ARTICLE |
"Napoléon à tout faire" |
||||
|
|||||
Novembre 2009 À l'école primaire, lors des récréations, nous chantions la comptine suivante : Napoléon est mort à Sainte Hélène, C'est ainsi. Pourtant, en dépit de l'aspect surréaliste du texte, cette comptine prouve la fascination que ce personnage qui, à l'étranger est considéré comme un tyran sanguinaire, exerce toujours chez la plupart des français. Surtout si comme moi vous aviez un oedipe chargé et un père bedonnant qui lisait la revue Historia, où chaque année paraissait un nouvel article consacré à la mort mystérieuse de Napoléon à Sainte Hélène : maladie ou empoisonnement commandité par la perfide Albion ?
Les différents contacts équivoques présentés ci-dessous utilisent l'ambiguïté de la figure et du fond, à la manière du Vase de Rubin. Si ce n'est que nous nous trouvons ici bien avant la supposée trouvaille d'Edgar Rubin, mais aussi peu après un des modèles possibles de son Vase : les différentes urnes funéraires aux profils cachés de Louis XVI et Marie-Antoinette (voir à ce propos : Rubin n'a rien inventé). Le choix de la figure et du fond n'est pas anodin, qui permet de dissimuler dans l'arrière-plan de l'image le sujet de la répression policière. Ainsi, tant les royalistes sous la révolution que les bonapartistes sous la monarchie ont utilisé, en dépit de leurs divergences politiques, un même principe plastique afin de camoufler leur héros et sauveur. LA FIGURE ET LE FOND : LE PERSONNAGE
La même image publiée par Currier & Ives à partir de 1835.
LA FIGURE ET LE FOND : LES VISAGES Voici une gravure de Jean Dominique Étienne Canu datée de 1815. Cette image circulait parmi les partisans de l'Empereur en exil, qui portaient un toast en disant, Caporal Violette. Les bonapartistes ont choisi cette fleur, comme signe secret de reconnaissance. Car lors de son dernier message après la capitulation de Paris, Napoléon annonça qu'il reviendrait avec les violettes. Ils le surnommèrent donc Caporal Violette. Ce bouquet de violettes contient ainsi les profils de Napoléon, de Marie Louise et du Roi de Rome.
Feuilletant L'envers des sens, vous pourriez, à la page 47, trouver cette gravure de Levachez réalisée après la bataille de Waterloo. Cette image est intéressante en ce qu'elle contredit ce que nous avions annoncé en introduction de ce paragraphe. Bien que déchu, l'empereur reste camouflé dans le fond de l'image. De même, par son texte, le caricaturiste fait porter notre attention sur la poire, au lieu de nous indiquer la feuille où se cache le profil. En ce qu'elle n'ose s'affirmer comme telle, cette caricature ne serait pas tant une charge directe contre l'empereur qu'une critique précautionneuse d'un graveur et d'un imprimeur qui ont déjà eu à subir un premier retour du personnage. Car bien que mûre, cette poire, qui entraine la feuille au profil masqué dans sa chute, n'est, pour lors, pas encore tombée à terre. Ici, ce n'est plus tant la louange qui se cache que la critique qui n'ose encore s'afficher.
SECOND PRINCIPE : LA SUPERPOSITION ÉQUIVOQUE Le principe de la superposition équivoque sert en général les détracteurs de l'empereur. Ceux-ci peuvent se contenter de remplir le visage de Bonaparte avec des éléments repoussants ou de faire coïncider son profil avec un objet fâcheux. LE REMPLISSAGE Nous commencerons par une caricature allemande intitulée Napoléon Bonaparte, Empereur des Français, publiée en 1815. Tandis que le visage de Napoléon est rempli de cadavres, son épaulette en forme de main s'empare de l'Allemagne et une décoration dont l'araignée, motif central, tisse sa toile sur l'Europe. Enfin, la couronne de laurier est constituée de squelettes, crânes et ossements divers.
Et maintenant une gravure colorée de Lacroix, La grosse caisse de l'Europe, visible au Napoleonmuseum d'Arenenberg.
Une gravure colorée de Pierre-Marie Bassompierre, Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse, dont un des exemplaires peut être vu à la Bibliothèque Thiers.
LES FIGURES RETOURNABLES Les figures retournables forment une sous-catégorie bien particulière de la superposition équivoque. En effet, pour découvrir l'image cachée qui vient se superposer à la figure principale, vous devez retourner le support à 180°. Ainsi, en ces deux caricatures, le retournement tête-bêche permet de voir successivement le profil de Napoléon et celui de Cambacérès. Mais si le texte du premier feuillet est assez clair : Le vaincu pour Cambacérès et Le vainqueur pour Napoléon, le second l'est beaucoup moins. Ainsi, nous pouvons lire : Haine aux Hommes, haine aux Femmes, avec eux la fin du monde. Comprenne qui pourra.
UNE SUPERPOSITION PARTICULIÈRE Les superpositions équivoques de la figure ne sont pas toutes destinées à la critique. Certaines, d'un genre très particulier, peuvent, comme les superpositions de la figure et du fond vues précédemment, permettre de garder par devers soi une image dite subversive d'un personnage politique évincé et relégué aux oubliettes de l'histoire par son successeur.
UNE SUPERPOSITION EXTRAORDINAIRE Nous terminerons par une superposition équivoque que je n'avais jamais encore rencontrée. Si le retournement à 180° ou à 90° a souvent été utilisé depuis la renaissance pour être repris et popularisé ensuite par Salvador Dali, une autre manière de déplacer le support de l'image est beaucoup moins connue. Au recto du feuillet, nous avons un diable portant bâton. Mais, à contempler le verso de la même page, le diable coloré devient, en ombre chinoise, la silhouette exacte de Napoléon. Cette gravure colorée exceptionnelle est conservée à la bibliothèque Thiers (voir la webographie ci-dessous).
TROISIÈME PRINCIPE : L'ALIGNEMENT ÉQUIVOQUE Il n'y a pas à ma connaissance d'alignement équivoque avec les caricatures de Napoléon. Ne me demandez pas pourquoi, car je n'en sais rien et n'ai pas envie d'y réfléchir. Mais pour des raisons qu'il faudrait développer, il semble que l'alignement équivoque répugne tout autant à servir la louange qu'à propager la critique.
BIBLIOGRAPHIE WEBOGRAPHIE http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AWahre-Abbildung-des-Eroberers-Napoleon.png
|
|||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |