L'or des quais, Paris, été
Miroir-du-quai-de-Seine
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Encore ! Encore quoi ? Encore une fenêtre, encore un trou, encore une cavité ? Non, encore un miroir, qui par sa situation, sa couleur, sa lumière, et l'image qu'il renvoie donne plus l'impression d'être un élément d'architecture que la surface réfléchissante que nous sommes habitués à considérer comme étant celle qui nous renvoie tout ce que nous ne pouvons pas voir de nous-mêmes et du monde auquel nous tournons le dos.
Ainsi, en cet endroit particulier du monde que sont les quais parisiens, lieu bien éloigné de nos salles de bains, ce miroir ne joue pas le jeu de la contiguïté équivoque qui lui est habituellement dévolu. Ce miroir là échoue à inverser l'échelonnement des plans : à placer devant nos yeux tout ce qui commence après eux, tout ce qui leur étant postérieur échappe à notre champ de vision. Nous n'avions pas les yeux des pigeons, des poissons ou des mouches, nous regardions ce qu'il y avait devant nous et seuls nos cous et nos jambes permettaient parfois d'échapper à cette perpétuelle fuite en avant visuelle. Le miroir vint pour découvrir nos faces égarées, et le rétroviseur pour regarder ce que nous laissions derrière nous. Pourtant ce miroir là se refuse à jouer le jeu. À certains moments, je le vois comme une trouée dans le calcaire du quai, et à d'autre moments le perçoit comme la plaque de cuivre d'un
Job ou d'un Diogène, qui, habitant sous le pont Alexandre III, n'aurait osé dénaturer cette surface si pure en y apposant son nom. C'est que nous savons bien que les miroirs ne vivent pas sur les quais de la Seine et qu'ils ne sont pas destinés à refléter la pierre du quai. Nous devons, la plupart du temps, les regarder en face, nos yeux dans leurs yeux, afin qu'ils puissent remplir leur fonction. Ainsi, tant d'un point de vue matériel que fonctionnel, nous avons du mal à retrouver en ce miroir le renversement des plans, qui, ne vous en déplaise, n'en existe pas moins.
Car, en raison du point de vue oblique de l'appareil photographique, ce miroir là renvoie un hors-champ latéral. L'image reflétée est celle de la première arche du pont qui, éclairée par le soleil couchant de septembre, s'élance à l'orthogonale depuis le mur du quai faisant office de butée. En cela, nous avons une contiguïté équivoque : nous voyons devant nous, légèrement en oblique, ce qui est situé à notre droite dans un plan perpendiculaire. Les miroirs, qui travaillent habituellement l'échelonnement frontal des plans, ne nous avaient pas habitués à cette équivoque des orientations. Mais, ces derniers, tels des chiens jouant à la ba-balle, se contentent de rapporter ce que nous leur proposons. Ainsi, les miroirs et les reflets renvoient une image biaisée du monde du regard biaisé que nous portons sur eux.

 

 

 

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