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“Je ne désire d’ailleurs jamais faire des photographies abstraites,
Un homme, qui tient une barre blanche à la main, marche dans la rue en longeant une ligne blanche peinte au sol. Malgré la pauvreté de ses éléments, cette image en arrive pourtant à perturber la représentation que nous nous faisons de son espace et de l’espace photographique que nous attendons de la photo en général. Pour en arriver là, cette image, que nous appellerons ici la Barre (1), utilise un alignement équivoque. Mais celui-ci diffère de l’alignement des figures ambiguës utilisant une continuité illusoire des directions (croquis ci-dessous à gauche). Cette photo préfère employer un alignement de parallèles (croquis ci-dessous à droite).
En ce second croquis, nous percevons une succession de lignes parallèles entre le bloc central et le bloc enveloppant. Grâce à l’identité de direction de ces lignes, cet alignement plastique donne le sentiment que les deux tracés sont à une même distance à l'intérieur d'un même plan. Le principe visuel de similarité de la Psychologie de la Forme peut expliquer cette situation en ce qu'il tend à regrouper (ici dans un même plan) des éléments qui possèdent des caractéristiques communes (orientation, forme, couleur,...). Mais, dans la photo, un détail nous empêche d’accepter totalement cet aplatissement de l’image : la main qui enserre la barre. Car, à masquer le personnage, nous n’avons plus aucune raison de maintenir cette barre dans les airs, barre qui vient alors se poser au sol en suivant un trajet parallèle à la bande blanche à l’intérieur du plan devenu commun de la chaussée. En ce qui concerne l’espace de cette photo, nous n’obtenons pas tant une inversion de la profondeur du réel que son aplatissement. Les signes que contiennent cette photo et la manière dont elle a été prise l’entraînent donc vers l’abstraction. Nous nous éloignons du récit pour nous rapprocher de la surface de l’image. Mais, en cette épigraphe, Ralph Gibson prend bien garde de nous avertir : ce n’est pas tant l’abstraction elle-même qui l’intéresse que certaines visions abstraites de la réalité. Et pour en arriver là, il n’y a pas mieux que l’aplatissement de la profondeur du réel afin de révéler tant les deux dimensions du support que celles de l’image. Grâce à l’alignement équivoque, la photographie en arrive à proposer une image où deux éléments qui sont éloignés dans la profondeur du réel sont proches dans la vision que nous en avons. Pourtant, encore une fois, à la différence des figures ambiguës (les deux croquis), l’alternative des perceptions n’est pas équitable, puisque nous savons pertinemment que cette barre est tenue en main par le piéton qui la porte. Seulement, cette image nous révèle l’indécision qui, parfois, peut momentanément nous étreindre lors de la construction de la perception que nous avons du monde. NOTE DE BAS DE PAGE (1) GIBSON Ralph, Courant continu, Éditions Marval, 1999, p. 139.
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