Mur moussu, lieu oublié, circa
Herbe-du-Mur-2
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PLANSITE-------SITEMAP----

 

DÉBUT DES PHOTOS AUX SUPERPOSITIONS ÉQUIVOQUES D'ORIENTATIONS.

Regardant cette photo, vous pourriez voir une plate-bande de mousse bordée de blocs de granit rose. La mousse possède l'avantage de ne pas avoir à subir la tonte dominicale que les mâles urbains, qui aiment tout ce qui possède un moteur pétaradant, imposent à leur pelouse artificielle, sise au milieu d'une campagne labourée, traitée, fertilisée et engraissée par des paysans, derniers défenseurs de la nature naturelle. La bordure de granit possède, quant à elle, l'avantage de contenir cette mousse qui n'a de cesse de se répandre, en dépit des traitements chimiques réputés mais répétés que ces mêmes salariés s'empressent de lui infliger, afin de pouvoir faire rouler leur tondeuse autotractée sur l'herbe drue obtenue grâce aux défoliants magiques. Il suffirait pourtant, comme tout japonais qui se respecte, de parsemer son jardin de mousse, d'accepter enfin sa présence végétale aux qualités particulières, de ressentir le moelleux du toucher et le velours du regard.
Pourquoi cette diatribe, pourquoi ces mots qui désespèrent et culpabilisent Billancourt au lieu de consoler le salarié harassé ? Tout simplement parce que cette végétation n'est pas une plate-bande travaillée par la main de l'homme, mais une simple plaque de mousse qui, peu à peu et tout naturellement, a rempli la surface d'un bloc de granit encastré en hauteur dans le pignon d'une maison (voir photo ci-dessous).

 

Herbe-du-Mur-1

 

Cette situation, bien que réelle, semble donc invraisemblable. Comment se fait-il que sur le mur d'une maison, située dans une quelconque ville d'un quelconque pays, puisse pousser deux parfaits rectangles de mousse, qui jamais ne débordent de la pierre sur laquelle elle vit, survit et s'accroche à la verticale ?

Mais l'horticulture et les murs végétaux n'étant pas notre fort, nous allons revenir à nos problématiques plastiques habituelles. Étant donné que deux rectangles (l'un de pierre et l'autre de mousse) prêtent le flanc à deux articulations différentes (l'une plane, l'autre orthogonale), nous sommes en présence d'une superposition équivoque. Dans cette catégorie plastique de l'ambigu, la photo qui nous intéresse n'est pas sans rappeler le Dièdre de Mach. Mais, tandis que le dièdre, en tant qu'image abstraite éloignée du réel, présente un équilibre de ses interprétations, nos deux rectangles photographiés paraissent indubitablement orthogonaux avant que la preuve de leur platitude ne soit assénée au spectateur lambda. Bien que depuis longtemps habitué à cette image, je ne peux m'empêcher d'imaginer un angle droit à chaque fois que je tombe par hasard sur cette photo.

 

dièdre-de-Mach

 

C'est qu'ici, nous nous éloignons d'une "perception pure" de laboratoire de psychologie. Nous n'avons plus tant à juger des formes géométriques simples et inventées que des matières connues et réelles. Ainsi, avec cette photo, nous avons sans doute à faire à ce que les psychologues appellent les processus de haut niveau ou encore processus descendants. Notre connaissance conceptuelle du monde vient interférer avec les processus de bas niveau qui se contentent de trouver et d'organiser des contours, des surfaces, des valeurs et des couleurs. C'est par ma connaissance antérieure des caractéristiques usuelles de la mousse et de la pierre, que je tends à voir de l'orthogonalité. Sachant que la mousse s'étend le plus souvent à l'horizontale, sachant que la pierre taillée peut former bloc et bordure de plate-bande, j'en déduis un parterre inexistant.
Ainsi, ce mur moussu, bien éloigné de la théorie de la perception, montre que la réalité sera toujours plus complexe que les figures inventées par les psychologues : alors que les obliques du
Dièdre alternent équitablement entre deux orientations contraires, les verticales de ce mur semblent se briser sans raison évidente.

NOTA-BENE
Un détail photographique incline cependant à voir de la profondeur là où il n'y a que verticalité. Dans le détail présenté, nous avons un flou de premier plan. Pour une raison que j'ignore, la mousse mais aussi le joint de mortier, semblent plus nets. En cela, nous pourrions penser qu'une mise au point a été faite sur la mousse qui, en cela, serait plus éloignée. Il est vrai que ces blocs étant situés à environ trois mètres du sol, cette vue en contre-plongée a pu donner lieu à profondeur de champ. Pourtant, rien de tout cela n'apparaît dans la vue d'ensemble.

 

 

 

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