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Tout en poursuivant, avec des scène de marchés aux volailles, nous allons voir que ce genre là peut très bien, chez d’autres peintres, associer sur la même toile volailles et légumes. 1. DE MUYSER Arnout, "La femme du marché". Au contraire d’Aertsen et de Beuckelaer, vus précédemment, De Muyser fait tenir le stand des volailles, situé dans le tiers droit de la toile, à une femme. Habituellement, les étals de volailles étaient tenus par des hommes (mais il est vrai que la toile de De Witte, vue précédemment, appartient au siècle postérieur). La présence d’une femme est étonnante, en ce que les oiseaux, notamment sauvages, possèdent des formes et une symbolique phalliques. Et, même dans la basse-cour, seules les poules, parce qu’elles sont fécondes d’oeufs, peuvent proposer une symbolique féminine. Ainsi, dans le panier en osier situé en bas à droite, nous apercevons au moins quatre coqs. Un autre panier, situé à sa gauche, contient des pigeons, et sur le banc derrière la femme assise se trouvent deux volatiles que je ne saurais identifier, mais qui sont apparemment morts. En revanche, deux poules qui, dans les toiles précédentes, étaient enfermées, sont posées, à peine tenues sur ses genoux. Que les coqs soient dans une nasse et que les poules soient libres montre que pour cette femme les volailles "masculines" doivent être contenues ou mourir et que les volailles "féminines" sont protégées, bien à l’abri en son giron. Passons de l’autre coté de la toile, les deux tiers de la surface réservés à l’étal de légumes. Nous avons là une répartition des tâches inédite. Car, l’étal est encore tenu par une femme et le seul homme présent dans les premiers plans, comme nous le verrons plus avant, n’est ni un marchand, ni un client. Il est vrai qu’en ces peintures, les étals de légumes étaient tenus par des femmes. Mais, celle que nous voyons forme un contraste saisissant avec la marchande de volailles. Habillée de couleurs claires, si ce n’est le rouge sanguin de sa jupe, son col ouvert dévoile la naissance de sa poitrine et ses bras sont dénudés. Pourtant, en dépit de ses habits, son regard semble gêné, car, de sa main droite, elle repousse un homme qui lui tend un pichet que l’on peut supposer rempli de vin. En effet, au-dessus de la tête de la marchande se trouve l’enseigne d’une taverne. À l’intérieur de la taverne un homme bien habillé et une femme au collet monté entretiennent une vive discussion. Quel en est le sujet, nous ne le saurons pas. Puis, plus loin, nous apercevons l’étal d’un menuisier, menuisier qui, pour équarrir une poutre de bois, doit procéder à de nombreux aller-retours avec son instrument. Mais, alors comment comprendre un tel contraste d’objets, de vêtements, d’attitude, de formes, de couleurs et de symboles, si les deux marchandes refusent la fécondité ? Serait-ce que le chasseur attend patiemment, à l’affût, l’objet de son désir, tandis que le buveur, trop éméché et trop empressé, est repoussé ? Ou serait-ce encore que la femme aux poules aurait encore sa virginité, alors que la femme débraillée et à l’étal débordant aurait déjà fait preuve de sa fécondité ?
2. DE SAIVE Jean-Baptiste II, "A market stall with a still life of vegetables, fruit and birds". De Saive fait partie de la génération suivante. Ainsi, avec cette toile, qui pourrait être du milieu du XVIIème siècle, nous voyons que le thème du marché aux volailles et au légumes perdure. Pourtant, le sens a changé, car il semble que nous arrivions ici à une représentation de la bonne reproduction humaine. Le tiers gauche du tableau est réservé à l’étal des volailles. Au troisième plan, un homme debout, que nous appellerons le grand-père, montre au spectateur un coq mort qu’il tient par les pattes. Coq dont la crête semble toucher le visage du jeune homme assis. À droite du grand-père, un dindon ou une dinde est accroché à un panneau de bois. Enfin, plus bas, au premier plan, sur une table de bois, d’autres oiseaux, qu’ils soient sauvages ou non, sont morts. En revanche, dans un panier rouge, nous apercevons des pains ou gâteaux à moitié couverts d’un linge blanc. Pourtant, à la différence du marché aux volailles d’Aertsen, les oeufs sont absents. Se pourrait-ils que les oeufs aient été déjà consommés ? Car, hormis le panier de couleur rouge, le marchand de volailles et le jeune homme, qui pourrait être son fils, semblent nous dire qu’il faut savoir tuer le coq et tous les volatiles sauvages ou domestiques pour dépasser le plaisir de la chair, pour en arriver enfin aux fruits de l’union. Fruits rouges que nous allons bientôt aborder. Car, les deux jeunes gens échangent un regard amoureux. Tandis que l’homme passe son bras sur celui de la femme pour toucher sa main, atteindre son giron ou, bien encore, prendre des fruits rouges, la femme et l’enfant plongent à pleines mains dans ce panier de fruits que tous semblent convoiter. En cela, ce panier pourrait très bien être la matrice que ces trois personnages ont connu d’une manière ou d’une autre, panier qui ferait suite au panier rouge situé à gauche. Même un tubercule de l’étal se dresse à la verticale pour, peut-être, nous signifier qu’il voudrait bien en être, ou qu’il en a été. L’enfant, quant à lui, petite bouille rond se tient, souriant, près d’un chou presque aussi grand que lui, chou lui-même entouré d’autres choux.
3. DE SAIVE Jean-Baptiste II, "Fruttivendola". Malgré l’absence de dates, cette toile pourrait poursuivre la narration entamée avec la peinture précédente. Encore une fois, l’étal de légumes occupe les deux tiers de la toile. La vendeuse, au regard perdu, ne semble plus amoureuse, mais semble penser à l’avenir. Sa main droite repose sur deux choux rouges que je vois comme la représentation symbolique des deux enfants qui, à droite, désignent des oiseaux apparemment morts, puisque les seuls à ne pas être enfermés. Mais la main gauche de la vendeuse plonge une nouvelle fois dans un panier de fruits rouges, si ce n’est que cette fois elle est bien la seule. L’homme de son âge, le vendeur de volailles, qui pourrait très bien être son mari, s’est assoupi. Pourtant rien n’est perdu puisqu’à part les oiseaux noirs et blancs, toutes ses volailles sont encore bien vivantes, y compris le coq et la poule enfermés dans une nasse en bas à droite. Que faudrait-il alors pour agrandir la famille ? Il faudrait que cet endormi se réveille pour traverser le pont qui le relie plastiquement à la femme, il faudrait ensuite qu’il soulève le gobelet qui ferme le goulot de l’énorme cruche, qui n’est pas sans faire penser au ventre d’une femme enceinte et qu’il en arrive alors au gros chou blanc que la vendeuse tient entre son bras et son tablier. Nous aurions là un troisième enfant. Il se pourrait que ce jeu des symboles et des parcours plastiques soit repris et redoublé par la scène qui se déroule en haut à gauche. Là, un homme d’un certain âge paraît désigner la ville à une marchande de fruits tout aussi âgée. Mais son index pourrait tout autant montrer l’endormi. Et que pourrait dire cet homme à cette femme, si ce n’est l’autre récit qui se déroule derrière eux : une femme, qui tient un énorme coq vivant sous son bras, apporte dans un panier posé sur sa tête des légumes, dont deux choux placés au beau milieu bien en évidence. Remarquons qu’en ces peintures, l’étal de légumes prend toujours plus de place que celui des volailles, ou même des fleurs comme nous le verrons plus loin. Il y a fort à parier que l’étal de légumes symbolise la terre qui est féconde, alors que l’air, le domaine des oiseaux ne l’est pas. De même, qu’il est difficile de comprendre la présence répétée d’un panier de fruits rouges (si ce sont bien des fruits) sur un étal de légumes, qui plus est lorsque nous avons ici la présence d’une marchande de fruits.
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ICONOGRAPHIE DE MUYSER Arnout, seconde moitié du XVIe siècle DE SAIVE Jean-Baptiste II, 1597- décédé après 1641.
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