Nous sommes habitués à ce que les ombres déforment, à ce qu'elles puissent allonger, rapetisser, casser, onduler ou émietter l'objet qui les a projetées sur des surfaces planes, courbes ou brisées. Pourtant, en cette image, l'ombre complète termine et finit ce que la forme réelle annonçait en son projet. C'est que les ombres, au même titre que tout élément du monde perçu, possèdent au moins un angle de vision sous lequel elles deviennent ambiguës. Habitués que nous sommes à leurs déformations risibles, ridicules et caricaturales, nous sommes surpris lorsqu'elles deviennent lisibles, logiques et structurées. Ainsi, du point de vue de l'appareil photographique, nous croyons voir un cylindre constitué de barres métalliques ouvragées, là où nous n'avons qu'une succession de demi-cercles fichés dans la pierre de ce mur marseillais. Ainsi donc, une simple ombre portée au mur en arrive à nous laisser croire à un volume qui n'existe pas, à nous laisser voir un cylindre, là où nous n'avons que sa moitié. Mais si les parisiens utilisent les ombres pour agrandir leur balcon afin d'y nicher leurs ébats de bobos exhibitionnistes et les banlieusards leur prolifique portée de prolétaires turgescents que peuvent bien faire les marseillais de ces grilles ouvragées ? N'aurions-nous pas là, au numéro 181 de cette corniche marseillaise, la nasse qui permet de prendre la sardine avant qu'elle ne vienne boucher l'entrée du vieux port ?