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« Voyons : là une Chose, une chaise. Je prends une ampoule électrique, je la pose sur la Chose. J’allume. Qu’est-ce que je vois, qu’est-ce que je distingue ? Ce sont en NOIR sur le plancher les OMBRES, le NOIR qui transforme le caractère de la chaise-Chose. C’est la dé-signification de la Chose par des signes NOIRS, qui me transfèrent l’image claire. Si je remue l’ampoule électrique, les OMBRES ne parlent plus de la signification, elles rendent l’image d’une CHOSE qui ne reste plus Chose, qui évoque autre chose que la chose. " Raoul Hausmann, Mélanographie, Paris, éditions SIC, 1969
OMBRES PRISES PAR LA PHOTOGRAPHIE.
1. Les objets et les ombres
La plupart des objets font partie des choses les moins agressives du monde, même la nature, avec ses catastrophes naturelles, est plus incertaine. Pourtant, l’utilisation des choses par certains humains peut changer la nature neutre et indifférente des objets. Ainsi, le marteau, selon celui qui l’emploie, peut tout autant enfoncer un clou que le crâne d’un être humain. Aussi, pour atteindre un objet, neutre, passif et indifférent, j’en arrive à choisir son ombre. Les ombres n’ont jamais fait de mal à personne.
2. Les objets sont fixes et les ombres sont mouvantes.
Les ombres sont mouvantes et fugaces. Après quelques minutes, elles ne traceront pas les mêmes formes à la surface des murs et du sol, n’entretiendront pas les mêmes coïncidences avec les lignes de la rue. Déformées, tordues, allongées, elles passent, incessamment et moment après moment, d’une forme à l’autre, pour finir par s’évanouir lorsque la source lumineuse vient à disparaître. Ainsi, l’ombre est un des éléments du monde le plus fugitif, le moins tangible, le moins réel.
3. Les objets sont immuables et les ombres se meuvent.
Bien qu’inanimés, dépourvus de vie, les objets ont encore quelque chose d’humain : leur origine, leur forme, leur fonction. Bien que souvent attachées aux objets, les ombres portées ne sont pas à l’image de leur origine : elles ne fonctionnent pas comme eux. Ainsi les ombres sont les éléments du réel les plus détachés de la réalité.
4. Les ombres plates soulignent les volumes
Bien que surfaces sombres portées au sol, les ombres permettent de souligner les volumes et d’amplifier leurs masses. Le même coin de rue paraitra plat par temps gris et profond au soleil.
5. L’ombre est une absence
L’ombre est une absence, l’absence de lumière, l’absence de tous les photons qui apportent la couleur. L’ombre est la non-lumière, la non-couleur, la non-existence. L’ombre de la nuit efface ainsi le monde.
6. Rester dans l’ombre
Rester dans l’ombre. Ne pas se mettre en lumière. Regarder le monde sous le feu des projecteurs, depuis l’ombre de la salle. Rester en retrait, Ne pas se mettre en avant. Regarder ce qui est devant depuis l’arrière. Savoir rester à sa place.
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