Nature morte, 1958 , huile
Morandi, "Nature morte", 1958 , huile sur toile, Vitali nᄀ°1086.
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Juin 2006

Avec cette peinture, nous arrivons à une première manière d'impossible dans l'oeuvre de Morandi. Car, en dépit des contacts équivoques et des alignements ambigus déjà vus, toutes les natures mortes présentées ici sont possibles, visibles et réalisables. Nous pourrions disposer ces objets sur une table afin d'obtenir une vision à peu près équivalents à celle que le peintre avait devant les yeux en peignant sa toile. Mais, pour en arriver aux ambiguïtés décrites, il faudrait ensuite tricher sur la couleur des objets et sur le clair-obscur. Ainsi, Morandi triche.
Malheureusement d'autres situations peintes semblent difficiles à imaginer. Pour ces toiles, des trucages, bien éloignés du réel connu, attendu et habituel, devraient être employés. Ainsi, à regarder cette peinture, et à observer le support des objets, nous devrions voir trois bandes de peinture horizontales, empilées à la verticale, les unes au-dessus des autres (il est à noter qu'en l'absence des récipients et de leurs ombres portées, nous aurions un pseudo
Rotkho). En cela cette toile est inhabituelle. Morandi opérait jusque là un rabattement du plan du sol oublieux des lois de la perspective aérienne : ses plateaux de table foncent vers le lointain au lieu de s'éclaircir. Le peintre se contentait d'appliquer la leçon de Cézanne qui avait remarqué que le ton local devenait plus sombre à la conjonction de deux surfaces.

APARTÉ
Pour une fois, la psychologie de la perception était en avance sur la peinture.
Ernst Mach avait déjà publié ses Bandes (voir ci-dessous), qui donnent l'illusion de dégradés alors que chaque surface est d'une valeur uniforme. Ainsi, Cézanne n'avait fait que constater par l'observation assidue de la réalité un phénomène inhérent à la perception humaine.

Ernst Mach, "Bandes", illusion d'optique.

Malheureusement, cette application de la leçon cézannienne et des lois de la psychologie de la perception à un plan horizontal n'est pas des plus heureuses. Pourtant, le procédé ne fait qu'opérer un léger rabattement du plan horizontal vers le spectateur afin de lui offrir une meilleure présentation de la représentation. Objectif qui, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, a été poursuivi par quantité de créateurs. Mais ici, en l'absence de perspective aérienne ou du rabattement convenu, nous en arrivons à une troisième solution : le refus de toute profondeur. Ce grand rectangle vertical aux trois bandes ne peut recevoir les objets qui, désormais, flottent dans un espace incertain. Seules les ombres portées tentent de rabattre le panneau médian vers l'horizontale.
Nous en arrivons ainsi à une forme de lévitation que, bizarrement, Morandi avait déjà employée, grâce à un autre procédé, dans une toile vue précédemment (voir cette autre
lévitation). Il faudra bien un jour aborder cette question de la lévitation dans l'oeuvre du peintre de natures mortes.

 

Peinture visible à :
Somma Lombardo, Collection Guido Mosterts.
Image reproduite dans :
Vitali Lamberto, Morandi, catalogo generale, n°1086, volume II, Éditions Electa, Turin, 1977.

 

 

 

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