Palais de Tokyo, Paris, 2005.
Trainホe d'avion alignホe sur une colonne du palais de Tokyo
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PLANSITE--------SITEMAP----

 

Par un beau ciel limpide, passant devant le Palais de Tokyo, sis à Paris, vous auriez pu voir cette coïncidence surprenante, qui pose sur une même trajectoire la colonne carrée et la traînée d'un avion cisaillant les cieux. N'était-ce la corniche du bâtiment néoclassique, nous aurions là un très bel et très pur exemple d'alignement continu. Ce principe plastique, ici dévoyé, n'est pas sans incidence sur la compréhension que nous pouvons avoir des images. Car dans la plupart des cas, l'alignement pose sur un même plan des éléments aux échelonnements différents ou aux orientations distinctes. Avec cette photo, ces deux notions de la représentation spatiale sont simultanément atteintes. D'un coté, le sol, par l'intermédiaire de la colonne, se retrouve conjoint à la haute atmosphère. Tandis que de l'autre, cette même colonne poursuit son trajet vertical dans l'horizontale du panache aérien. C'est ainsi que certains verront dans cette traînée atmosphérique la fumée qui s'échappe de la cheminée d'une fabrique, allant même jusqu'à imaginer le panache sortant d'un monument funéraire, qui, à la manière d'un paysage de Poussin, indiquerait la mort du héros antique.

Mais si l'image plane peut nous amener jusqu'à ces considérations picturales d'un autre âge, il a bien fallu que l'oeil du photographe obéisse à d'autres principes pour qu'il se soit soudainement arrêté en cet endroit précis afin de percevoir et anticipe l'alignement plastique à venir. Pour cela, nous pouvons invoquer, ou, pour moins dire, simplement évoquer, deux principes de la Gestalt. Le premier, la loi de colinéarité nous pousse à prolonger des lignes momentanément interrompues par un obstacle, une superposition partielle, un recouvrement temporaire. Cette loi, qui d'ordinaire nous sert à vivre dans un monde plein et continu, sans trou ni rupture, s'avère ici utilisée à contre-emploi : nous aboutissons à une fausse et impossible continuité d'éléments échelonnés dans l'espace. Le second, la loi de similarité nous invite habituellement à regrouper en un ensemble commun des éléments possédant des caractéristiques identiques. Mais, en nous incitant à poser sur un même plan des lignes, qui de ce point de vue précis, semblent présenter des directions communes, cette autre loi atteint, elle-aussi, ses limites : nous ne percevons plus les orientions contraires des différentes trajectoires.

Ainsi, qu'elles soient soit plastiques ou perceptives, avec cette photo, les lois de la représentation spatiale atteignent leurs limites. Au lieu de servir nos déplacements dans l'image ou dans le monde, elles en arrivent à remettre en cause les deux champs de l'espace que sont l'orientation et l'échelonnement.

 

NOTA BENE
Cette photographie peut en évoquer une autre. La
Tour Eiffel offre une situation similaire : un panache laissé par un avion semble, la encore, entrer en contact avec le sommet d'un monument. Pourtant, la différence est sensible, ou, pour le moins, devrait l'être à ceux qui ont révisé leurs trois catégories de l'ambigu. La photo de la Tour Eiffel n'offre aucune prise à l'alignement équivoque : le tracé aérien est en équilibre sur la pointe du monument, sans que l'on puisse déceler la moindre trace de direction commune
Ici, bien que la contiguïté plastique de la colonne du
Palais de Tokyo et du tracé aérien soit évidente, c'est bien l'alignement équivoque qui donne, à lui seul, le sentiment d'un panache sortant de la colonne. En cela, l'alignement prévaut sur le contact. Grâce à lui, deux tracés distincts possédant des orientations différentes en arrivent à s'aligner de manière fausse et illusoire.

 

 

 

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