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Vous passiez en Bretagne. Vous en connaissiez les légendes et les contes. Enfant, Merlin l'enchanteur ne vous avait jamais déçu. Vous rêviez alors d'avoir sa baguette magique afin de jouer à armes égales avec votre père. Vous visitez maintenant la côte de granit rose qui vous en fait voir de toutes les couleurs bien que vous n'ayez pas vu le moindre éléphant bleu (marque déposée), trompe levée et dégoulinante, au bord des routes. C'est ainsi que vous vous arrêtez afin de visiter la chapelle de Port-Blanc qui s'avérera fermée. Mais l'enclos ne va pas vous décevoir : c'est ici que vous aurez l'ineffable révélation de la multiplication des christs.
Mais toutes ces précautions n'auront servi à rien et l'effarement tout autant que l'égarement commencent à vous gagner. Le christ de pierre s'est bien déplacé. Il se trouve maintenant sur la pile gauche de l'entrée principale de l'enclos.
Rassurez-vous et maîtrisez vos émotions, car vous auriez pu être l'objet d'une nouvelle hallucination. Si le photographe jetable que je suis avait pu avoir assez de recul, vous auriez pu apercevoir ce même et unique christ en croix sur la quatrième pile. Nous avons là un contact équivoque, en ce que le christ, personnage central du calvaire de pierre masqué par le muret, calvaire que j'ai oublié de photographier et dont nous apercevons parfois les débords du socle, bien qu'éloigné semble, en raison d'une coïncidence visuelle volontaire, posé, en ces trois occurrences, au sommet des différents piliers des diverses entrées. Cette déambulation latérale nous aura donc permis d'être le spectateur, passif, consentant et pourtant contraint, de trois apparitions spatialement différentes d'un même objet. Vous n'aurez donc pas vu la Vierge Marie et Saint-Jean agenouillés au pied de la colonne portant ce christ haut dans les airs alors que tout un chacun sait que les crucifixions romaines se faisaient à hauteur d'homme. Tel est le prix pour devenir divin : ne pas être sujet au vertige.
ADDENDUM
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