous fait hésiter entre une forme creuse et une forme pleine. Les reflets réciproques des deux bâtiments, aux vitres bleutées, placés à l'orthogonale donnent en effet le sentiment qu'une tour de couleur marron est située en arrière de cette cornière architecturale, un des quatre célèbres livres ouverts de Monsieur Perrault, architecte de son état, qui a répété cette forme figurative aux quatre coins du parvis vanté et venteux de la bibliothèque parisienne afin que chacun connaisse et reconnaisse l'objet qu'il est venu consulter en ce lieu grandiloquent.
Perçu sous cet angle là, ce livre ouvert semble totalement transparent. Et malgré tous les indices contraires, qui ne manquent pas de parsemer cette image, je ne peux m'empêcher d'imaginer en son arrière une tour opaque. J'ai beau savoir qu'un immeuble ne peut être totalement transparent, j'ai beau voir les lignes des fenêtres de façade contredire totalement les fuyantes de cette tour illusoire, j'ai beau comprendre qu'il n'y ait là que deux reflets, leur symétrie presque parfaite suffit à satisfaire ma croyance improbable. C'est donc en cette symétrie que tout se joue.
Mais, bien que toujours présent et perceptible, l'alignement, continu et illusoire, du sommet de chaque barre dans la façade vitrée de sa voisine ne domine plus l'illusion. Nous avons là une ambiguïté spatiale qui joue du reflet mais aussi de la transparence supposée. Reflet des deux parties du bâtiment l'une sur l'autre et transparence qui nous laisse croire à la présence d'une tour en arrière de ce premier bâtiment. Ces illusions sont assez rares ou pour le moins peu montrées. Ainsi, je ne peux vous citer que deux sources livresques. L'une dans
La Grammaire du voir de Kanizsa (voir la biblio), qui de la page 192 à la page 294 traite des Conditions et effets de la transparence phénoménale. Mais là tout est en aplats et joue des différentes valeurs appliquées aux surfaces. L'autre source tirée du livre de Franco Agostini (de la page 109 à la page 116) reprend cette même théorie et y ajoute des images figuratives qui sont encore, me semble-t-il, de Kanizsa. Pourtant, de toutes ces images, rien ne semble pouvoir s'appliquer à la tour illusoire de la B.N.F. que nous pourrions simplifier par le dessin pour en faire, comme ci-dessous, deux illusions d'optique livresques, linéaires et non figuratives.


Croquis dont les alignement équivoques produisent un conflit entre la concavité et la convexité.

Il me semble que tout réside en ces deux dessins (mais aussi en partie dans la photo) dans l'indécidabilité qu'il y a à choisir entre la transparence et le reflet pour savoir ce qui peut bien donner lieu à ces images. Sachant que la transparence est parfois ambiguë et que le reflet se révèle à certains égards équivoque, nous sommes plongés dans un abîme d'incertitudes : deux champs d'application distincts de l'ambiguïté s'affrontent en une seule et même image, qui nous demandent de choisir un camp avant que de pouvoir en résoudre l'équivoque.
Mais, dans un croquis comme dans l'autre et de même que dans la photographie, c'est bien, sur le plan plastique, l'alignement équivoque qui est à l'oeuvre. Nous devons choisir en chacune de ces images entre une continuité due à l'alignement supposé des arêtes supérieures ou leur bifurcation.

 

ADDENDUM
Je viens de trouver récemment une page consacrée au travail de
Gordon Matta-clark. Si son anamorphose réalisée à la fin de la construction du centre Pompidou m'était connue (Conical Inter-sect), j'ignorais le reste de son oeuvre. Les deux photos que vous allez découvrir sur cette page devraient vous rappeler (prémonitoirement s'entend) quelque chose :
http://mekameta.blogs.com/photos/uncategorized/mattac5web.jpg

 

 

 

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