Boites & dessin, graphite sur
Dessin-sur-le-Bureau-1
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PLANSITE--------SITEMAP----

 

FIN DES PHOTOS AVEC UN ALIGNEMENT PARALLÈLE

Des boites, de simples boites colorées dispersées sur un support blanc, d'autres qui débordent sur le bois du bureau et d'autres encore, grises et granuleuses, dont les sommets foncés s'alignent soigneusement le long d'une oblique. Et dans cette rangée de blocs posés à la verticale, quelque chose détonne, dérange, qui vient perturber la simplicité de cette nature morte : une boite et son couvercle semblent pénétrer la surface blanche. Comme si la feuille de papier sur laquelle elle repose était trouée d'une cavité au dégradé grisé, qui, traversant le plateau du bureau, permettrait d'accéder à son tiroir. Mais, la singularité de ce détail trouve son explication dans le fait que ces boites ne proviennent pas du même monde : les unes s'ouvrent, se ferment, tandis que les autres resteront à jamais condamnées, inviolables et inviolées. Les unes sont de papier et de carton, les autres de graphite, les unes sont des volumes à remplir, les autres sont des formes en deux dimensions, dessinées à la surface du papier.

Avec cette confrontation, certains penseront que nous avons là une variante volumétrique et photographique de l'image dans l'image développée en peinture par René Magritte. Pourtant, nous délaisserons cette problématique, pour chercher le mécanisme plastique qui en arrive à donner le sentiment que la représentation dans la représentation (le dessin des boites dans la photographie) équivaut, toutes choses égales, à la représentation (la photographie des boites réelles). Nous avons en premier lieu une superposition équivoque. Imaginez la feuille débarrassée des volumes de carton, et nous aurions déjà le sentiment du jaillissement à la verticale des volumes dessinés. Vous me direz que là est tout le travail du dessinateur féru de perspective que de nous faire croire à des volumes et un espace sur un support plan. Le problème est que ces boites là, comme vous pourrez le constater dans le dessin fini présenté plus bas, n'étaient pas faites pour être vues sous cet angle là. Ainsi, plutôt que de surgir à la verticale, leur destin primitif et final était de s'éloigner en oblique. Nouvelle surprise, nouvel entendement à trouver. Pour lors, je dirais qu'un dessin perspectif de volumes simples peut être perçu d'au moins deux points de vue différents, sans que ce dernier ne perde sa capacité à produire l'illusion de la profondeur. Mais, en orientant la feuille différemment, nous pourrions sans doute encore trouver deux points de vue qui respectent la volumétrie des masses. Vu par ses bords latéraux, ce dessin donnerait une vue en plongée et une autre en contre-plongée de boites étagées dans la hauteur de l'espace. Il n'en reste pas moins que nous devons comprendre en quoi il y a superposition équivoque en chacune de ces occurrences. Pour le point de vue qui nous intéresse ici, nous savons, en dépit des apparences, que chaque ligne, chaque contour, chaque arête poursuit un trajet horizontal à la surface du papier. Pourtant, en raison des lois de la perspective, ici cavalière, certains de ces tracés horizontaux deviennent des lignes qui se déploient à la verticale dans la hauteur de l'espace. Nous avons donc bien, une superposition équivoque, en ce que deux orientations contraires se retrouvent et se recouvrent à l'intérieur d'une même surface ou d'un même tracé.

Si, maintenant nous tenons compte des boites réelles, un deuxième mécanisme plastique va venir se greffer au premier : l'alignement équivoque. Si le point de vue est déterminant pour donner lieu à superposition équivoque, il l'est tout autant en ce qui concerne l'alignement plastique. En fait, nous avons là un alignement de parallèles, en lieu et place de l'alignement habituel qui poursuit ses tracés d'une forme à l'autre le long d'un même axe. Car, ormes les défauts de parallaxe, force est de constater que les arêtes verticales des boites dessinées suivent une trajectoire parallèle à celle des boites en carton. Ce que les psychologues de la Gestalt appellent loi de similarité, loi tendant à nous faire regrouper en un même ensemble des éléments possédant des caractéristiques communes (ici la direction), joue un rôle important : cette direction commune à la surface du papier photographique se transforme en orientation identique dans l'espace que nous imaginons. Voilà comment une loi plastique, l'alignement équivoque, appelle une loi de la perception, la similarité, afin de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : des tracés graphiques horizontaux pour les arêtes verticales de volumes qui n'existent pas. Merveille du dessin, magie du regard.

 

Dessin : x30d8889var

 

Ce n'est peut-être ni le lieu, ni le moment, de vous expliquer en quoi le dessin ayant servi de prétexte à la photographie est une image soi-disant impossible, qui, en dépit de son apparente alternance d'incohérences, pourrait être construite dans le réel. Pour cela, veuillez lire l'analyse du dessin abouti en cliquant sur le lien suivant :
dessin du carnet 1988-89, page 30.

 

ADDENDUM
Il ne vous aura pas échappé qu'un indice important rompt la supposée merveille du dessin évoquée il y a peu. Alors que les boites véritables impriment leurs ombres portées sur la feuille de dessin, les volumes dessinés en sont privés, qui ne connaissent que les ombres propres. Mais, le dessin aurait été capable d'imiter ce manque, si le dessein de cette photo avait été de faire jeu égal avec le réel.

 

 

 

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