Architecture renversante, Bercy, 2007.
Escalier-en-coin-2
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PLANSITE-------SITEMAP----

 

Une belle architecture moderne dont les corniches arrondies pourraient tout autant évoquer le style des années 20 que celui des années 50. Mais, au-delà de sa datation, cet élément architectural n'est pas sans poser problème : quelle peut bien être sa fonction ? Nous pourrions croire être en présence d'un édifice moderne, qui, pour des raisons fonctionnelles, serait dépourvu d'ouvertures (bibliothèque, musée,...), ou de la corniche extérieure de ce même bâtiment, ou bien encore du détail d'un meuble de ce toujours même bâtiment daté de ces mêmes années.
Il se trouve que parcourant la rubrique
Photos du site, vous avez pu déjà rencontrer cette image, qui, au lieu de représenter le bâtiment moderne que je vous ai laissé imaginer, se révèle être un élément architectural bien connu, qui, de l'antiquité jusqu'à nos jours, a toujours été considéré comme étant indispensable à tout immeuble digne de ce nom. Mais, avant vous j'ai été le sujet de la même méprise. Ayant laissé traîner cette image et voulant la ranger, je me suis retrouvé dans la situation d'un Dali, qui, devant la carte postale d'un village africain, perçue sous un angle différent, avait cru voir un portrait cubiste :
http://www.virtualdali.com/35ParanoiacVisage.html
Cette photographie retournée de 180° m'était alors apparue comme étant une suite croissante de moulures arrondies et convexes. Moulures que je ne ma rappelais cependant pas avoir prises en photo. C'est donc en renversant cette image que je dus me rendre à l'évidence : il n'y avait là aucune surface courbe, car tout n'était ici que rectitude et orthogonalité ! La question que nous avons donc à nous poser est de savoir comment notre système perceptif a pu être trompé d'une telle manière par une image à l'évidente simplicité : l'escalier ordinaire présenté ci-dessous.

 

Escalier-en-coin-1

 

Les spécialistes de la spécialité vous diront que nous subissons là les effets bien connus de la direction de l'éclairage. Ainsi, sachant que la lumière vient généralement d'en haut, nous avons tendance à interpréter les ombres propres en fonction de leur position dans la forme à laquelle elles appartiennent (voir ci-dessous).

 

disques-reversibles

 

Malheureusement, si l'illusion présentée ci-dessus arrive à expliquer la convexité des supposées corniches (l'ombre est alors située dans la partie supérieure), elle échoue à dire pourquoi la rotation opérée n'entraîne pas la concavité des surfaces des véritables marches (l'ombre passant dans la partie supérieure des marches). Nous aurions donc ici une demi-illusion, car beaucoup d'images du réel (reliefs montagneux, gouttes d'eau,...) reproduisent à l'identique le mécanisme convexe/concave (voir à ce sujet : Les figures réversibles retournables).
Ainsi, en dépit du dégradé du sommet des marches (trois bandes allant du foncé vers le clair), la convexité attendue n'est pas là et fait place aux surfaces planes du réel. C'est peut-être là que se trouve la réponse. Étant visiblement en présence d'un escalier, nous ne pouvons voir en ces marches la moindre courbure. Ici, les processus descendants (dits aussi de haut niveau), telle la reconnaissance formelle, viendraient contrer l'illusion de bas niveau que représentent ces disques sans signification particulière. Preuve en est que les images du réel qui jouent le jeu de cette illusion de bas niveau sont toutes des formes qui peuvent être admises, dans un sens ou dans l'autre, comme faisant partie de la réalité.
Il n'en reste pas moins que l'illusion des disques n'est peut-être pas de si bas niveau que nous pourrions le croire. Car cette illusion suppose la participation d'au moins un mécanisme cognitif de haut niveau : attribuer un relief à une forme ombrée en supposant que la lumière émane du hors-champ supérieur. Ainsi, lorsque vous supposez qu'un faisceau lumineux vient éclairer ce bossage par le bas, les cavités qui étaient jusqu'alors concaves se transforment en reliefs convexes !

 

ADDENDUM
Une autre illusion qui travaille le plat et le concave semble quant à elle plus proche des mécanismes de bas niveau. Les
Bandes de Mach, bien que possédant des surfaces de valeur parfaitement homogènes, semblent concaves. En cette image, les neurones dont la tâche est de détecter les seuils, trompés par la rupture brutale des valeurs, produisent un "lissage" qui tend à accentuer la valeur réelle des bordures de chaque bande. D'où la concavité dont nous ne pouvons cette fois nous défaire.

 

Illusion des bandes de Mach.

 

Pourtant, une direction lumineuse semble présente. En raison du dégradé des bandes, nous pouvons imaginer que l'éclairage provient de la gauche. Nous retrouvons alors un peu de l'illusion des disques, puisque l'ensemble des ces bandes semble former un arrondi convexe. Phénomène, qui à chaque fois me fait penser au dessin d'une colonne cannelée. Mais, vous aurez beau ici tenter de modifier la direction de l'éclairage, il vous sera impossible de renverser la convexité de l'ensemble ou la concavité des parties. En cette image, comme dans les illusions optico géométriques, vos neurones sont plus forts que vos pensées, en ce que, même conscient du phénomène, vous subissez l'illusion sans arriver à la modifier.

 

 

 

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