La deuche apeurée, circa 1983.
"Deuche", double-image du capot de la 2cv.
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Une simple deux-chevaux Citroën, véhicule des paysans précautionneux et des baby-boomers entrant d'un pas timide dans une société de consommation encore empreinte de progrès et d'innocence, peut, sous certaines lumières, à certains égards et de certains points de vue, évoquer un de ces animaux fabuleux échappés de l'ère quaternaire : varan de Comodo, iguane, coelacanthe et autres résidus d'une évolution ralentie qui aurait été transcrite dans la tôle de véhicules automobiles imaginée par des designers dont le cerveau reptilien ignorait encore avec superbe l'attente de masses, pour lors, encore ignorantes de leurs désirs.
Cette bonne vieille deuche devient ainsi un monstre grimaçant, à l'oeil exorbité et à la canine agressive, sa mâchoire pouvant tout autant broyer du mammouth qu'engloutir du bison. Et pourtant, cette tête pourrait très bien être celle d'une proie apeurée, plutôt que le profil du prédateur décrit précédemment. Car, à porter son regard en arrière, plus loin dans la savane sombre et dense, une autre face semble surgir de l'environnement : celle d'un animal léonin, qui camouflé dans l'herbe drue n'attendrait que le moment propice pour faire de l'objet de son étude son prochain repas. Grâce à ce détail caché surgi du fond de l'image, la signification fabuleuse de cette image se trouve renversée, et le paléontologue amateur doit reconsidérer son point de vue. Cette bête se sent gibier plus que prédateur et c'est en quittant la proie pour l'ombre que nous en sommes arrivés à un constat qui contredit le récit de notre perception première déjà ambiguë : la machine et le monstre agressif.

 

Lion


Nous sommes donc là dans le registre de la superposition équivoque, qui veut que deux images différentes puissent surgir d'un même tracé matériel. Ici les deux interprétations contradictoires d'une seule forme (la voiture et l'animal), entretiennent un récit avec deux perceptions différentes d'une même surface (la savane et la tête léonine). Mais tandis, que le premier couple joue de l'ambiguïté de la figure (les deux formes perçues étant nettement définies sur un fond neutre), le second a recours à l'ambiguïté du fond en ce que nous sommes amenés à découper à l'intérieur d'un fond anarchique, sans début et sans fin, une forme précise qui, en s'en détachant, acquiert le statut de figure. Alors que le premier couple relève de la double-image de la tradition arcimboldesque (
exemple d'arcimboldesque), le second est à ranger dans la catégorie des figures par camouflage (exemple de camouflage).

 

 

 

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