L'impossible escalier de Taormina, Sicile,
Escalier impossible de Taormina par alignement ホquivoque.
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DÉBUT DES PHOTOS AVEC DES ESCALIERS

La photo présentée ci-dessus montre un escalier impossible à l'état naturel. Sa datation n'est pas des plus évidentes. Bien qu'étant situé à coté du théâtre grec de Taormina, nous ne pouvons guère le dater de l'antiquité. Si le bâtiment auquel il conduit peut, tant du fait de son appareillage que de ses ouvertures, remonter au dix-neuvième siècle, les marches de pierre et la rambarde métallique semblent être postérieures. Pour lors, nous daterons ces deux éléments essentiels des années 1950.

LA PREMIÈRE IMPOSSIBILITÉ DE TAORMINA

La découverte inopinée de cet escalier d'un autre siècle remet en cause toutes les théories jusqu'ici admises sur l'impossible existence d'un impossible du réel. Nul n'aurait pu imaginer qu'une figure impossible puisse être trouvée à l'état naturel. Une impossibilité spatiale pourrait donc exister sans que la réalité matérielle du monde ait été modifiée, sans que le réel ait eu à connaître la moindre manipulation humaine.
Pourtant, avant que d'aborder le célèbre Escalier de Penrose, qui repose sur un abus des conventions perspectives, commençons par connaître l'impossibilité de l'Escalier de Taormina. Ce dernier présente un conflit entre sa rampe métallique et les marches qui le composent. Tandis que ces dernières tracent un angle droit, en passant d'une volée à l'autre, la rampe poursuit son trajet rectiligne et imperturbable vers le lointain. En cela, nous avons là deux impossibilités. En premier lieu, la rampe ne suit pas la trajectoire déviée de l'escalier qu'elle borde. En second lieu, la barre métallique supérieure de la rampe poursuit sa fuite vers le lointain sans tenir compte de son dernier support vertical fixé à la première marche de la volée rabattue vers nous.
L'impossible étant inconnu du réel, comment pouvons-nous résoudre cette apparente et illusoire contradiction ? Nous avons ici l'alignement exceptionnel de deux orientations contradictoires. Le sommet de la rampe forme bien un angle droit, mais, en raison du point de vue particulier d'où la photo a été prise, les deux lignes de cet angle alignent leur trajectoire le long d'un même tracé. La confusion vient du fait que nous prenons la rectilignité du tracé pour une identité des trajectoires. Ici, l'orthogonalité des orientations dans l'espace est masquée par la rectilignité du tracé à la surface de l'écran et du papier. Nous avons donc un alignement équivoque des orientations. L'alignement équivoque est un mécanisme plastique largement utilisé dans les dessins présentés sur le site,
Mes alignements équivoques par orientation, de même qu'il y est amplement étudié, Qu'est-ce-qu'un alignement équivoque, mais nous n'en présenterons qu'un seul exemple ici.
Nous avons avec ce croquis l'alignement équivoque des orientations des deux arêtes supérieures d'un cube, cube qui, en cela, pourrait ne pas être le cube qu'il prétend être ou, plutôt, que nous croyons voir. Mais, à conserver l'hypothèse visuelle du cube, nous retrouvons dans ce dessin le phénomène d'aplatissement provoqué par la rampe d'escalier photographiée dans le réel. De même que l'angle formé par la base de l'escalier contredit la rectilignité de la rampe, l'angle inférieur du supposé cube contredit la ligne droite et rectiligne de son sommet.

 

"Cube Ambigu", alignement ホquivoque d'arミtes

 

La photographie d'un escalier soi-disant impossible ne fait que coucher sur le papier une ambiguïté de la perception humaine portée sur le monde. Mais, avant d'aborder les différentes catégories plastiques de l'ambiguïté spatiale, nous allons poursuivre notre promenade autour de l'Escalier de Taormina.

LA SECONDE IMPOSSIBILITÉ DE TAORMINA

Avant de poursuivre et à revenir sur le croquis précédent, il est nécessaire d'ajouter que le cube n'offre pas qu'un seul point de vue susceptible de donner lieu à une perception ambiguë de sa forme. Une déambulation circulaire sur un axe parfaitement horizontal donnerait déjà 360 angles de visions successifs de son volume. Si nous n'arriverons pas à opérer la même rotation sur l'escalier borné par un bâtiment, la multitude d'éléments qui le composent (volées, marches et contremarches, barres métalliques verticales ou obliques aux diverses orientations,...) devraient nous permettre de trouver de nouvelles perceptions ambiguës de leurs relations spatiales réciproques.
C'est ainsi que le touriste perspicace, après avoir effectué quelques pas, pourrait obtenir une nouvelle vision impossible de la rampe métallique. La rampe bordant la première volée de l'escalier apparaît maintenant sous la forme d'une barre unique et verticale, verticale qui, partant de la base de la première marche, irait rejoindre la rampe bordant l'autre volée trois marches plus loin. Cette verticale insensée et impossible est trahie par les reflets métalliques : tandis que la partie inférieure, le montant réellement vertical, reste sombre, la partie supérieure, qui dans le réel s'éloigne en oblique, est éclairée par de rares rayons solaires. Le mécanisme de l'illusion a déjà été évoqué. Alors que ces deux barres métalliques forment un angle obtus, les deux lignes de cet angle, en raison du point de vue particulier d'où la photo a été prise, alignent leur trajectoire le long d'un même tracé vertical illusoire. Nous avons donc là un nouvel exemple d'alignement équivoque d'orientations contradictoires.
Mais, en touriste sagace et maintenant aguerri, tournons encore autour de cet objet magnifique de tromperie, pour débusquer, qui sait, un autre point de vue à même de tromper nos sens égarés.

 

Escalier impossible du thホatre de Taormina, vue 2.

 

LA TROISIÈME IMPOSSIBILITÉ DE TAORMINA

Quelques pas plus loin, les deux rampes redeviennent visibles. Pourtant, en dépit de l'évidence des angles formés par leur rencontre, quelque chose subsiste des aplatissements précédents. Il se trouve que des barres se croisent. Il se trouve que certains croisements sont bien réels, qui marquent des soudures, tandis que d'autres ne sont que visuels qui présentent des éléments échelonnés dans l'espace. Il se trouve que nous en arrivons à confondre les deux types de croisements et qu'à prendre un croisement d'échelonnement pour un croisement de soudure nous nions l'espace qui sépare des barres métalliques distantes.

 

Escalier impossible du thホatre de Taormina, vue 3.

 

Pourquoi les croisements d'échelonnements n'entraînent-ils pas les croisements de soudure ? Pourquoi le contact est-il plus fort que la séparation ? Vous pourriez demander à votre mère mais il est préférable d'en passer par Monsieur Wilhelm Wundt. Si la Croix de Wundt n'est pas assez citée dans les livres sur les illusions c'est qu'elle apparaît, en un premier temps, pour ce qu'elle annonce être : à savoir comme une croix des plus ordinaires. Alors que cette figure offre à la vue une infinie infinité de relations spatiales possibles entre les deux lignes qui la composent, nous nous contentons de la restreindre à son interprétation la plus plate qui soit : une croix tracée à la surface du papier.
Nous ne voulons pas voir les innombrables écarts étant à même de séparer ces deux lignes, du dixième de millimètre aux dizaines de kilomètre (je suis sérieux : vous n'avez qu'à imaginer deux traînées d'avion dans le ciel). Nous ne voulons pas reconnaître que cette croix pourrait aussi bien être posée au sol que tracée dans le ciel. Nous ne voulons pas imaginer les infinies orientations similaires ou contraires de ces deux lignes dans l'espace. Nous ne voulons pas voir que le monde est grand et que nous sommes petits.
Mais pour lors, revenez à l'escalier afin d'y trouver la
Croix de Wundt qui s'y cache et qui nous incite, jusque dans ce réel pourtant bien compliqué, à aplatir quelques angularités et renier certaines profondeurs.

 

Wilhelm Wundt, "Croix", illusion vers 1879

 

Ainsi, grâce à deux mécanismes plastiques mis en évidence par des dessins au trait, cet escalier qui paraissait de prime abord si incohérent retrouve un aspect humain, ordinaire et fonctionnel. Pourtant, même le plus ignorant des choses du dessin aurait pu déjouer le piège de cette apparente impossibilité. Tout un chacun devine qu'Il est impossible de trouver un escalier impossible dans la réalité, tant il semble raisonnable de définir le réel comme l'ensemble des possibles jusqu'ici connus ou à connaître. Ainsi, bien qu'il soit possible de voir des escaliers apparemment incohérents, il est fortement recommandé pour les besoins d'une sage locomotion de n'emprunter que les escaliers possibles du monde réel.

 

ADDENDUM
De nombreux escaliers à l'apparence impossible peuvent être rencontrés dans le réel. La première page de l'article consacré aux Escaliers impossibles vous propose ainsi de contempler ceux qui, outre celui de Taormina, ont été aperçus à Tolède et à Majorque ! Les escaliers sont de grands voyageurs.

 

 

 

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