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"Des escaliers impossibles dans le réel"

 


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Novembre 2011

QUELQUES PAGES FINIES SUR DES ESCALIERS SANS FIN

Après la découverte de trois escaliers impossibles dans le réel (page présente), le webmestre s'est demandé si il ne conviendrait pas d'écrire quelque chose sur ce thème racoleur, afin d'augmenter le nombre de visiteurs du site. Mais, dès le récolement des images d'escaliers impossibles connus ou méconnus, il est apparu que ce projet prenait une ampleur considérable. Pour ne pas avoir à rédiger une encyclopédie de l'impossible en dix volumes, je me contenterai de vous proposer les quatre pages suivantes :
1) La première page présente Trois escaliers impossibles photographiés dans le réel.
2) La seconde page expose les Mécanismes plastiques d'escaliers et de figures impossibles connus. Au bas de cette deuxième page, vous accéderez à une bibliographie et à une webographie recensant la plupart des figures impossibles connues en même temps que leurs diverses constructions dans le réel.
3) La troisième page trace la Frontière entre l'impossible et l'ambigu à partir de dessins personnels d'escaliers impossibles ou ambigus.
4) La quatrième page présentera les escaliers impossibles d'artistes célèbres ou inconnus.
5) La cinquième page présentera d'autres escaliers équivoques photographiés dans le réel.

 

L'IMPOSSIBLE ESCALIER DE TAORMINA ET L'ALIGNEMENT ÉQUIVOQUE

La découverte d'un escalier impossible dans le théâtre antique de Taormina remet en cause toutes les théories jusqu'ici admises sur l'impossible existence d'un impossible du réel. Personne n'aurait pu imaginer qu'une figure impossible puisse être trouvée à l'état naturel, qu'une impossibilité spatiale puisse exister sans que le réel ait eu à connaître la moindre intervention humaine.

LA PREMIÈRE IMPOSSIBILITÉ DE TAORMINA
L'escalier, photographié ci-dessous, présente un conflit d'orientations qui oppose sa rampe métallique aux marches qui le composent. Pendant que les deux volées de marches tracent un angle droit, la main-courante, qui les borde, poursuit imperturbablement sa trajectoire fuyante et rectiligne. Nous avons là deux impossibilités. La première veut que la rampe coupe la trajectoire déviée de l'escalier qu'elle est censée accompagner. La seconde provient du fait que l'extrémité éloignée de la rampe repose sur un support vertical fixé à la première marche de la volée inférieure, première marche qui est beaucoup plus proche de nous que l'extrémité de la main-courante.

 

Escalier à alignement équivoque de Taormina, vue 1.

 

L'impossible étant inconnu du réel, comment pouvons-nous résoudre cette contradiction ? Nous avons là un alignement exceptionnel de deux orientations contradictoires. Le sommet de la rampe forme bien un angle droit (voir photo suivante), mais, en raison du point de vue très particulier, les deux cotés de cet angle droit alignent leur trajectoire le long d'un même tracé apparent. La confusion vient du fait que nous prenons la rectilignité du tracé pour une identité des trajectoires. Ici, l'orthogonalité bien réelle des orientations est masquée par la rectilignité du tracé à la surface du papier. Nous subissons les effets délétères du principe plastique qu'est l'alignement équivoque. L'alignement ambigu étant un mécanisme largement utilisé par les dessins proposés sur le site (voir : Mes alignements équivoques par orientation), de même qu'il y a été amplement étudié (voir : Qu'est-ce-qu'un alignement équivoque), nous n'en présenterons qu'un seul exemple.
Le croquis ci-dessous présente un cube dont les deux arêtes supérieures sont alignées de manière équivoque. Cube qui, en cela, pourrait ne pas être le cube qu'il prétend être ou, plutôt, que nous croyons voir. Mais, à garder l'hypothèse visuelle du cube, nous retrouvons en ce croquis une des conséquences habituelles de l'alignement équivoque : l'aplatissement de l'espace représenté. Ainsi, de même que la ligne droite et rectiligne du sommet du supposé cube contredit et aplatit son angle inférieur, la rectilignité de la rampe contredisait l'angle formé par les deux volées de l'escalier.

 

"Cube Ambigu", figure à alignement équivoque d'arètes, dessin au trait

 

L'AUTRE IMPOSSIBILITÉ DE TAORMINA
Avant de poursuivre, il est nécessaire d'ajouter que le cube n'offre pas qu'un seul point de vue susceptible de donner lieu à une perception ambiguë de sa forme ou de son volume. Il suffira de citer l'exemple du cube isométrique, ou bien encore le Cube de Necker, pour s'en convaincre. Mais, il en est de même avec des formes plus complexes comme celle de cet escalier.

 

Escalier à alignement équivoque de Taormina, vue 2.

 

C'est ainsi qu'un touriste perspicace pourrait obtenir une nouvelle vision impossible de la rampe métallique. La main-courante bordant la première volée de l'escalier apparaît maintenant sous la forme d'une barre verticale unique. Cette verticale, qui part de la base de la première marche, s'en irait rejoindre la rampe bordant l'autre volée trois marches plus haut. Heureusement, cette verticale insensée se voit trahie par ses reflets métalliques : alors que la partie inférieure, le montant réellement vertical, reste sombre, la partie supérieure, du fait de sa fuite oblique, est éclairée par les rares rayons du soleil. Le mécanisme de ce phénomène illusoire a déjà été explicité. En raison du point de vue particulier d'où la photo a été prise, les deux cotés de l'angle obtus formé par les deux barres métalliques semblent alignés le long d'un même tracé vertical illusoire. Nous avons là un nouveau et bel exemple d'alignement équivoque (une analyse plus complète, avec une troisième photo prise d'un autre point de vue ambigu, peut être consultée en suivant ce lien : l'escalier de Taormina).

Grâce à ce deuxième alignement équivoque, notre escalier retrouve un aspect presque normal. Pourtant, même le plus ignorant des choses de la vie aurait pu déjouer le piège de cet escalier sicilien. Tout un chacun devine qu'Il est n'est pas concevable de trouver un escalier impossible dans le réel, tant il semble raisonnable de définir le réel comme l'ensemble des possibles jusqu'ici connus ou à connaître. Ainsi, bien qu'il soit possible de voir des escaliers apparemment incohérents, il est fortement recommandé pour les besoins d'une sage locomotion de n'emprunter que les escaliers possibles du monde réel.

 

L'IMPOSSIBLE ESCALIER DE TOLÈDE ET LE CONTACT ÉQUIVOQUE

Cet escalier, situé non loin de la cathédrale de Tolède, permettra d'enfoncer le clou : nous pouvons voir, revoir et voir encore des escaliers impossibles dans le réel. Mais à la différence de l'escalier de Taormina, l'apparente impossibilité de cet escalier prétendument impossible relève cette fois d'un contact équivoque. Alors que la première photographie de Taormina présentait une rampe unique formant un angle droit, nous avons ici deux rampes distinctes. Ces deux rampes doivent être réunies pour que la montée devienne impossible. Le contact équivoque permet de confondre, en un tracé unique, la dernière barre verticale de la rampe inférieure à la première barre verticale de la rampe supérieure. En réunissant deux éléments distants, échelonnés dans la profondeur de l'espace, cette illusoire contiguïté permet que le piège se referme sur le regardeur crédule qui voudrait croire à cet aplatissement de l'espace représenté. C'est ainsi que nous pouvons croire à l'unicité d'une rampe dont la barre d'appui dessine un tracé zigzaguant mais continu depuis la première marche de l'escalier jusqu'à la porte de ce bâtiment.

 

Escalier à contact impossible de Tolède

 

Pour en finir, n'oublions pas de signaler une autre contiguïté illusoire qui vient renforcer le sentiment général d'aplatissement de l'espace. Les deux barres verticales des deux rampes se rejoignent en un endroit précis : l'arête arrière du bâtiment, à la limite du blanc du mur et du vert des feuillages éloignés. Ce n'est donc pas seulement la rampe inférieure qui vient se coller à la rampe supérieure, mais les deux rampes déjà conjointes qui viennent se coller contre le mur. Ainsi, tandis que la fermeture de la première volée de marches ne permet pas la montée du propriétaire, la seconde volée ferme la descente à l'habitant de ce lieu qui voudrait aller s'aérer dans le parc.
Montée et descente ? Vous avez dit
Montée et descente (voir référence en bas de page).

 

L'IMPOSSIBLE ESCALIER DE MAJORQUE ET LA SUPERPOSITION ÉQUIVOQUE

De prime abord, cet escalier majorquin ne semble pas impossible. Vous devriez pourtant observer sa rampe de plus près. Partant du grand escalier gauche, deux volées de marches et leur palier respectif se dirigent vers une porte qui, située à droite dans une embrasure, est cachée à nos yeux. En dépit du zigzag dû aux paliers, cet escalier suit une trajectoire rectiligne à l'orientation bien définie. La rambarde attenante devrait suivre cette trajectoire, tout en afficher une rectitude égale. Pourtant, du point de vue de la photographie, vous êtes amenés à voir deux rambardes conjointes mais décalées, qui, perçues en contre-plongée, se dirigent vers nous. Ainsi, ces deux rampes en arrivent à tracer à la surface de l'image deux blocs dessinés en perspective cavalière.
Voilà donc l'impossibilité que nous pouvons imaginer : deux volées de marches qui montent vers la droite bordées par deux rambardes qui s'élèvent vers nous.

 

Escalier cavalier et équivoque de Majorque.

 

Mais, cette impossibilité n'est qu'apparente, en ce qu'elle résulte, comme les deux précédentes, d'une mauvaise interprétation des tracés de l'image par notre système perceptif. Nous avons ici la superposition équivoque de deux visions spatiales qui opposent la platitude à la profondeur. À la manière du Parallélogramme, cette rampe peut être perçue comme une surface plane épousant le trajet des marches ou profonde qui surgit vers nous. À la manière de la figure ci-dessous, nous avons là une figure réversible qui hésite entre le plat et le profond, si ce n'est que le croquis offre une troisième interprétation : une vue en plongée que la photographie n'autorise pas en raison du contexte de l'image.

 

Figure réversible, dessin au trait.

 

CONCLUSION

Vous aurez sans doute remarqué que l'impossibilité apparente de ces trois escaliers ne réside pas tant dans les plans inclinés qui les composent que dans les rambardes qui les bordent. Mais, ne croyez pas pour autant qu'une impossibilité apparente des marches ne puisse être aperçue dans le réel. Il se trouve que les trois escaliers présentés ici sont les plus récents que j'ai pu côtoyer. Ainsi, avant de passer à la page suivante, si jamais vous passez à la page suivante, je vous invite à suivre les liens suivants qui vous dirigeront vers des photographies d'escalier dont les marches et contremarches assurent et assument, à elles-seules, l'ambiguïté de l'image : L'Escalier des Tuileries, l'Escalier de Bercy.

 

PAGE SUIVANTE Mécanismes plastiques d'escaliers et de figures impossibles connus
 

 

ICONOGRAPHIE
ESCHER Maurits, Montée et descente, lithographie, 1960.
AGAM Yaacov, The eighteen levels, 1972, inconel steel, 274.3x365.7 cm., circa 1971-1972.

 

 

 

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