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"Le kô-an ou la question sans réponse"

 


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Janvier 2007

AVERTISSEMENTS
Je n'ai pas écrit une seule ligne des textes présentés ci-dessous. J'ai simplement recopié des extraits des différents livres cités en bas de page. Les raisons de cet état de fait sont des plus simples :
1) Je suis fonctionnaire.
2) Je fonctionne à temps partiel.
3) Je travaille sur le site pendant mes heures de loisir. Cette affirmation: "Un fonctionnaire travaillait pendant ses heures de loisir", constitue en soi un double paradoxe du langage. Premier niveau paradoxal : "Un fonctionnaire travaillait". Second niveau du paradoxe : "Ce fonctionnaire travaillait pendant ses loisirs!". Mais nous pouvons encore poursuivre le jeu bien connu de la Vache qui rit pour atteindre un troisième niveau d'incongruité de la langue. Certains seront amenés à penser qu'un fonctionnaire, qui est payé lorsqu'il est supposé travailler, peut très bien travailler lorsqu'il n'est pas payé pour le faire. Le fonctionnaire est vicieux : c'est un fait.
4) Revenons à nos moutons : j'envisageais depuis longtemps de mettre en ligne ces textes qui vont bien au-delà de la poésie, du langage et même de la pensée mystique. Malheureusement, je me suis récemment rendu compte que ma Classification toujours perfectible des figures ambiguës et impossibles (appliquée au langage) était réellement perfectible ! En raison de cette tautologie (une classification perfectible qui s'avère imparfaite), Toto est revenu au logis.
5) N'ayant pas le temps de colmater les brèches de ma classification percée, trouée et non encore ravaudée, je vous laisse goûter ces textes, avant que l'obsessionnel que je suis ne vienne gâcher votre plaisir, en essayant de les faire rentrer à l'intérieur de catégories conceptuelles dont le zen et tao se sont affranchis depuis longtemps.

 

DÉFINiTION DU KÔ-AN

Un kô-an, d'après une autorité, signifie "un document public établissant une mesure de jugement", par laquelle on peut éprouver à quel degré est correcte la compréhension du Zen par un individu. Un kô-an est généralement quelque affirmation d'un ancien maître, ou quelque réponse donnée par lui à un questionneur.

LES DIX POINTS

T'oueï-in met ses étudiants en garde sur les dix points suivants :
1. Ne calculez pas selon votre imagination.
2. Ne laissez pas distraire votre attention lorsque le maître lève ses sourcils ou cligne de l'œil.
3. N'essayez pas de tirer un sens de la façon dont le kô-an est formulé.
4. N'essayez pas de faire une démonstration sur les mots.
5. Ne pensez pas que le sens du kô-an doit être saisi là où il est proposé comme objet de pensée.
6. Ne Prenez pas le Zen pour un état de simple passivité.
7. Ne jugez pas le kô-an selon la loi dualiste de iou (sanskrit asti, "il est ") et ou (sanscrit nâsti, "il n'est pas").
8. Ne prenez pas le kô-an comme désignant le vide absolu.
9. Ne ratiocinez pas sur le kô-an.
10. Ne laissez pas votre esprit dans l'attitude d'attendre que le satori apparaisse.

KÔ-ANS

Un moine demanda à Toung-chan : " Qui est le Bouddha " Le maître répondit : "Trois kin de lin. "

 

On demanda un jour à lun-mên : " Quand aucune pensée ne remue dans l'esprit, y a-t-il là de l'erreur? - Autant que le mont Sumeru. "

 

Tchao-tcheou répondit "Ou !" (mou en japonais) à cette question d'un moine : "Y a-t-il de la nature de Bouddha dans un chien? " Ou signifie littéralement " non " ou " aucunement ", mais lorsque ce mot est proposé comme kô-an, il ne se réfère pas à son sens littéraI, c'est "Ou" pur et simple.

 

Lorsque le moine Ming rattrapa Houeï-nêng en fuite, iI lui demanda de lui donner le secret du Zen. Houeï-nêng répondit : " Quel est votre visage originel, que vous aviez avant même votre naissance? "

 

Un moine demanda à Tchao-tcheou : " Quel est le sens de la venue du premier Patriarche en Chine ? - Le cyprès dans la cour d'entrée. "

 

Quand Tchao-tcheou vint étudier le Zen auprès de Nan-ts'uan il demanda : " Qu'est-ce que le Tao (ou la Voie)? " Nan-ts'uan répondit : " Votre esprit de tous les jours, c'est cela le Tao. "

 

Un moine demanda : " Toutes choses, dit-on, sont réductibles à l'Un, mais à quoi l'Un est-il réductible? " Tchao-tcheou répondit : " Quand j'étais dans le district de Tching, je me suis fait faire une robe qui pesait sept kin. "

 

Soueï-lao, tout en arrangeant les glycines, demanda a son maître Ma-tseu : " Que signifie la venue du Patriarche de le l'Ouest jusqu'ici ? Ma-tseu répondit : " Venez un peu plus près, et je vous le dirai. " Dès que Soueï-lao se fut approché, le maître lui donna un coup de pied qui l'envoya à terre. Mais cette chute ouvrit soudain son esprit à un état de satori, car il se releva en riant de bon cœur, comme si un événement tout à fait inattendu et très désiré se fût produit. Le maître demanda : " Quel est le sens de tout ceci? " Lao s'écria : " Innombrables, certes, sont les vérités enseignées par les Bouddhas, et, toutes, telles qu'elles sont à leurs sources mêmes, je les perçois maintenant dans I'extrémité d'un cheveu."

 

Têh-chan fut également l'un des maîtres qui brandissaient un bâton dans la même intention ; car il avait l'habitude de dire : " Peu importe ce que vous dites, ou ce que vous ne dites pas, vous aurez trente coups de bâton! " Un jour que deux groupes de moines se disputaient la propriété d'un petit chat, le maître Nan-k'iuan P'ou-iuan sortit de sa cellule, saisit l'animal et leur dit : " Si vous pouvez dire un mot, il sera sauf, sinon il sera tué." Un mot, cela signifiait, bien entendu, un mot qui dépassât à la fois l'affirmation et la négation, comme lorsqu'on demanda à Tchao-tcheou "un mot de la vérité ultime". Nul ne répondit, et le maître mit à mort la pauvre créature.

 

Un moine vint un jour de chez 0ueï-chan auprès de Siang-ièn, qui lui demanda : " Il y avait une fois un moine qui interrogea Oueï-chan sur le dessein qu'avait le Patriarche en venant en Chine, et Oueï-chan en réponse, brandit son hossou. Comment donc entendez-vous le sens de ce geste ? " Le moine répondit. " L'idée du maître est d'éclairer l'esprit en éclairant la matière, de révéler la réalité par le moyen d'une réalité objective." "Votre compréhension, dit le maître, est correcte dans ses limites. Mais à quoi bon se hâter ainsi de théoriser? " Le moine, changeant ses positions, demanda : "Et vous, comment comprenez-vous? " Siang-ièn brandit son hossou comme avait fait l'autre maître.

 

Une autre fois qu'on l'interrogeait sur le sens de la venue en Chine de Bodhi-dharma, Siang-ièn mit sa main dans sa poche, l'en retira en tenant le poing fermé, et l'ouvrit comme pour en donner le contenu au questionneur. Celui-ci s'agenouilla et étendit les deux mains dans le geste de recevoir. " Qu'est-ce que c'est? " dit le maître. Le moine ne répondit rien.

 

C'est encore le même Siang-ièn qui proposa le kô-an bien connu de l'homme accroché à l'arbre. Le kô-an s'énonce ainsi : " Un homme est au-dessus d'un précipice profond de mille pieds, suspendu par les dents à une branche d'arbre; ses pieds sont dans le vide et ses mains ne peuvent s'accrocher à rien. Supposez que quelqu'un vienne à lui et lui pose la question : " Quel est le sens de la venue d'Occident du premier patriarche ? " Si cet homme ouvre la bouche pour répondre, il tombera sûrement et perdra la vie; mais s'il ne répond pas, on dira qu'il n'a pas fait attention au questionneur. A ce moment critique, que doit-il faire? "

 

Iloueï-t'ang Tsou-hsin étudia le Zen, sous la direction de Houeï-nan de Houang-po, pendant plusieurs années mais sans succès. Un jour, parcourant l'histoire du Zen, il lut ceci: "Un moine vint trouver To-fou et demanda : "Comment est le bosquet de bambous de To-fou?
- Un ou deux bambous sont penchés.
- Je ne comprends pas.
- Trois ou quatre sont tordus. "
Ce mondo ouvrit les veux de
Tsou-hsin. Il alla vers le maître Houeï-nan, et, comme il allait faire ses révérences après avoir étalé son tso-kun, le maître sourit et dit : " Vous êtes maintenant entré dans ma chambre. " Tsou-hsin en eut beaucoup de joie et dit : " Si la vérité du Zen est ce que je possède maintenant, pourquoi nous faites-vous absorber toutes les vieilles histoires et nous épuiser en efforts à essayer d'en trouver le sens? " Le maître dit : " Si je ne vous faisais pas lutter ainsi de toutes les manières possibles pour trouver le sens et vous amener finalement à un état de non-lutte et de non-effort où vous puissiez voir de vos propres veux et vous faire un salut à vous-même, je suis si sûr que vous perdriez toutes chances de vous découvrir vous-même. "

 

Lorsque T'eou-tseu Ta-t'oung rencontra le maître T'soueï-oueï dans la Salle du Dharma, il interrogea le maître sur le sens de la venue de l'Inde du Patriarche. Tsoueï-oueï resta un moment à regarder derrière lui. Comme Ta-t'oung désirait un enseignement explicite, le maître dit : " Voulez-vous recevoir encore une pelletée de boue sur la tête ? " Cela voulait dire que le questionneur avait été déjà auparavant plongé dans la boue et qu'il n'en savait rien.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

DESHIMARU Taïsen, Le bol et le bâton, Éditions Albin Michel, Paris, 1986.
DESHIMARU Taïsen, La pratique du zen, Éditions Albin Michel, Paris, 1981.
SUZUKI Daisetz Teitaro, Essais sur le Bouddhisme Zen, Première série, Éditions Albin Michel, Paris, 1972.
SUZUKI Daisetz Teitaro, Essais sur le Bouddhisme Zen, Deuxième série, Éditions Albin Michel, Paris, 1972.
SUZUKI Daisetz Teitaro, Essais sur le Bouddhisme Zen, Troisième série, Éditions Albin Michel, Paris, 1972.

 

 

 

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