THÉORIE

"Qu'est-ce que la superposition inversée ?"

 


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La superposition inversée est une des trois catégories plastiques de l’impossible. Ce type de figures suppose qu’au moins trois éléments soient associés de telle manière que le recouvrement de certains d’entre eux ne corresponde pas aux informations spatiales perçues et à l’échelonnement qui devrait en découler. Cette catégorie de l’impossible constitue en fait un outrepassement du faux contact. Mais à la différence du faux contact, qui suppose la fermeture de la figure, les superpositions inversées sont ouvertes.
La figure la plus représentative de cette catégorie est la
Tripoutre à superposition inversée de Draper (voir ci-dessous à droite). Pour la réaliser, il vous suffirait de dessiner une Tripoutre dont deux des branches prolongées au-delà de leur point de contact se croiseraient de telle manière que le recouvrement dessiné ne corresponde pas à leur orientation dans la profondeur de l’espace. Ce type d’échelonnement est propre aux superpositions inversées. Il suffit d’outrepasser le faux contact d’une figure impossible, telle que la Tripoutre de Penrose, pour aboutir à une superposition inversée.
Nous allons maintenant passer en revue quelques exemples connus ou inédits, anciens ou modernes, figuratifs ou non, de la superposition inversée, en commençant comme d’habitude par un détail de la gravure de
William Hogarth.

 

DESSINER UNE SUPERPOSITION IMPOSSIBLE

 

A. L’ENSEIGNE

De même que Roger Penrose a, sans le savoir, redécouvert avec sa Tripoutre les Poutres de la gravure de William Hogarth, il semble que la Tripoutre à superposition inversée de Draper (ci-dessous à droite) ne soit qu’une redîte de l’Enseigne de cette même gravure. En ce détail, nous voyons que le panneau de l’enseigne à la lune couchée, qui nous est proche, ne peut être recouvert par les arbres qui sont au loin. Nous devinons aussi qu’il suffirait de renverser la superposition de ces deux éléments pour que la situation soit normale. Il est donc très facile de reconnaître et de résoudre une superposition inversée : dès que le recouvrement litigieux est inversé, la figure redevient possible. En cela, les superpositions inversées ne respectent pas le recouvrement normal des plans ou des volumes. Pour cette raison, nous pouvons définir cette catégorie de l’impossible comme une atteinte portée à ce principe archaïque de représentation de la profondeur qu’est le recouvrement.

 

Figure impossible : "Enseigne", détail d'une gravure de William Hogarth.Figure impossible : "Tripoutre à superposition inversée", dessin.

 

B. LE CADENAS OUVERT

Le Cadenas ouvert n’est lui-aussi qu’une variation personnelle sur la Tripoutre à superposition inversée. La seule vraie différence étant qu’un des angles de la Tripoutre est ici remplacé par un arc en plein cintre. Là encore, il suffirait de faire passer la barre verticale au-delà de l’horizontale pour retrouver un recouvrement normal et possible.

 

Figure impossible : "cadenas ouvert", dessin.
 

C. LA CROIX DE SAINT ANDRÉ

Avec la Croix de Saint-André nous avons une superposition impossible et inversée de surfaces. La poutre montant vers la gauche semble traverser le flanc de sa congénère, qu’au vu de ses extrémités, nous supposons pleine. Ainsi, l’inversion de la superposition s’intéresse maintenant aux plans au lieu de s’attaquer aux volumes. En ce sens, nous pouvons parler d’un faux recouvrement partiel, puisque les Tripoutres inversées voulaient qu’un de leurs chevrons soit totalement recouvert par un autre. De plus, le faux recouvrement, qui jusqu’ici pervertissait l’échelonnement des volumes dans l’espace, modifie maintenant l’espace interne d’un bloc. Ainsi, cette figure délaisse l’échelonnement des volumes pour s’attaquer à la volumétrie des masses.

 

Figure impossible : "Croix de saint André", dessin.

 

PHOTOGRAPHIER UNE SUPERPOSITION IMPOSSIBLE

 

À la différence des constructions de la Tripoutre, il n’existe pas à ma connaissance de photographies de superpositions inversées. Non pas que les figures de cette catégorie soient inconstructibles. Il existera toujours un moyen détourné, un trucage quelconque, un artifice ordinaire, qui permettront sous un angle de vision donné, de nous faire croire à la réalité tridimensionnelle de ces images. Mais l’ouverture des superpositions inversées fait que certains éléments de leur construction devront être isolés des autres, ce qui rend l’exercice plus difficile. Quoiqu’il en soit, je persiste à dire que ces constructions ne prouvent pas l’impossibilité de ces figures, en ce qu’elles ne répondent pas à l’attente que nous avions de l’image proposée.
En cela et à la manière des faux contacts, les superpositions inversées, dont l’image ne renvoie qu’à elles-mêmes, présentent un caractère auto-référentiel, qui les fait sortir de la problématique de la représentation classique. Dégagées des mimésis de la forme et de l’espace, ces images révèlent l’autonomie des moyens de la représentation. L’inconstructibilité supposée de leur dessin montre la fausseté d’un système, qui produit une imitation du réel, sans que cette dernière ne puisse se prévaloir d’un statut d’image du réel. Cette autonomie des moyens transforme le système de représentation en système de pure présentation : voici une forme que vous ne pensez ne pas pouvoir construire bien qu’elle possède toutes les apparences du réel.

 

 

 

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