THÉORIE

"L'impossible de la figure et du fond dans la langue"

 


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AVERTISSEMENT
"EN TRAVAUX"
Le but de la rubrique
“Langage” est d’appliquer la classification des images impossibles et ambiguës aux paradoxes du langage. Malheureusement, cette classification, toujours perfectible, nous oblige à adapter les concepts et les catégories au nouveau champ sémiotique de la langue, par essence différent. Il n’en reste pas moins que les différentes pages de cette rubrique vont montrer que la mise en parallèle des images dites paradoxales avec les paradoxes du langage n’est pas dénuée d’intérêt.
REVOIR LA CLASSIFICATION DES IMAGES IMPOSSIBLES ET AMBIGUËS

 

1. DÉFINITION DE LA FIGURE-FOND DE LA LANGUE

La définition de la figure et du fond s’avère délicate, en ce que le fond ne peut pas avoir la même définition dans le champ de la langue et dans celui de l’image. Alors que le fond de l’image est l’arrière-plan spatial qui permet de faire surgir une forme qui fera figure, le fond de la langue n’est que le support purement matériel (la page, la feuille,...) à la surface duquel s’enchaînent les signifiants. Ainsi, dans l’image, un fond immaculé, bien qu’il soit préservé de toute figuration, participe à la signification en représentant l’espace dans lequel la figure évolue, tandis que dans le champ de la langue, le fond reste un support dénué de toute signification.
De plus, il semble que la figure-fond qui conduise un texte à l’impossible ne soit pas le même que celle qui aboutisse aux ambiguïtés du langage. Ainsi, du coté de l’ambigu, la figure-fond marquait l’irruption de paradigmes multiples dans le champ du syntagme : chaque syntagme renvoyant d’ordinaire à un paradigme unique. Pour aboutir à l’impossible de la figure et du fond, la présence d’un autre élément de la langue, lui aussi habituellement absent de l’axe syntagmatique, est nécessaire. Nous dirons que le métalangage, cette faculté qu’a la langue de parler de son propre discours, représente l’élément, qui, par une présence inopportune, en arrive à rendre certains textes incohérents. Ainsi, un récit, qui se voit contredit par un discours émanant d’un niveau supérieur de la langue (le métalangage), en arrive à produire une impossibilité de la figure et du fond.
Malgré ces modifications, la distinction entre l’impossible du fond et celui de la figure et du fond reste la même que celle qui séparait l’ambigu du fond, qui offre une signification unique, de celui de la figure et du fond, qui confronte deux sens successifs. Tandis que l’impossible de la figure et du fond juxtapose deux sens inconciliables, l’impossible du fond se contente de nous imposer une signification incohérente.
 

Impossible de la figure et du fond : "tubes", dessin.


La figure dessinée emblématique des impossibilités de la figure et du fond est sans conteste la
Fourche du diable (est présentée ici une version personnelle qui aboutit au même effet). En cette image célèbre, notre système perceptif n’arrive pas à marquer la limite entre la figure et le fond de l’image. Ainsi, à suivre du doigt certains volumes faisant figure, vous vous retrouverez, sans raison aucune et sans avoir franchi la moindre limite, dans le fond de l’image. Le fond pénètre la figure et la figure se dissout dans le fond sans que vous sachiez pourquoi. Cette situation exceptionnelle est due à la confusion des limites matérielles : parce qu’ils présentent deux fonctions différentes, certains tracés aboutissent à une forme impossible. C’est à l’aune de cette image et des critères élaborés auparavant que nous allons juger les textes qui relèvent de l’impossible de la figure et du fond. Mais nous aurons aussi à attribuer à ces textes un des trois mécanismes plastiques qui permettent de comprendre et de fabriquer les différentes images impossibles : la superposition, le contact ou l’alignement.

2. SUPERPOSITIONS INVERSÉES DE LA FIGURE ET DU FOND

Les textes qui se rapprochent le plus de la Fourche du diable font partie des grands paradoxes de la langue. Nous prendrons le plus court et sans doute le plus célèbre : le Paradoxe du menteur, qui peut apparaître sous des formes linguistiques différentes. La plus ancienne se présente ainsi :
“Tous les Crétois sont menteurs.” Épiménide de Crète
En ce paradoxe, deux syntagmes différents sont réunis pour aboutir à un cercle vicieux du raisonnement : si Épiménide est bien crétois, il ment en disant que les crétois sont des menteurs. Donc, les crétois ne mentent pas et ainsi Épiménide ne peut être crétois. La boucle est bouclée dont vous ne pourrez plus sortir. Mais, comme l’a montré
Umberto Eco avec le paradoxe du barbier (voir biblio), une multitude de solutions permettent de sortir de cet apparent cercle vicieux. Encore une fois, à la manière des figures impossibles dessinées, les paradoxes de la langue peuvent être surmontés.
Le problème est plutôt de savoir où se situe ici le métalangage, censé être à la source des impossibilités de la figure et du fond. Nous dirons que la présence de l’énonciateur (habituellement sous-entendue) est une forme de métalangage. Car c’est bien la connaissance de l’origine de l’énonciateur qui met en place le cercle vicieux. Le paradoxe du menteur opère à la manière de la
Fourche du diable qui fait parfois passer le fond de l’image (arrière-plan neutre de l’image) devant la figure. Ici, l’énonciateur est mis en avant, pour venir contredire le texte qu’il est censé proférer. Sans la référence à cet énonciateur surgi du fond du texte (le hors-champ du syntagme), le paradoxe s’effondrerait de lui-même.

VOIR LA LISTE DES SUPERPOSITIONS INVERSÉES DE LA FIGURE ET DU FOND

3. AUTRES SUPERPOSITIONS DE LA FIGURE ET DU FOND

À la page 137 de son livre (voir biblio), Nicholas Falletta cite un paradoxe du début du siècle :
“La célèbre carte mise au point par le mathématicien français Jourdain en 1913 : on peut lire au recto “La phrase écrite de l’autre coté de cette carte est vraie” et au verso “La phrase écrite de l’autre coté de cette carte est fausse”.
En raison de la manipulation du support et, en cela, du rôle du signifiant, nous sommes en présence d’un impossible de la figure et du fond, à la manière du texte ambigu du
Zadig de Voltaire. Mais nous pouvons reformuler ce paradoxe afin que le support ne joue plus aucun rôle. Ainsi, le texte suivant aboutit au même résultat : “La phrase qui suit est vraie. La phrase précédente est fausse.” À l’évidence, la contiguïté des deux syntagmes aboutit à un cercle vicieux, qui, plutôt que de rappeler la Tripoutre, met maintenant en évidence l’importance du métalangage. Attribuer un caractère de vérité ou de fausseté à un texte est en effet une des fonctions possibles du métalangage. Nous sommes donc dans l’impossible de la figure et du fond, puisque le métalangage, habituellement absent de l’axe syntagmatique, vient s’y inscrire pour générer le conflit des syntagmes accolés.

VOIR LA LISTE DES SUPERPOSITIONS INVERSÉES DE LA FIGURE ET DU FOND

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE SUR LE LANGAGE

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