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Si vous êtes autant attentifs à la forme qu'au fond, Texas 99 vous laisse le choix entre deux narrations : l'une linéaire et littéraire, l'autre mouvante et graphique. De même qu'un film devrait être vu deux fois de suite, la première pour comprendre l'histoire filmée, la seconde pour voir la manière dont cette histoire a été filmée, Texas 99 vous invite à faire de même avec ces trois pages. Ici, la planche d'introduction vous incite à opérer ces deux lectures. Car, le Titre (première planche), en dépit de son texte, n'est pas que littéraire. Il reprend, par l'entremise, de volumes et de tracés, les différents mouvement de caméra utilisés dans les deux pages suivantes. Un premier volume situé en haut de la vignette représente l'épicerie, celui situé à droite le camion et celui qui est en bas la voiture. Enfin, la forme ovoïde, reprise deux fois, l'une entière, l'autre aplatie au sol, exprime le personnage féminin. À partir de là, un tracé continu en forme de coeur, part de l'avant de la voiture, s'élève vers la gauche pour arriver au pied de Mabel, puis s'élève une nouvelle fois, mais vers la droite, pour survoler le camion et finir sa trajectoire à son point de départ. Ce tracé rend ainsi compte du pano-travelling complexe que les deux pages suivantes peinent à rendre en seulement quatre vignettes. Pour vous aider, deux tracés doubles et orthogonaux situés au centre du coeur rendent compte des deux trajectoires de l'histoire. Le tracé s'éloignant vers la gauche exprime la trajectoire du camion, tandis que celui qui se dirige vers le bas la trajectoire interrompue du personnage féminin. Vous voila donc devant un récit formel. L'introduction en forme de résumé devrait vous faire comprendre que le mouvement de caméra redouble et renforce l'histoire des personnages et des véhicules. Car, cette histoire, sous bien des aspects, paraît bien cynique. D'un coté, un simple BOUM, au lettrage identique au reste du texte, marque la mort du personnage féminin. De l'autre, une sorte de poupée, sans blessure apparente, rend compte de cette mort. Enfin, le personnage masculin ne semble pas faire le moindre effort pour voler au secours de sa compagne : il a seulement "la poisse" ! En cela, la trajectoire de l'introduction, bien que purement formelle, semble, par son tracé en forme de coeur, exprimer plus d'empathie que quiconque pour cette femme morte. Certains coeurs sont bien cachés.
N.B. Pourquoi Texas 99 me direz-vous ? Pace qu'il n'y a pas de sang dans cette bande-dessinée. Pourtant, comme vous le verrez avec les pages suivantes, le tracé en forme de coeur aurait beaucoup gagné à être dessiné au feutre rouge. Sa forme symbolique aurait été plus facilement comprise et son tracé se distinguerait des volumes et autres trajectoires plus anecdotiques.
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