THÉORIE

"Qu'est-ce que le fond ?"

 


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I. L’AMBIGU DU FOND
 

D’après la Psychologie de la Forme, le fond constitue le contenant de la figure, le lieu d’où la figure surgit pour constituer le centre d’attention et le sujet de l’image. Mais, en offrant une multitude de formes au regard, le fond échoue parfois à mettre en avant une figure. Nous avons alors à trouver dans ce chaos de formes les éléments cachés pouvant donner lieu à figure.
Cette situation particulière veut que l’ambigu du fond ne connaisse que les figures multiples (la multitude d’éléments formant le chaos du fond), même si, in fine, nous arrivons au processus habituel : faire surgir une figure du fond qui la contient. Les images qui nous conduisent à mener ce travail particulier sont parfois connues sous le nom de figures par camouflage. Dans la classification proposée ici, les figures par camouflage deviennent des alignements équivoques ou des contacts ambigus.
 

a) L’ALIGNEMENT ÉQUIVOQUE
Le
Dalmatien est sans doute la figure par camouflage la plus connue. Le plus étonnant est que cette image n’est pas un dessin mais une photo. Photo il est vrai particulière : en éliminant les gris intermédiaires, la surexposition réduit l’image à un ensemble de taches noires dispersées sur un fond blanc. La forme d’un dalmatien est ainsi cachée à l’intérieur d’un chaos apparemment incompréhensible. Pour résoudre cette énigme visuelle, nous devons procéder à un alignement : trouver et relier les tâches qui font partie du chien pour en dégager le contour perdu. C’est la multitude de trajets possibles (surtout si nous ne savons pas qu’un chien est caché là), qui rend cet alignement incertain.

 

Figure par camouflage : "Dalmatien", photo retravaillée.

 

b) LE CONTACT AMBIGU
L’
Étoile présente, elle-aussi, une forme cachée à l’intérieur de son décor. La surface de l’image entièrement recouverte de formes géométriques imbriquées cache une forme stellaire que nous devons retrouver afin de faire surgir sa figure du fond morcelle et répétitif. Mais, à la différence du Dalmatien, la totalité des contours d’une étoile sont tracés à la surface du papier. Notre travail consiste seulement à repérer les points de contiguïté de cette étoile avec le fond, ce qui en fait un contact ambigu.

 

Figure par camouflage : "Etoile", dessins.

 

c) L’APPROFONDISSEMENT DE L’ESPACE
Avec les figures par camouflage, nous assistons à un phénomène récurrent de l’ambigu du fond : l’approfondissement de l’espace. À chaque fois, il nous est en effet demandé de faire surgir une figure du fond qui la contient. Alors que l’image nous paraît au premier abord parfaitement plane, nous avons à dégager une figure du chaos de formes, qui, dès qu’elle sera perçue ou reconnue, viendra au premier plan comme l’
Étoile, ou pire s’intégrer à un espace à trois dimensions à la manière du Dalmatien. Ainsi, l’ambigu du fond aboutit à un résultat spatial contraire à celui de l’ambigu de la figure. Bien que les mêmes principes plastiques soient utilisés (alignement et contact), leur application à des types de surface différents donnant lieu à des résultats opposés tendrait à montrer que les trois types de surfaces n’ont pas la même finalité pour la perception humaine, et qu’ils ne s’adressent peut-être pas aux mêmes mécanismes du système visuel.

 

II. L’IMPOSSIBLE DU FOND
 

À la manière de l’ambigu du même nom, l’impossible du fond fait surgir une figure sur un fond. Mais à la différence de l’ambigu, le surgissement s’impose à nous, sans que nous ayons notre mot à dire. Pourtant, en ce cas aussi, le fond de l’image joue un rôle déterminant. En effet, la forme, dont le surgissement nous est imposé, se confond avec le fond, la plupart de ses contours étant absents ou purement illusoires. Ces figures appelées fictives, qui relèvent de l’impossible du fond, donnent lieu à des superpositions inversées et des alignements incohérents.

 

a) L’ALIGNEMENT INCOHÉRENT
Le
Trapèze dit de Kanizsa reprend le principe du célèbre Triangle dessiné par Gaetano Kanizsa en 1976. Cette figure me pose problème en ce que j’ai longtemps cru qu’elle était ambiguë. Malheureusement, la forme trapézoïdale qui s’impose à nous en fait une image univoque. De plus elle peut être considérée comme impossible en ce que les contours sont hallucinés et que rien ne distingue le blanc de la surface d’un soi-disant trapèze du blanc du fond (qui malgré les apparences sont identiques). Avec cette figure, une partie du fond de l’image devient la figure, qui surgit de manière impossible du fond de l’image. Situation inextricable qui montre bien que le fond est essentiel à la réalisation des figures fictives.

 

Figure fictive : "Trapeze dit de Kanizsa", dessin.

 

b) LA SUPERPOSITION INVERSÉE
Cette image, que je n’ai pas encore réussi à trouver sur le web, est une variante du
Triangle de Kanizsa. Un cercle a simplement été ajouté, qui malgré son tracé noir à la surface de la feuille oblige les trois pointes du triangle fictif et aérien à passer sous son trait avant d’aller recouvrir les disques noirs. En cela, nous avons une superposition inversée du fond. Le triangle surgissant devrait en effet masquer le cercle qui passe sous le triangle non fictif, aux contours noirs. Comme toutes les figures impossibles, cette image pourrait sans doute être construite, mais ce va et vient incessant entre ce qui relève de la figure et ce qui appartient au fond nous paraît de prime abord incohérent.

 

Figure impossible et fictive : "Triangle de Kanizsa à superposition inversée".

 

c) L’APPROFONDISSEMENT DE L’ESPACE
Avec l’impossible, nous retrouvons le phénomène déjà observé grâce à l’ambigu de la figure : l’approfondissement de l’espace. Mais, à la différence de l’ambigu, nous n’avons plus à rechercher la figure qui viendra se placer au premier plan : celle-ci s’impose à nous. C’est d’ailleurs ce surgissement obligatoire et surtout injustifié qui permet de ranger les fictives avec les figures impossibles. Toutes les mesures des laboratoires de psychophysique montrent qu’il n’y a ni seuil, ni gradient entre la figure et le fond et que la luminosité du trapèze fictif est la même que celle du fond de l’image. Pourtant, devant nos yeux ébahis, une forme surgit pour flotter légèrement au-dessus du fond, et cette forme dégage une luminosité plus intense, qui semble lui conférer des contours.

 

 

 

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