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"De l'orientation de l'espace à deux dimensions : l'infinie fin"

 


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Octobre 2010

DES CONCLUSIONS POSSIBLES ET INFINIES

Beaucoup de conclusions différentes peuvent être tirées de ce qui vient d'être évoqué. Non pas tant des faits plastiques mis en évidence que des différents champs d'investigation que nous pouvons leur appliquer. Ainsi, pour faire simple, nous ne retiendrons que quatre grands domaines !

DES TROIS CATÉGORIES PLASTIQUES DE L'AMBIGUÏTÉ SPATIALE

Ainsi, jusque et y compris dans la simple et plate latéralité et obliquité de l'espace, nous pouvons, encore et toujours, retrouver les trois catégories plastiques qui sont, sur ce site, tenues pour être à l'origine matérielle des ambiguïtés de la représentation spatiale.
Parce qu'elles nous demandent de procéder à un parcours visuel latéral ou vertical à l'intérieur d'une même forme, les figures retournables et autres images du type
Lapin-Canard font que la superposition équivoque joue bien un rôle dans l'ambigu de l'orientation spatiale. Puis, en raison des successives et interminables relations d'unité, les triscèles et autres triples-faces montrent que l'alignement équivoque est à l'oeuvre dans l'ambiguïté de l'orientation dans l'espace. Enfin, du fait de la contiguïté que nous avons à opérer entre leurs éléments dispersés, les anamorphoses à cannelures et visages torses prouvent que le contact équivoque, que ce soit par une déambulation du spectateur ou une manipulation du support, travaillent le champ de l'orientation spatiale.
Ainsi, après l'échelonnement dans l'espace, trois principes plastiques, appliqués à l'orientation spatiale, ouvrent sur une nouvelle classification générale. Alors que les illusions d'optique présentent des catégories hétéroclites, accumulées en strates successives depuis l'antiquité (doubles-images, anamorphoses, figures réversibles et tutti quanti), ces trois principes plastiques viennent tout redécouper. Les doubles-images éclatent ainsi entre la reconnaissance formelle et l'orientation dans l'espace. À l'intérieur de cette même orientation, les anamorphoses peuvent tout autant relever du contact ambigu (celles dites à cannelures) que de la superposition équivoque (anamorphoses latérales). De même, les trop souvent oubliées triscèles et triple-faces s'en viennent rejoindre les illusions connues qui, jusqu'alors, les avaient ignorées. À quoi sert donc une classification : à percevoir le monde d'une autre manière, sans que cela signifie pour autant qu'il ait été compris, à le ranger dans un ordre tel qu'il n'y ait pas tant un grand organisateur que des lois vivantes, simples et logiques, toujours et encore susceptibles d'être remises en cause à travers une nouvelle manière toujours à venir de voir et de recevoir le monde.

DE LA PRIMAUTÉ DU FAIT PLASTIQUE : POUR UN COGNITIVISME PLASTICIEN

Les éléments plastiques (formes, blocs, figures,...) sont présents avant que l'ambiguïté vienne y porter son récit. De même, les relations spatiales régissent l'image avant que l'équivoque ne puisse informer leurs trajectoires. C'est ainsi que les mécanismes plastiques acquièrent une préséance dans la formation des ambiguïtés, quelque puissent être ces dernières, équivoques spatiales ou sémantiques. En cela, tant du fait de leur antériorité que de leur présence matérielle, les mécanismes plastiques ouvrent la voie aux mécanismes cognitifs de l'ambiguïté et pourraient même en arriver à les conditionner.
Dire et affirmer l'antériorité matérielle du support et de l'image sur la perception que nous en avons relève de la lapalissade. Mais celle-ci ne pourrait-elle pas nous emmener plus loin que ce que nous pourrions imaginer ? Car, en ce qui concerne les images fabriquées (dessins, peintures,, collages, ...) nul ne peut contester que leur fabrication relève du même esprit que celui qui en arrive à produire l'image que nous en avons, même si d'aucuns prétendront, et à bon droit, que les zones corticales concernées ne sont pas identiques. Pourtant, à cette étape là et de ce moment là, nous ne connaissons pour lors que la trace plastique et le versant matériel.
La question se pose donc ainsi : les mécanismes plastiques constructeurs présentés ici, à savoir la superposition, l'alignement et le contact, ne pourraient-ils pas mimer ou même inspirer, sous une forme ou sous une autre, les mécanismes cognitifs qui autorisent la perception du résultat de leur travail. Il est vrai qu'à dire cela un énorme effort nous serait demandé : considérer que la production de l'image pourrait tout autant obéir qu'initier les principes qui règlent sa perception.
À suivre cette idée, l'acte perceptif pourrait être conçu comme une manipulation des formes à la surface du support, qui suivrait cette autre opération qu'a pu être leur construction. Il est vrai qu'en parcourant dans tout les sens la superficie de l'image, les regroupements opérés donnent, la plupart du temps, lieu à une vision réaliste de la matérialité des formes tracées à la manière des regroupements matériels ayant donné lieu à leur élaboration. C'est ainsi que
Ramachandran suppose, toutes proportions gardées et en modifiant les composantes du problème, l'idée suivante : C'est là que nous ne devons pas nous laisser tromper par l'introspection; il est très possible que même ce que nous ressentons comme un jonglage de symboles visuels utilise tacitement les mêmes mécanismes neuronaux que certains aspects du langage, sans que nous en soyons conscients. J'ajouterai donc que si la pensée visuelle peut bien utiliser des mécanismes neuronaux propres au langage, elle pourrait encore employer les mécanismes plastiques propres à la construction de l'image qu'elle perçoit.
 

POUR UNE PSYCHANALYSE AMUSÉE DE L'ORIENTATION DANS L'ESPACE

À propos d'Arcimboldo, certains commentateurs ont évoqué la problématique de voir l'un dans le multiple. Bien que d'origine religieuse, cette recherche, qui tend à retrouver l'unité divine dans la diversité de la création, pourrait, mutatis mutandis, rappeler à d'autres ce que certains enfants pensent de la procréation humaine. À savoir, d'après Freud : comment un+un peut-il donner un ? En ce sens, l'enfant verrait bien le multiple dans l'un. De même, les images proposées en ces pages renversent la problématique arcimboldienne puisque les orientations diverses et contradictoires d'une même image laissent, elles aussi, entendre que le multiple est caché dans l'un.
Nous pourrions penser au corps morcelé et nous demander comment l'image plane peut rendre l'unicité de notre corps supposé épars, à la manière de cette anamorphose de têtes qui, vues par la pointe de la pyramide de verre, forment le portrait unique d'un être singulier. Mais, à la différence de cette anamorphose particulière, la multiplicité de ces images désorientées s'arrête le plus souvent au chiffre deux. Que peut donc signifier pour l'inconscient ces échecs, certes limités mais toujours sidérants, de l'orientation plastique à exprimer une profondeur unique de l'espace, d'offrir une seule direction au parcours de notre regard ? N'aurions-nous pas là, sous une forme imagée, la question enfantine de la procréation : comment l'homme et la femme, comment le masculin et le féminin, peuvent-ils donner naissance à un être unique ? L'équivoque de l'orientation spatiale ne serait-elle donc que la question de notre orientation sexuelle à venir ou déjà venue ?

 

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BIBLIOGRAPHIE
RAMACHANDRAN Vilayanur,
Le cerveau cet artiste, Eyrolles, 2005, p. 183

 

 

 

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