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"L'horizontale ment, page 1" |
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Avril 2015 En toute image réaliste, la ligne d'horizon donne une telle quantité d'informations qu'elle en devient primordiale quant à la compréhension de l'espace représenté. En un sens, la ligne d'horizon est le couteau suisse de l'espace. Elle est le niveau à eau, la boussole, le grand séparateur du paysage terrestre ou marin, tout autant que la limite ultime, la butée d'un regard qui ne pourra pas porter plus loin. DERRIERE L'HORIZON Derrière l'horizon, il se passe tant et tant de choses, il y a tant de paysages et de vie hors de portée de notre regard que certains se sont empressés, en dépit de toute logique, de nous les montrer. Commençons par une miniature indienne.
Ainsi, il n'y aurait pas malice en cette miniature. Mais, bien que pouvant être trompé par notre habitude de la diminution de taille due à l'éloignement (comme dans cette variante de l'illusion de Ponzo présentée ci-dessous, où les trois piles ont une hauteur égale), je n'en vois pas moins les personnages de la colline avec des têtes plus grosses que ceux défilant dans la plaine.
Plus tard que d'autres, connaisseurs des miniatures persanes, indiennes et mogholes, ont délibérément utilisé l'horizon comme un décor de théâtre. Picasso fait ainsi surgir de l'horizon marin un spectateur inattendu, un Neptune voyeur, charmé et sidéré par le fait que deux femmes puissent jouer avec un bateau. C'est alors que la mer devient un rideau bleu.
Mais si cette situation a été reprise en de multiples occasions par de nombreux dessinateurs (voir une page de carnet personnel de figures ambiguës), il n'en n'est pas un qui, à ma connaissance, n'ait essayé de faire passer le monde terrestre sous le voile céleste. Quelque chose qui pourrait faire penser au croquis supérieur gauche de cette page de croquis aux lignes d'horizon incertaines
En revanche les hasards de la vie permettent parfois de trouver dans le réel de véritables et pourtant faux horizons redressés à la verticale. Pour en arriver là, il faut en passer par l'image dans l'image, procédé qui autorise toutes les forfaitures. Cette photo en noir et blanc de Rony Zakaria, Homme devant la mer, qui a été photographiée en plein-air à PhotoQuai 2013, affiche alors deux horizons superposés. Deux horizons dont le premier s'offre à nous en un plan vertical réel (celle de la photographie exposée sur un panneau), tandis que le second oppose un ciel en noir et blanc à un autre en couleurs (la limite entre la photo exposée et le ciel réel).
DISTANCE A L'HORIZON En toute image, y compris l'image que nous percevons du monde, la ligne d'horizon est l'endroit le plus éloigné tant de la perception que de la représentation. C'est ainsi que plus un objet est proche de la base de l'image ou de notre champ de vision, plus il est proche de nous et, qu'à l'inverse, plus un objet se rapproche de la ligne d'horizon plus il est distant.
Cette règle, qui fausse la réalité du monde en ce qu'elle aboutit à une diminution illusoire des objets vers le lointain, a cependant l'avantage de nous donner des informations essentielles sur l'éloignement des éléments dans la profondeur de l'espace. Mais, cette règle de bons sens, héritée de notre système perceptif, n'a pas toujours été appliquée par les artistes. Avant que la perspective conique ne tente de se rapprocher de la perception humaine, les différents systèmes de représentation de l'espace s'attachaient plus au symbolique qu'au réalisme. C'est ainsi que cette miniature tirée du Codex Manesse, présente une ligne d'horizon sur laquelle reposent chevaux et cavaliers. Mais si la ligne d'horizon représente le point de l'espace le plus éloigné, comment peut-il se faire que nous y trouvions des personnages et des chevaux de taille si dissemblables ? C'est que le miniaturiste s'attache plus ici à représenter l'importance sociale des personnages qu'à nous signifier leur éloignement dans l'espace. En utilisant la perspective hiérarchique, qui s'acharne à grandir les grands de ce monde et à diminuer les petits, il nous donne des informations concernant la position sociale des humains représentés. En cela, la perspective hiérarchique n'est pas une perspective de l'espace du monde mais un point de vue sur l'espace symbolique d'une société.
Il y a encore beaucoup de moyens pour contrevenir à cette règle de la diminution de taille due à l'éloignement. Ainsi, tant la perspective inversée, parfois utilisée en Europe au Moyen-Age, que la perspective chinoise considère que le spectateur est l'horizon de toute image. Situation qui donne lieu à un agrandissement progressif des choses vers le lointain. Nous avons donc ci-dessous un bloc de forme rectangulaire.
C'est en regardant des peintures d'icônes ou des dessins de Saul Steinberg (mais lesquels) que je m'étais ainsi amusé à faire des croquis de ce que nous pourrions appeler fausses diminutions ou diminutions inversées, afin, comme bon vous semblera, d'aplatir le monde ou de le relever à la verticale.
Ces croquis ont, parfois, pu donner lieu à quelques dessins.
Mais, plutôt que de proposer une perspective inversée, le non respect de la diminution due à l'éloignement peut encore donner lieu à des images insensées. Ces images sont insensées en ce qu'elles associent deux systèmes antagoniques : celui d'une diminution réaliste des éléments du monde (du point de vue de la perception humaine) à un agrandissement irréaliste d'autres éléments vers le lointain (en raison d'une conception symbolique de l'espace). Alors, tandis que les arbres diminuent, les vaches grandissent.
Après avoir vu les atteintes portées la fonction première de la ligne d'horizon, notre horizon visuel et spatial, nous allons maintenant passer à un deuxième problème soulevé par cette ligne : la question de sa supposée horizontalité. PAGE SUIVANTE : Horizon et horizontalité
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