Nature morte, 1964, huile sur
Morandi, "Nature morte", 1964, huile sur toile, Vitali n°1342.
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PLANSITE-------SITEMAP---

 

Juin 2006

Cette toile peut, en raison du nombre restreint de ses éléments, paraître anecdotique. Pourtant, deux relations spatiales devraient dessiller vos yeux, les faire sortir de leurs orbites comme le loup de Tex Avery regardant une blonde aux convexités exagérées. En premier lieu, nous avons là une fusion qui réunit en une seule et même surface le coté gauche du goulot conique avec le mur. Cet artifice, à l'évidence volontaire, est à ranger dans les contacts équivoques d'un genre particulier : ici ce n'est pas tant la contiguïté des contours qui est équivoque que leur absence. C'est par le ton et non plus par la ligne que Morandi pose sur un même plan deux éléments éloignés, disjoints, échelonnés dans l'espace. Pourtant, nous n'avons encore là rien d'impossible, mais seulement une ambiguïté du fond, en ce que la figure (le cône) n'arrive pas à émerger totalement du fond (le mur) qui semble l'absorber. Il en est ainsi de beaucoup de figures dites de camouflage, qui, telle l'Étoile ci-dessous, cherchent à masquer à la vue ce qui est perdu dans le fond de l'image, à savoir une forme stellaire (pour faire le lien avec la peinture présentée vous devrez imaginer l'Étoile en couleurs et sans contours noirs).

Croquis sur une "Nature morte" de Giorgio Morandi, Vitali n°1342. Figure par camouflage : "Cherchez l'étoile".

Où serait-donc l'impossible ? Nous avons là trois plans : le premier avec la sphère rainurée, le second qui contient la boite bleue et enfin le troisième où se situe notre récipient au cône évanescent. Il est vrai qu'à regarder l'étagement des bases sur le plateau de la table, la distance entre le deuxième et le troisième plan est bien mince. Mais celle-ci est renforcée par le léger recouvrement que le parallélépipède opère sur le cylindre. Observons maintenant les ombres qui vont nous raconter une toute autre histoire. Au premier plan, nous retrouvons l'ombre de la sphère. Puis, au second, une ombre massive à la forme quasi rectangulaire évoque le volume rectangulaire. Mais cette ombre, unique et solitaire, semble exagérée eu égard à la profondeur du volume, la minceur évidente de son coté droit. Cette exagération n'en est pourtant pas une qui marque la contiguïté du cylindre et du parallélépipède et la réunion de leurs ombres en un ensemble commun. Pour lors, tout semble encore possible, si ce n'est que cette amalgame d'ombres oublie le cône et le goulot de la bouteille. Ceux-ci devraient déborder de l'ombre rectangulaire pour, tout en sortant du cadre, signifier leur différence formelle. C'est en cela que nous avons une ombre impossible, qui ne correspond ni à la forme, ni à la taille des éléments en présence. Pire, cette incohérence de la représentation ne relève aucunement d'une maladresse, puisqu'un repentir mauve a été peint au niveau du coin supérieur droit de cet ombre, là où la silhouette du col de la bouteille aurait dû apparaître. Ainsi, Morandi a-t-il, pour une raison qui reste à préciser, volontairement modifié le tracé des ombres qu'il avait pourtant sous les yeux.

Croquis sur une "Nature morte" de Morandi, Vitali n°1342.

 

ADDENDUM
Pour ceux que les ombres intéressent, je conseille le lien suivant, qui montre qu'une ombre impossible, peut advenir dans le réel, quoiqu'il est vrai, de façon tout à fait illusoire :
Ombre d'un arbre.


Peinture visible à :
Bologne, collection privée.
Image reproduite dans :
Vitali Lamberto, Morandi, catalogo generale, n°1342, volume II, Éditions Electa, Turin, 1977.

 

 

 

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