ARTICLE

"Nouvelles hypothèses sur la chambre d'Ames"

 


PLANSITE------SITEMAP-----

 

Février 2013

D'AUTRES THÉORIES INCERTAINES SUR LA CHAMBRE D'AMES

Après avoir évoqué la plupart des théorie connues sans avoir totalement percé le mystère de la Chambre d'Ames, moi, aventurier sans scrupules et sans retenue, vais tenter de creuser mon trou en traçant d'autres pistes sur le sol incliné de cette satanée chambre tordue.

1. MOUVEMENT ET CONSTANCE DE TAILLE DANS UNE PERSPECTIVE ACCÉLÉRÉE

Personne ne semble avoir fait le rapprochement entre la Chambre d'Ames et la perspective accélérée. C'est ainsi qu'une expérience serait à tenter afin d'évaluer l'importance du volume apparemment cubique de la chambre quant à l'illusion du géant qui se transforme en nain. Il suffirait pour cela de découper, dans toute sa longueur, une moitié de la galerie du Palais Spada de Borromini afin d'y faire circuler un humain ordinaire, puis de filmer le tout afin de, peut-être, retrouver l'histoire du nain qui se transforme en géant.
À envisager la réussite de l'expérience, nous serions alors amenés à penser que cette illusion, qu'elle soit perçue dans une chambre ou une galerie, résulte de la confrontation des deux éléments en présence : un mouvement dans la latéralité de l'espace et l'illusion de
Ponzo, pour l'occasion renversée à l'horizontale.

 

L'illusion de Ponzo basculée à l'horizontale.

Alors que les deux silhouettes sont de taille égale, nous pensons que celle de droite est plus grande. Les deux lignes convergentes créent un effet illusoire de perspective. Confronté à une vue perspective, notre système visuel tend à corriger la diminution de taille aberrante que celle-ci induit pour les éléments connus de taille constante. L'illustration ci-dessous présente trois colonnes qui semblent grandir au fur et à mesure de leur éloignement, alors qu'elles sont de taille égale. C'est ainsi que l'illusion de Ponzo n'ait d'une application trop stricte du principe de constance de taille à des situations évoquant des vues perspectives.

 

Illusion de Ponzo classique

 

ADDENDUM PROVISOIRE
L'idéal serait de réaliser une version animée de l'illusion figée aux deux personnages. Une animation, Gif ou Java, où un personnage unique se déplacerait de gauche à droite et de droite à gauche, devrait montrer la transformation du nain en géant et inversement. Mais, pour lors, je n'ai pas les connaissances techniques nécessaires à la réalisation de cette animation des plus simples.

CONCLUSION TEMPORAIRE.
L'évident reproche que tout un chacun pourra adresser à cette réflexion est que la
Chambre d'Ames élimine justement notre perception de l'obliquité réelle des lignes de la pièce pour nous laisser croire à leur parallélisme illusoire. Comment pourrions-nous comparer la taille d'une personne avec des lignes convergentes non perçues ?
En premier lieu, il est à noter que certaines videos de la chambre présentent un mur du fond non rectangulaire, quand ce n'est pas le point de vue (l'oeilleton) qui, parfois décalé vers la droite, en arrive au même résultat.
http://www.onlinewahn.de/raum.htm
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=hCV2Ba5wrcs
En second lieu, la perception humaine est beaucoup plus complexe que nos yeux tendent à nous le laisser croire. Dès 1886,
Helmholtz avait proposé un inconscient de la perception visuelle : certains éléments du réel, bien que reconnus comme tels par les mécanismes de notre système visuel, ne sont pas connus de celui qui les a perçus ou si ils sont connus peuvent ne pas être pris en compte, in fine, dans l'image finalement perçue. Plus tard en 1983; Libet a montré que la décision d'action, comme prendre un verre sur une table, était déjà cérébralement initiée avant même que nous ayons conscience d'avoir pris cette décision. En cela, rien n'est simple.

2. MOUVEMENT DANS LA PROFONDEUR ET CONSTANCE DES GRADIENTS

Après avoir beaucoup surfé dans les différentes chambres que le web nous propose, j'ai été amené à constater que toutes les chambres où nous avons l'illusion du nain et du géant utilisaient un carrelage pour orner le sol. Ces vidéos sont ainsi amenées à présenter un "nain" dont les pieds rentrent totalement à l'intérieur d'un carreau, alors que ceux du "géant" débordent largement. Nous pouvons voir et donc juger la taille du personnage déambulant en fonction de carreaux, qui tout en étant apparemment identiques, ne le sont pas.
Pour cela, il vous suffit d'observer la taille relative des pieds de la mère et de l'enfant par rapport à la taille des carreaux qu'ils recouvrent.

 

Chambre d'Ames avec damier, 3.

 

Ainsi, là encore, une expérience serait à tenter : construire deux chambres à l'identique, dont l'une serait dépourvue de carrelage afin d'évaluer l'importance du carrelage. Depuis Gibson, le carrelage, comme tout élément répétitif diminuant avec l'éloignement, est à considérer comme étant un gradient de densité, élément essentiel dans la perception que nous avons de l'espace. C'est ainsi que le gradient de densité est un indice de perspective qui, en certaines occasions, arrive à produire les mêmes effets délétères que l'illusion de Ponzo. Bien que les deux disques noirs possèdent une taille identique, le disque supérieur parait plus grand du fait qu'il recouvre des gradients serrés et diminués (Coren & Girgus, p. 132).

 

Gradients de densité de Coren & Girgus

 

L'hypothèse envisagée maintenant est la suivante : notre système visuel est confronté à une incohérence qu'il va essayer de résoudre de la manière la plus économe qui soit. Si la taille d'un personnage diminue alors que la taille des gradients, du décor régulier sur lequel il se déplace, reste constante, ce personnage ne peut s'éloigner. En cette occurrence, l'environnement apparent, tant la vision d'une pièce cubique que la constance de taille supposée des gradients dans la latéralité de l'espace, s'oppose à l'hypothèse d'un éloignement du personnage. C'est ainsi que notre système cognitif serait amené à choisir la solution la moins improbable pour lui (et pourtant si effarante pour nous) du géant qui se transforme en nain.

Afin de vérifier cette hypothèse a contrario, j'ai été amené à produire des figures qui, à la manière de l'illusion de
Ponzo aux deux personnages, et surtout à la manière de l'illusion de Coren & Girgus, auraient dû conforter cette idée. Malheureusement, comme vous pouvez le constater, tout a échoué.
En ces deux images, le bonhomme situé à droite ne parait pas plus grand que celui placé à gauche.

 

Gradients de densité et bonhommes, version 1.

 

Gradients de densité et bonhommes, version 2.

 

Vexé comme un pou, j'ai essayé d'autres dispositions de gradients. Autres dispositions tout aussi inutiles et inefficaces que les précédentes.

 

Gradients de densité et bonhommes, version 5.

 

 

Gradients de densité et bonhommes, version 6.

 

Cet échec est tel qu'il pose question. Comment deux disque égaux peuvent-ils paraître inégaux en fonction de gradients différents tandis que deux silhouettes ne sont pas affectées par une modification similaire ? La première remarque venant à l'esprit est que les disques sont posés au milieu des gradients de densité, alors que les bonhommes sont au sommet. Mais d'une part, la transformation du géant en nain s'opère la plupart du temps lorsque le personnage déambule au fond de la chambre, sur la dernière rangée de carreaux. Nous en sommes ainsi arrivés au monde à l'envers d'une illusion attendue et je n'ai aucune explication à proposer pour expliquer cette mésaventure.

PAGE PRÉCÉDENTE : Les théories perceptives de la chambre d'Ames
PAGE SUIVANTE : Les gradients de densité et la chambre d'Ames

 

 

WEBOGRAPHIE

http://en.wikipedia.org/wiki/Ponzo_illusion
Illusion de
Ponzo sur Wikipedia.
http://www.flickr.com/photos/museo_ilusionario/6072981571
Illusion de
Ponzo Ogden's cigarettes.

BIBLIOGRAPHIE

COREN Stanley & GIRGUS Joan Stern,
Seeing is deceiving : The psychology of visual illusions, Lawrence Erlbaum Associates, Hillsdale, 1978.
À la page 132, illusion des gradients aux deux disques noirs.
GIBSON James J.,
Perception of the visual world, Houghton Mifflin, Boston, 1950. ISBN 1114828084.
Première théorie sur les gradients de densité.
HELMHOLTZ H. von,
Handbuch der Physiologischen Optik, Leipzig, Voss, 1866.
Première apparition de la notion des "inférences inconscientes".
ITTELSON William. H.
The Ames demonstrations in perception, Hafner Pub. Co., New-York, 1968. ISBN 0028469909.
Livre que je n'ai pas et que je n'ai pas lu, dans lequel il est sans doute question du principe de l'eXPERIENCE PASSÉE.
LIBET B., GLEASONn C. A., WRIGHT E. W. & PEARL D. K.,
Time of conscious intention to act in relation to onset of cerebral activity. The unconscious initiation of a freely voluntary act, Brain, 106 (Pt 3), p. 623-642, 1983.
"Activité
cérébrale Précédant LA volonté" citée dans FRITH Chris, Comment le cerveau crée notre univers mental, Odile Jacob, Paris, 2010. ISBN 978-2-7381-2452-4, (p. 95-97)

 

 

 

RETOUR AU SOMMAIRE

RETOUR À L'ACCUEIL