La potence de Hogarth, Paris
Tripoutre-sur-le-quai
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PLANSITE--------SITEMAP----

 

Marchant le nez en l'air, vous pourriez, les dimanches où les voies sur berge sont laissées aux piétons et ces jours là seulement, sous peine d'être emportés par les flots automobiles rugissants qui coulent sous les ponts de la Seine, découvrir une Tripoutre à l'état sauvage, camouflée dans son environnement naturel. Non pas de ces tripoutres dessinées qui encombrent les livres d'illusions d'optique (voir la page Wikipedia), ni même celles que certains artistes ont pu construire en maquette (à la manière de la Tripoutre de Ernst) ou aux rond-points et places de banlieues incertaines (à la manière de la Tripoutre de Hamaekers).
Car vous avez bien là trois éléments qui, en dépit de leurs directions antagoniques et contradictoires, persistent à former une boucle continue. Ainsi, alors qu'elle s'élance en avant d'une paroi dressée à la verticale, la potence métallique n'en semble pas moins revenir en arrière pour s'en aller rejoindre la corniche de la toiture de cette même bâtisse. C'est en cela que nous avons une triangulation impossible, qui n'est pas sans rappeler la
Tripoutre bien connue.
Pourtant, nul ne sera dupe de cette image, tout un chacun comprenant bien que les relations incohérentes ne sont pas de ce monde. En cela, nous avons à comprendre ce qui a pu permettre cette irruption illusoire d'une impossibilité spatiale dans le réel. En fait, rien n'est plus simple à comprendre, puisqu'en ces affaires, tout est question de point de vue. C'est ainsi que vous avez là le seul et unique point de vue sous lequel l'extrémité de la potence semble, et semble seulement, entrer en contact avec la corniche du bâtiment. Un pas en avant, un pas en arrière suffiraient à rompre l'illusoire continuité de cette improbable construction. Ici rien n'est joint, la potence et son crochet se dressant bien en avant de la paroi. De ce fait, nous pouvons supposer que tout élément du monde réel en arrive, sous un angle de vision précis, à une équivoque, équivoque pouvant aller jusqu'à cette forme particulière d'hallucination qui nous donne à voir une impossibilité spatiale que la réalité méconnaît.

Cette potence a toute une histoire, puisque dès 1754, en une incroyable prémonition, William Hogarth en avait gravé une variante. Mais, si nous retrouvons bien la même potence, les relations spatiales et les mécanismes diffèrent.

 

Enseigne-de-Hogarth

 

Car, en raison des libertés que le dessin lui donne, le peintre anglais s'est permis de représenter de véritables impossibilités. C'est ainsi que les deux barres de la potence ne surgissent pas de la même paroi mais de deux murs bien distants pour que cette articulation soit crédible. Puis, à regarder l'extrémité plutôt que l'origine, force est de constater que la panneau de l'enseigne qui nous est proche est en partie recouvert par les arbres situés au loin, de l'autre coté du fleuve. Ainsi, en lieu et place du contact, dit et supposé, impossible de la photographie, nous avons maintenant une superposition inversée, où un élément proche est recouvert par un élément lointain. Et pourtant, malgré ces incohérences, qui sautent au yeux comme le nez au milieu de la figure, n'importe quel décorateur de film français serait à même de vous reproduire ce morceau de gravure pour en faire un morceau de bravoure qu'il faudrait, n'en déplaise, observer d'un point de vue unique et précis.

POST-SCRIPTUM
Pour une analyse plus approfondie de cette image voir l'
Enseigne de William Hogarth.

 

 

 

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