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DÉBUT DES PHOTOS AUX SUPERPOSITIONS ÉQUIVOQUES D'ORIENTATIONS. Regardant cette photo, vous pourriez voir une plate-bande de mousse bordée de blocs de granit rose. La mousse possède l'avantage de ne pas avoir à subir la tonte dominicale que les mâles urbains, qui aiment tout ce qui possède un moteur pétaradant, imposent à leur pelouse artificielle, sise au milieu d'une campagne labourée, traitée, fertilisée et engraissée par des paysans, derniers défenseurs de la nature naturelle. La bordure de granit possède, quant à elle, l'avantage de contenir cette mousse qui n'a de cesse de se répandre, en dépit des traitements chimiques réputés mais répétés que ces mêmes salariés s'empressent de lui infliger, afin de pouvoir faire rouler leur tondeuse autotractée sur l'herbe drue obtenue grâce aux défoliants magiques. Il suffirait pourtant, comme tout japonais qui se respecte, de parsemer son jardin de mousse, d'accepter enfin sa présence végétale aux qualités particulières, de ressentir le moelleux du toucher et le velours du regard.
Cette situation, bien que réelle, semble donc invraisemblable. Comment se fait-il que sur le mur d'une maison, située dans une quelconque ville d'un quelconque pays, puisse pousser deux parfaits rectangles de mousse, qui jamais ne débordent de la pierre sur laquelle elle vit, survit et s'accroche à la verticale ? Mais l'horticulture et les murs végétaux n'étant pas notre fort, nous allons revenir à nos problématiques plastiques habituelles. Étant donné que deux rectangles (l'un de pierre et l'autre de mousse) prêtent le flanc à deux articulations différentes (l'une plane, l'autre orthogonale), nous sommes en présence d'une superposition équivoque. Dans cette catégorie plastique de l'ambigu, la photo qui nous intéresse n'est pas sans rappeler le Dièdre de Mach. Mais, tandis que le dièdre, en tant qu'image abstraite éloignée du réel, présente un équilibre de ses interprétations, nos deux rectangles photographiés paraissent indubitablement orthogonaux avant que la preuve de leur platitude ne soit assénée au spectateur lambda. Bien que depuis longtemps habitué à cette image, je ne peux m'empêcher d'imaginer un angle droit à chaque fois que je tombe par hasard sur cette photo.
C'est qu'ici, nous nous éloignons d'une "perception pure" de laboratoire de psychologie. Nous n'avons plus tant à juger des formes géométriques simples et inventées que des matières connues et réelles. Ainsi, avec cette photo, nous avons sans doute à faire à ce que les psychologues appellent les processus de haut niveau ou encore processus descendants. Notre connaissance conceptuelle du monde vient interférer avec les processus de bas niveau qui se contentent de trouver et d'organiser des contours, des surfaces, des valeurs et des couleurs. C'est par ma connaissance antérieure des caractéristiques usuelles de la mousse et de la pierre, que je tends à voir de l'orthogonalité. Sachant que la mousse s'étend le plus souvent à l'horizontale, sachant que la pierre taillée peut former bloc et bordure de plate-bande, j'en déduis un parterre inexistant. NOTA-BENE
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