Fil téléphonique, Hendaye, 1998.
Fil-telephone
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PLANSITE--------SITEMAP----

 

Avec cette nouvelle série d'alignements équivoques nous abordons un élément, qui, bien que tout aussi ténu que l'échelle précédente, va nous réserver nombre de surprises. Car, bien que l'ombre persiste à inventer une profondeur illusoire, celle-ci n'obéit pas toujours aux lois de la symétrie que nous venons d'aborder.

Ainsi, malgré les apparences, vous n'avez que deux fils en cette image. Les tracés qui débordent à gauche de la maison sont des éléments matériels bien réels, alors que les deux lignes situées sur la droite de la façade n'en sont que les ombres portées. Ainsi, le fil partant du coin supérieur gauche est-il composé de deux tracés. Passé le piton fixé au mur, son ombre portée poursuit sur le mur le trajet entamé dans le ciel. Sachant cela, vous devinez maintenant que le fil et son ombre sont peu ou prou perpendiculaires l'un à l'autre : le fil venant se fixer sur la façade, tandis que l'ombre en suit la surface. Pourtant, malgré cette connaissance, vous n'en continuerez sans doute pas moins à voir là un tracé continu, qui, par cette illusoire continuité que nous appelons alignement équivoque, tend à mettre sur un même plan perceptif deux éléments placés à l'orthogonale dans le réel.

En cela, nous pouvons dire que l'ambigu se moque de la reconnaissance formelle. En dépit de notre connaissance du fil et de son ombre portée, nous ne pouvons nous empêcher d'imaginer une continuité qui aligne leurs tracés à l'intérieur d'un même plan. Nous lirions donc certaines images de la réalité à la manière des représentations picturales : notre connaissance du monde n'arrivant pas à avoir le dernier mot sur l'organisation formelle, à la manière de ces peintures classiques qui nous font réunir à l'intérieur d'un triangle ou le long d'une spirale des éléments qui, vus sous un autre angle, seraient épars. Si cela est vraiment le cas, nous pourrions dire que cette image marque à nouveau le triomphe de la Gestalt. En raison de sa proximité avec la réalité, cette photographie semble confirmer que les lois d'organisation des stimuli sensoriels élaborées par cette école de psychologie régissent notre perception du réel selon leur bon vouloir.

 

 

SUITE

 

Budapest-Cable-1

 

Bien que sis à Budapest, ce câble, qu'il soit électrique ou téléphonique, n'est pas nouveau puisque nous l'avons déjà rencontré au pays basque, qui comme son nom l'indique est un pays.
Rappelons les faits. Vous pourriez penser que le filin d'acier supportant le réverbère qui, la nuit, éclaire de sa position centrale la chaussée hongroise, traverse de part en part la photo. Malheureux qui possédez des yeux pour ne pas voir ! Le câble qui traverse le bleu du ciel vient s'arrêter sur la paroi, là où une tâche noire placée à gauche et un semblant de papillon linéaire situé à droite indique sa fixation au mur. Au-delà de ce point là, vous n'avez plus que l'ombre portée du filin, qui, prise sous cette angle de vue bien précis, semble poursuivre le trajet de l'objet réel.
Nous avons donc ici un alignement équivoque continu (les deux tracés graphiques à la surface de la photo étant ininterrompus). Et comme vous le savez depuis que je n'arrête pas de le répéter pour les bavards qui, étalés sur leur table en fond de classe, poursuivent leur conversation footballistique habituelle, l'alignement peut tout autant aplatir qu'approfondir (lorsqu'il s'agit comme ici des ombres portées) la profondeur de l'espace représenté. C'est ainsi que vous avez pu imaginer un filin d'acier, qui, partant du ciel et poursuivant un trajet rectiligne, serait allé se ficher dans le hors-champ inférieur de l'image. Ce qui n'est pas le cas, sujets voyants qui êtes l'objet passif et asservi des illusions visuelles.

 

ADDENDUM
Ceux qui écoutent, au lieu de bavarder au fond de la classe, auront compris que nous avons ici un deuxième type d'alignement. Un alignement de parallèles vient en effet renforcer l'alignement soi-disant continu du soi-disant câble. Parce qu'elle suit un trajet réellement rectiligne, la gouttière située à gauche de l'image tend à vous laisser penser qu'il en est de même pour le tracé graphique situé à droite. En cela, votre cerveau a des excuses, qui doit lutter contre deux alignements unissant leurs efforts pour abuser de votre sagacité visuelle et, osons le mot, intellectuelle.

 

 

 

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