CARNET

"2011-2015", partie 1

 


PLANSITE-------SITEMAP----

 

DECIDER DES IDÉES

J’ai décidé d’avoir des idées,
tant d’idées que je ne sais décider.

 

 

Il est bien décidé à ne pas savoir qu’il ne décide rien.

 

 

SE DÉCIDER À DÉCIDER

Décider des idées,
ce n’est pas une idée qui se décide.

 

 

TIME LIFE

Le temps d'une vie, il contemple la vie de son temps.

 

 

Quand ce n’est plus pareil,
il faut lui rendre la pareille.

 

 

Jouer sur les mots pour ne pas avoir à jouer sous les maux.

 

 

Il n’y pas de fin à la fin d’amour.
Il n’y a pas de fin à la faim d’amour.

 

 

BOIRE POUR GARDER LA TêTE HORS DE L’EAU

Quand je bois, je garde la tête hors de l’eau.
Quand je me saoule, je me noie dans un verre d’eau.

 

 

La vie éternelle c’est un peu comme la mort infinie.

 

 

La mort aux rats des petits rats de l’Opéra.

 

 

AUX AMES IRRADIÉES

Aux amis radiés de la vie.
Aux amis radiés de radiothérapie.
Aux amis radiés du goût de vivre.
Aux âmes irradiées du paradis.

 

 

ILLUSION D’OPTIQUE

Ce que la raison vous dit et que vos yeux renient.

 

 

Regardez les images
car les images ne vous regardent pas.

 

 

LES GRANDES SOLITUDES

Un émetteur radio n’adresse jamais la parole à un récepteur de télévision.

 

 

Un bon tatoueur tatoue aussi les fautes d’orthographe.

 

 

HORS DU TRIANGLE D’OR

Tu es bien trop carré pour que ça tourne rond,
quand tu veux faire du trapèze dans le triangle d’or.

 

 

Il faudrait que l’on puisse se reproduire
sans reproduire.

 

 

LES DANGERS DU CANNABIS

La cannibalisation du banal
vaut mieux que la banalisation du cannibale.

 

 

Vous reprendrez bien une ration de rationnel.

 

 

Elle avait supporté son mari.
Elle a su porter son deuil.

 

 

La photo voilée d’une femme voilée.
La photo volée d’une femme voilée.
La photo volée d’une femme volée.

 

 

Bâton d’encens,
de fumée devient dansant.

 

 

Il compatit alors qu’il a pâti. Le con !

 

 

Bien que l’espèce humaine doive se reproduire,
il ne faudrait pas que cela se reproduise.

 

 

Vouer un culte à l’inculte.

 

 

Quel est votre proverbe préféré ?
“À question idiote, réponse idiote”.

 

 

J’ai mis l’ancolie dans le vase.
Mélancolie des fleurs coupées.

 

 

La victoire fait maigrir et la défaite fait grossir.
Tout le monde sera obèse.

 

 

Il maudit celui qui l’accuse
et il maudit celui qu’il accuse.
Il déteste ce qui le ronge
mais il aime ce qu’il ronge.
Il abhorre ce mensonge qui le tue.
Il abhorre ce mensonge qu’il tût

 

 

Il est bon de ne pas avoir trouvé sa voie,
afin d’avoir quelque chose à chercher.
Il est bon de ne pas avoir trouvé sa voie,
tant nous avons à nous garder de la fin.

 

 

L’écart entre ce que nous disons de nous
et ce que nous pensons de nous
est incommensurable.
Dans un sens pour les uns et dans l’autre pour les autres.

 

 

L’acteur mort en trois dimensions joue encore en deux dimensions.

 

 

La vie consiste à rayer les choses à faire
d’une liste où les choses à ne pas faire sont déjà rayées.
Ainsi, quand tout est rayé, tout est fini.

 

 

Il suffit que ton plaisir soit plus grand que ta douleur,
pour oublier ta douleur.
Mais veux-tu oublier ta douleur ?

 

 

Un formulaire ne donne pas de formule.

 

 

Il ne sait pas ce qu’il attend,
mais il sait très bien ce qui l’attend.
Il ne sait pas ce qu’il a à faire,
mais il sait à qui il a affaire.

 

 

En sa traîtrise,
le traître sait que celui qui l’a trahi
n’est pas celui qu’il a trahi.

 

 

L’EFFORT DES FAIBLES

Tu as un faible pour ta faiblesse
et ta force n’est qu’effort.

 

 

Le chauffeur d'autobus n’a pas de portière.

 

 

Une voiture a trois phares
quand une moto la double de nuit.

 

 

Un Nabuchodonosor vieux comme Mathusalem.

 

 

La pluie lave les panneaux solaires.

 

 

NIVEA NIKE IKEA

 

 

UN CERTAIN INCERTAIN

Un certain Dupont plein d’incertitude.
Incertain Dupont plein de certitudes.

 

 

L’INCERTAIN

L’un certain est sûr de lui.

 

 

L’ANGLE MORT

Une feuille morte.
Une branche morte.
Un arbre mort.
Une ville morte.
La mer morte.
Une étoile morte.

 

 

CON SU

On peut se détruire
d’avoir cru détruire
ce qui nous a conçu.

 

 

Les mots des mères
deviennent les maux des fils.

 

 

UNE CONCEPTION DE LA CONCEPTION

Il a su concevoir.
Il a su con se voir.

 

 

Il y a si peu d’acuité dans la vacuité
qu’on ne devrait pouvoir l’écrire.

 

 

Quand le présent repasse les plats de tes désirs passés,
le passé te dépasse.

 

 

Abandonnez vos chiens,
abandonnez vos enfants !
Abandonnez tout espoir,
abandonnez-vous enfin !

 

 

Il y en aura encore plus,
mais nous en aurons toujours moins.

 

 

Nous poursuivons les mêmes buts.
Certains poursuivent leurs crimes,
tandis que d’autres poursuivent le crime.

 

 

Le contraire c’est la même chose à l’envers.

 

 

L’angoisse du monde fait la fortune du Lexomil,
alors que le Lexomil ne peut guérir les angoisses du monde.

 

 

Ressorts tissant les rêves du dormeur.
Ressortissants du monde nocturne.

 

 

CHAMBRE NOIRE

Faire le noir pour avoir la lumière.
Faire le mort pour avoir la vie sauve.

 

 

Tout est inondé et ils ont des lances à incendie.
Tout est en feu et ils ont des lance-flammes.

 

 

LES TROiS SINGES

Tout est écrit, mais personne ne peut le lire.
Tout a été dit, mais personne ne veut l’entendre.
Tout est déjà fini, et personne ne le dit.

 

 

LES VIGNES NOBLES

Ivrognes ignobles
d’ignobles vignobles.

 

 

Sans doute : c’est douter encore.
Alors que sans aucun doute est sans doute.

 

 

Il n’y a aucun doute,
ici ou ailleurs, quelqu’un doute.

 

 

Une fontaine sous la pluie ressemble à une éponge dans le désert.

 

 

“Au n°18 de la même rue, maison natale de Jules Romain, bâtie en 1554 sur les plans du maître”.
Guide vert, “Italie du nord”, édition 2012, page 230.

 

 

SAINT BARTHOLOMÉE

L’extérieur du corps est de chair.
L’intérieur du corps est de chair.
C’est la même chair mais ce n’est pas la même couleur.

 

 

Une fleur bleue à l’eau de rose
a de l’eau de rose pour les fleurs bleues.

 

 

Ceux qui aiment la pêche et ceux qui aiment la chasse.
Ceux qui aiment la vitesse et ceux qui aiment la lenteur.
Ceux qui aiment le bien et ceux qui aiment le mal.
Tout ce qui fait que ceux qui aiment quelque chose
n’aiment pas ceux qui aiment autre chose.

 

 

PRENDRE LA MESURE DES CHOSES

J’ai mesuré le temps, l’air et la température.
J’ai mesuré les longueurs, les largeurs et les profondeurs.
J’ai tant et tant mesuré que je ne connais plus aucune mesure.
J’ai tant passé de temps à mesurer que je suis tombé dans la démesure.

 

 

DANS LES COMBLES DE L’ATTENTE

Pendant longtemps, tu as attendu quelque chose.
Ce quelque chose est arrivé et cela ne t’a pas comblé.
Alors tu as attendu autre chose.
Cette autre chose n’est pas arrivée
et cela ne t’as pourtant pas comblé.

 

 

Désiré désirait le bonheur
mais le bonheur n’aime pas désirer.

 

 

Tu ne seras jamais ce que tu pensais être.
Tu ne seras jamais ce que tu croyais pouvoir être.
Tu ne seras jamais rien de tout cela.
Tu ne seras jamais rien du tout.
Tu ne seras jamais.

 

 

Du premier cri
au dernier soupir,
un souffle.

 

 

COULEZ MES LARMES

Quand mon père est mort, je n’ai pas pleuré.
Quand ma mère est morte, je n’ai pas pleuré.
Quand je serai mort, je ne pleurerai pas.

 

 

Tous les enfants se plaindront de leurs parents.
Tous les parents se plaindront de leurs enfants.
Les femmes se plaindront de leur mari et les maris de leur femme.
Tout le monde se plaindra de tout le monde, et cela s’appellera le bonheur.

 

 

LE MILIEU

Presque vivant et presque mort.
Presque tout et presque rien.
Presque le début et presque la fin.

 

 

L’OPTIMISTE DÉFAITISTE

Je ferais mieux de regretter de ne pas avoir trouvé l’amour plus rapidement
que de regretter de ne pas avoir trouvé l’amour.
Ainsi, je n’aurais pas à regretter d’avoir eu tant et tant de regrets pour rien.

 

 

LE MORT MOYEN

J’ai eu une vie moyenne.
Je serai un mort moyen.

 

 

Je suis au bord de la mer et au bord des larmes.
Je suis au bordel amer, je suis au bord de la mère.
Je suis au bord de la vie, je suis au bordel à vie.

 

 

ENTRE-DEUX

Entre eux deux,
tu restes dans l’entre-deux
Tu es sorti de l’antre de la mère
pour entrer dans un monde qui n’a qu’une sortie.

 

 

APLATIR LE MONDE

Il faudrait aplatir l’origine du monde
pour que les créatures qui en sont sorties
ne soient tentées d’y retourner.

 

 

VOL DE NUIT

Je ne voulais pas aller vers le soleil pour me brûler les ailes.
Je suis allé jusqu’à la lune et m’y suis brûlé la tête.

 

 

REDITES ET REDOUTES

Redites-moi que vous m’aimez.
Redites-moi des choses tendres.
Redites-moi ces redites que je redoute d’entendre.

 

 

DIANE ARBUS

Est-ce eux qui passent ou est-ce nous qui passons ?
Est-ce eux qui passent devant nos yeux
ou est-ce nous qui passons devant leur vie ?

 

 

LOUIS SOUTTER

Parce que c’était Soutter,
il voyait la mort partout.

 

 

BABUR

Babur a beau chasser le rhinocéros à dos d’éléphant,
il ne chassera jamais l’éléphant à dos de rhinocéros.

 

 

GYSBRECHTS

Peindre sur l’avers de la toile le revers du tableau.
Peindre à l’endroit ce qui est à l’envers.

 

 

L’ICONOCLASTE

Pitié, pas de piété !
Pas de pitié pour une vierge de piété.

 

 

Ne confondez pas
une vierge de piété
avec une verge qui fait pitié.

 

 

Ils jouent les vierges de piété
devant une vierge de pitié.

 

 

L’impitoyable pitié des piteux
nourrit le pitoyable de la pitié.
L’impitoyable piété des dépités
conduit au pitoyable de la piété.

 

 

Avec une peinture, tu connais l’exception d’une époque.
Avec une poubelle, tu en sais le quotidien.

 

 

FAIRE BONNE FIGURE

Je suis figurant dans la figuration du monde.

 

 

Si l’art est partout,
il n’est pas là et n’est pas ici.

 

 

Ta présence compense tous les désastres du monde.
Parce que tu as tout créé
et qu’ainsi tu as créé ce qui détruira le monde,
ta présence compense tous les désastres du monde.

 

 

Toute cette viande qui s’agite
pour oublier qu’elle n’est que viande qui s’agite.

 

 

Tu te débats dans tous les sens,
tous tes sens se débattent.
Ta peur est immense,
et l’immensité te fait peur.
Tu jouis de ne rien faire,
mais tu ne fais rien pour jouir.
Ta vie est vide de sens,
et ce vide remplit ta vie.

 

 

Dans la vie,
il y a la vie de ceux qui commencent et celle de ceux qui finissent.

 

 

LA MORT SANS EFFORTS, 1

La vie est le mode d’emploi de la mort.
C’est en vivant que nous apprenons à mourir.

 

 

LA MORT SANS EFFORTS, 2

On n’apprend pas à vivre.
On apprend à mourir.

 

 

ELLE SE RAPPELLE À MOI

Elle se rappelle à moi quand je rêve et que je ne peux la chasser.
Elle se rappelle à moi quand je tousse, que je tombe et que je me tords de douleur.
Elle se rappelle toujours à moi quand j’ai enfin oublié son nom.

 

 

La vie est un mouroir.

 

 

Soit tu es, soit tu n’es pas.
Mais pour que tu sois, tu es,
et pour que tu sois tué, tu es.

 

 

Quand il n’y a pas de début aux fins
et qu’il n’y a pas de fin aux commencements,
tu vis dans l’instant.

 

 

Le jour où les cons respecteront les cons,
il y aura toujours autant de cons.

 

 

J’ai tellement travaillé pour n’arriver à rien
que je devrais essayer de ne rien faire
pour arriver à quelque chose.

 

 

Vous prendrez un riz au lait ou une raie au lit ?

 

 

Hésiter entre un grand noir et un petit blanc
Hésiter entre le bistro et le bordel.
Hésiter entre le sexe et l’alcool.

 

 

Tu es capable de tout,
même de rien.

 

 

PLUIE DE CONFIANCE

Il a tant plu,que cela lui a plu.
Plus !l a plu, plus il s’est plu.

 

 

BLANCHISSERIES

Il veut être blanchi
du soupçon de blanchiment.

 

 

Il est si facile de poser aux autres les questions dont on connaît les réponses,
que plus personne ne se pose la question dont il ne connait pas la réponse.

 

 

Émouvant et mouvant,
tu émeus quand tu te meus.

 

 

LA QUATRIÈME DIMENSION

L’espace du monde est un passe-temps.

 

 

MOUVANCES DES SENTIMENTS

L’émouvant épouvante par sa douceur,
tandis que l’épouvante émeut par sa sauvagerie.

 

 

L’avis de la vie sur ma vie est malavisé.

 

 

Il se perd quand il est perdu.
Éperdu de haine pour les uns,
éperdu d’amour pour les autres.

 

 

Un regard perdu,
un regard est perdu dans le vide.
Un regard éperdu,
un regard est perdu dans le plein.

 

 

Je ne sais pas si je ferais mieux de me taire ou de parler.
Je ne sais pas si je ferais mieux d’arrêter ou de continuer.
Je ne sais pas si je FERAI mieux.

 

 

ABONDANCE D’ABANDONS

Tu as peur de t’abandonner,
car tu as peur d’être abandonné.

 

 

L’un abonde en tous sens
afin de ne pas être abandonné.
L’autre abandonne tout
pour ne plus avoir à abonder.

 

 

CORNE D’ABONDANCE

Dans un moment d’abandon,
abandonné de tous,
il s’est abandonné.

 

 

Il faudrait sans cesse s’améliorer
alors que nous n’arrêtons pas de nous détériorer.

 

 

Le jour où on lira dans la pensée des autres,
nous n’aurons plus besoin de lire dans nos propres pensées.

 

 

Ils passent devant quelqu’un
pour être à nouveau derrière quelqu’un.

 

 

L’être humain ne peut vivre en société,
car chaque être humain est une société.

 

 

Celui qui l’a combattu
n’est pas celui qu’il a combattu.
Il a combattu la vie
et c’est la mort qui l’a abattu.

 

 

La chair à canons et la chair à baiser
se retrouvaient dans les bordels de l’armée.

 

 

SOIS COMME LA FLÈCHE

Sois comme la flèche,
détendue sur l’arc tendu.
Sois comme la flèche,
tendue vers son but quand l’arc se détend.

 

 

L’éveillé, mal réveillé, se rendort toujours.
L’éveillé, toujours éveillé, ne dort jamais.

 

 

J’ai voulu compter ce qui ne compte pas.
J’ai compté et recompté,
mais ce qui ne compte pas ne peut se compter.

 

 

J’ai compté les contes de fée,
puis j’ai compté les contes de sorcières.
Mais les contes de fées n’étaient que des contes de sorcières défaites.

 

 

FIP, 18 août 2013

“Le fleuve Amour déborde.
L’état de catastrophe naturelle a été déclaré.”

 

 

Un alcoolique qui met de l’eau dans son vin
n’est plus tout à fait un alcoolique.

 

 

JE NE LIS PLUS LE DICTIONNAIRE

Je ne lis plus le dictionnaire comme lorsque j’étais enfant.
Je ne peux plus supporter ces mots qui me paraissaient étranges et beaux :
vieillesse et oubli, défaite et défunt.

 

 

PARDONNEZ-NOUS NOS OFFENSES

Sous ton offensive, je suis resté sur la défensive.
Me pardonneras-tu les offenses de ma défense.

 

 

LE PÊCHEUR
Il voudrait, une fois encore,
voir un petit éperlan blanc
se débattre au bout de sa ligne.

LA FILEUSE
Elle voudrait, une fois encore,
filer son fuseau de coton blanc
sur la quenouille de bois tourné.

 

 

Lune blanche et ronde,
soupe au lait qui déborde du ciel.

 

 

Personne ne boit du petit lait quand elle est soupe au lait.

 

 

Je suis comme un feu qui veille,
qui veille la soupe au lait sur le feu.

 

 

Mon petit chat aime faire la petite chienne.
Mon petit chat lape le lait et ma petite chienne ronge les os.
Mon petit chat ronronne et ma petite chienne grogne.
Mon petit chat griffe et ma petite chienne mordille.
Ma petite chienne aime faire le petit chat.

 

 

Celui qui se protégeait trop du monde
et celle qui ne s’en protégeait pas assez
échangeaient grâces et sarcasmes.

 

 

MARCHER D’UN MÊME PAS

Je devrais marcher sur des oeufs
pour qu’elle puisse marcher sur du velours.

 

 

Il faut échanger bien des méprises
pour en arriver à mépriser l’autre,
tout en se méprisant soi-même.

 

 

L’incertain ne savait pas
si il fallait aimer ou détester
ceux qui vous aiment sans certitude.

 

 

LE MAUVAIS COLPORTEUR

Certains colportent la vie et d’autres la mort.
Mais tous colportent ce que vous aurez, un jour ou l’autre, à porter.

 

 

Mourir avant d’atteindre le bonheur,
afin de ne pas avoir à connaître le bonheur de mourir.

 

 

Elle était d’une très grande correction.
J’ai donc pris une parfaite correction.

 

 

J’étais dans la confiance,
mais depuis que tu m’as défié,
je suis tombé dans la méfiance.
Méfie-toi de ton défi.

 

 

INSATIABLE

Tu as les clés, mais tu n’as pas la porte.
Tu ouvres la porte et il n’y a pas de pièce.
Tu es dans la pièce et tu ne trouves pas la sortie.
Tu es sorti que tu voudrais déjà rentrer.

 

 

Forcément, la force vaincra.
Faiblement, la faiblesse s’immiscera.
Forcément, la force faiblira.

 

 

Ils sont tous contre moi, même moi.

 

 

En sortant de l’arène, j’ai quitté la Reine.
La Reine était au centre de l’arène
et j’étais au centre de la Reine.

 

 

NOUS PERDURONS POUR PERDRE

Il perdure quand le père dure.
Il est perdu quand le père est dû.

 

 

Le pansement panse les plaies du corps,
quand la pensée pense les plaies de l’esprit.

 

 

Tu ne sais pas quand cela adviendra.
Tu ne connais ni l’heure, ni l’instant,
ni le lieu, ni le moment.
Tu ne connais rien,
car cela pourrait tout aussi bien être l’amour que la mort.

 

 

Le tordu n’a pas toujours tort.

 

 

BIRKENSTORK

Ils portent les chaussures qu’ils détestaient il y a dix ans.
Ils n’ont pas d’avis, ils n’ont que des sursauts de vie.

 

 

MESURE POUR MESURE

Tu as voulu me plier à ta mesure
et tu n’as pas mesuré tes efforts.
Tu ne mesures pas tout ce que tu m’as fait,
car tu ne peux mesurer ta démesure.

 

 

RIEN D’EXALTANT

L’exultant s’extasie
et l’extatique s’exalte.

 

 

LE DIT DU LÉVITE

La lévitation permet de l’éviter.
Si tu l’évites, tu pourras continuer à léviter.
Si tu ne l’évites pas, tu ne pourras plus léviter.

 

 

Nous ne sommes pas faits.
Nous avons été faits,
pour être défaits.

 

 

LE JEU DES FAMILLES

Dérangé de ne pas avoir été rangé.
Rangez bien vos enfants et rangez-vous parents,
pour éviter tout dérangement.

 

 

La bonne place les dérangés en plusieurs rangées,
alors que les dérangés voudraient avoir la bonne place.

 

 

De son vivant, il scella son tombeau,
en recelant ses trésors dans un coffre scellé.

 

 

Le missionnaire a une vision.
Le visionnaire à une mission.
L’un voit ce que l’autre fera.

 

 

La démission du missionnaire mettant en péril la commission du commissionnaire,
la mission du mercenaire consiste à prendre la position du missionnaire.

 

 

LE FONDATEUR 1

Maçon creuse les fondations, fondeur fond les cloches.
Creusez et fondez pour la fondation
de celui qui fonde sa fortune sur votre travail.

 

 

LE FONDATEUR 2

Le maçon creuse les fondations
et le fondeur fond la cloche qui avertira les fidèles
que le fondateur attend leurs donations.

 

 

Je suis dans la soute de l’avion et j’ai froid.
J’entends les chiens hurler à la mort
et les bombes de mousse à raser exploser.
Je suis dans la soute de l’avion et vous êtes dans la suite.

 

 

Nous sommes les imposteurs.
Les imposteurs de nos vies rêvées.
Les imposteurs de nos vies réelles.
Les imposteurs de nos vies ratées

 

 

Tant de romans d’amour pour tant de vies de haine.

 

 

ROBERT FILLIOU

“L'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art”
et la connerie est ce qui rend la vie plus intéressante que la connerie.

 

 

Si tout est art, l’art est tout.
Mais si tout est art, l’art est où ?

 

 

L’EXPRESSION DES CHOSES

Exprimer le jus d’un citron.

 

 

FIGURES IMPOSSIBLES
Faire l’impossible pour que cela ne soit pas possible.

FIGURES AMBIGUËS
Choisir l’autre pour que ce ne soit pas l’autre.

 

 

Sans cesse et sans cesse,
nous ne cessons d’être.
Sans cesse et sans cesse.

 

 

Il aura fallu faire tant de mal,
pour accumuler tant de biens

 

 

Donne de la peine à ta douleur afin qu’elle s’éloigne de toi.
Accueille le bonheur qui te fait peur avec des larmes, des larmes de joie.
Apprends la patience du sourd, oublie l’impuissance du muet.

 

 

Les inutiles sont indispensables
à une vie qui leur semble dispensable.

 

 

LES ATRICES

La compensatrice console nos infortunes.
La consolatrice adoucit nos tourments.
La dispensatrice règle nos dettes.
Toutes les atrices de nos vies
sont les réparatrices de nos erreurs.

 

 

Je suis tellement distrait que j’en arrive à oublier la mort.

 

 

La distraction ne distrait pas.
Sans distinction,
elle nous distrait de la mort à venir.

 

 

LE RETRAIT DU DISTRAIT

Le distrait se complait dans la distraction,
pour oublier toutes les distractions.
Le distrait se distrait du monde.

 

 

L’AMANT DE LA LAMENTATION

Aimant tant se lamenter,
il se lamente lamentablement,
l’amant de la lamentation.

 

 

NI PLUS, NI MOINS

Sorti nu des nues,
tu connaîtras, tôt ou tard,
le dénuement du dénouement.

 

 

Constance, j’implore ta clémence.
Clémence, je recherche ta constance.

 

 

Il avait décoché son certificat de certitude
dans l’incertitude la plus totale.

 

 

Le stylo critique le roman
et l’éclairagiste se moque du soleil.
Le mannequin déteste le tissu et le pinceau juge la toile.
La photo se trouve laide et le marbre n’aime pas le burin.

 

 

Des bandes et d’autres bandes.
Débande et d’autres bandent.

 

 

Déranger des rangées,
pour ranger les dérangés.

 

 

Dans le lit défait,
tu te sens défait par la nuit.

 

 

J’ai un laissez-passer pour laisser passer le temps.

 

 

Lune ronde au-dessus des bambous.
Croissant d’ivoire sur ton visage.

 

 

QUAND CHAQUE CHOSE VIENT EN SON TEMPS

Quand une chose arrive en avance,
toute chose vient en son temps.
Quand une chose arrive trop tard,
toute chose vient en son temps.

 

 

Les gens partent mais leurs photos partiront après eux.

 

 

Témoin de ta vie,
tu es moins que rien.
Témoin de ta mort,
tu es moins que tout.

 

 

Le dormeur assoupi sur le dormant de la fenêtre
ne voit pas le battant ouvrir la porte à deux battants.

 

 

LES JOUETS

Les jouets ne réalisent pas qu’ils ne sont pas les acteurs de leur vie.
Ils ne réalisent pas que leur rôle n’est pas de jouer mais d’être joués

 

 

Ils savent que c’est plus fort qu’eux, qu’ils ne peuvent pas lutter.
Mais c’est plus fort qu’eux, ils continuent à lutter.

 

 

LA FAçON DE PARLER DES GENS

Je n’aime pas la façon de parler des gens.
Je n’aime pas qu’ils parlent de moi.
Je n’aime pas la façon dont ils parlent de moi.
Je n’aime pas la façon dont je parle d’eux.

 

 

PEINTRES DE MONOCHROME

L’homme remplit sa vie comme un monochrome.
Il est rempli de lui-même.

 

 

Quand tu as perdu sa douceur,
tu as un besoin éperdu de douceur.

 

 

Les tyrans de la finance
tiennent les tirants de la bourse.

 

 

Tant de présomption et si peu d’innocence.
Tant de présomption et si peu de coupables.

 

 

L’INNOCENT PRÉSOMPTUEUX

Un présomptueux plein de présomption
ne parlait que de présomption d’innocence.

 

 

Il faut tant de présomption pour croire à l’innocence du monde
que le moins présomptueux des hommes
serait déjà coupable de cette prétention.

 

 

Quand le présomptueux se présume innocent de toute prétention,
le prétentieux prétend à la présomption d’innocence.

 

 

ETRE DIGNE DE MÉPRIS

Quand je me suis épris,
elle n’avait pour moi que mépris.
Et quand je croyais qu’elle était éprise,
elle n’était pour moi que méprise.

 

 

Épris de ma méprise,
j’étais épris de son mépris.

 

 

On déprime quand on est que des primes.

 

 

LA PERCEPTION DU PERCEPTEUR

Le percepteur perçoit, le percepteur perçoit tout.
Depuis sa perception,
le percepteur perçoit le monde et l’argent du monde.

 

 

Courtisans, courtisanes,
vous courtisez les honneurs sans la moindre courtoisie.
Courtisans, courtisanes, vous courtisez,
mais cour taisez.

 

 

DÉSOBLIGEAMMENT

Vous me désobligez fort à refuser que je sois votre obligé.
Vous me mettez dans l’obligation de vous obliger à être votre obligé
pour que je perde de mon obligeance.

 

 

LA COMPLAINTE DU CON PLAISANT

Le complaisant plaît aux cons.
Le complaisant plaît aux cons qui se complaisent à lui complaire.
Le complaisant est un con plaisant.

 

 

Je suis le grand désolateur, je ravage, désole et détruit.
Et quand tout sera désolé,
vous me verrez dans la désolation de vous avoir tant désolés.

 

 

Je suis le grand dessiccateur, je dessille les yeux embués de larmes.
Je suis le grand disséminateur, je dissémine le doute et l’incertitude.
Je suis le grand dissecteur, je dissèque vos envies et vos désirs.
Je suis le grand dissipateur, je dissipe vos illusions pour dissiper le temps.

 

 

J’ai disséqué la dissection
pour comprendre ce que nous faisions.
Et les yeux dessillés, mes illusions se sont enfuies.
Mais lorsque j’ai disséqué la dessiccation,
par cette sécheresse, les larmes sont revenues.

 

 

La connaissance ne suffit pas pour être connu.
La reconnaissance ne permet toujours pas d’être reconnu.
Mais la méconnaissance te laissera toujours méconnu.

 

 

CONNAISSANCES

La recherche de la connaissance t’éloigne de tes connaissances,
et ta soif de reconnaissance te fait oublier la connaissance de l’autre.
Tu devrais pourtant lui être reconnaissant
de ne pas chercher à te reconnaître.

 

 

MAUDITS MOTS DITS

Les maudits mots dits.
Les mots dits trop tôt et les mots dits trop tard.
Les mots toujours tus et les mots jamais dits.
Les mots dits pour toujours sont maudits à jamais.

 

 

L’ANTRE-DEUX

Entre eux deux,
c’est quelque chose qui est entre,
c’est quelque chose qui est antre.

 

 

On n’est plus soi-même quand on est dans l’entre-deux.

 

 

IL ACCOUCHAIT AVEC SA MÈRE

Il a couché avec sa mère,
elle accouchait sans son mari.
Il accouchait avec sa mère,
elle a couché sans son mari.

 

 

Je ne peux plus me sentir, et je voudrais ne plus sentir
afin de ne plus pouvoir ne pas me sentir.

 

 

La vie est une maladie mortelle,
qui, en dépit de quelques rémissions,
est incurable et touche l’ensemble de la population.

 

 

NAISSANCE

Je me sens comme un poisson qui saute hors de l’eau,
bouche grande ouverte,
parce qu’il a peur de se noyer.

 

 

CHERCHER L’OUBLI

Cent femmes, cent enfants.
Cent femmes, sans enfant.
Sans femme, sans enfant.

 

 

L’impermanence du monde est permanente.

 

 

Qui peut refuser le bonheur apparent ?
Qui peut accepter le bonheur réel ?

 

 

LE MENEUR DU SUIVEUR

Je suis le suiveur du meneur.
Il est le meneur du suiveur.
Mais quand tu suis, il faut être mené
et quand tu mènes il faut être suivi.
Qui donc est devant, qui donc est derrière ?

 

 

Des manifestations de joie ont accueilli les manifestations de colère.

 

 

FILM MUET

Vous entendez les visages
et ne regardez plus les voix.

 

 

CONJOINTS DISJOINTS PAR UN ADJOINT.

 

 

LE MARI ET LA FEMME

L’homme est un mari,
mais la femme n’est pas une mariée.

 

 

La peur du père est la mère des peurs.

 

 

LE DEUXIÈME

Entre deux eaux,
en un état second,
je suis un second couteau,
un produit de seconde main,
qui n’aura pas de seconde chance.
Mais qu’il est bon d’être le deuxième
quand on est sûr d’être le dernier.

 

 

Je sais très bien ce que les autres font,
quand je ne sais pas ce que je fais.
Je sais très bien ce que je fais,
quand je ne sais pas ce que les autres font.

 

 

Comment rémunérer en numéraire le surnuméraire ?

 

 

Ils font pitié quand ils vont au Mont de piété.

 

 

Devrais-je gémir encore pour ne pas gésir,
ou gésir enfin pour ne plus gémir ?

 

 

Nous connaissons les ombres noires du jour,
et ignorons les ombres blanches de la nuit.

 

 

Le temps ne compte pas son temps
pour faire passer les heures.

 

 

Seul le temps ne vieillit pas.

 

 

 

 

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