Rectangle fictif, Quiberon, décembre 2008.
"Cage fictive", photo avec alignement ambigu.
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FIN DES PHOTOS AVEC DES REFLETS ALIGNÉS

Certains reflets inversent l'ordre des plans, tels ceux, qui dans les vitrines ou les miroirs, renvoient l'image d'éléments situés dans le hors-champ (voir le Miroir de Tours), tandis que d'autres allongent le réel en prolongeant des tracés, des directions ou des plans (voir Les reflets de la B.N.F.). Avec cette image nous pouvons encore dire qu'un élément du réel est allongé en ce que le portique semble, avec son reflet, former un rectangle vertical illusoire. Pourtant, un autre phénomène travaille cette représentation photographique. Car, à croire ce reflet vertical, le sol, ou pour le moins les flaques, devraient elles-aussi se dresser vers le ciel. Nous avons donc là un aplatissement de la perception de l'espace. Il est vrai que d'autres pourront voir en ces flaques des trouées, qui, en donnant le sentiment de rejoindre la mer ou le ciel, percent le sol pour unir en un plan vertical continu le bleu sale des flaques au bleu éclatant du ciel. Mais, dans un cas comme dans l'autre, et dans tous ceux qui m'échappent et que je n'arrive pas à imaginer, nous en arrivons toujours à l'aplatissement déjà évoqué. Cet aplatissement relève d'un mécanisme plastique simple : l'alignement des poutres latérales et de leur reflet dans l'eau. Et, si un changement de point de vue, à savoir un pas à gauche ou à droite, suffit d'habitude à détruire l'équivoque d'un alignement, les reflets dans l'eau échappent à cette règle, qui reproduisent toujours fidèlement, en une symétrie parfaite et bornée, la direction des éléments qu'ils réfléchissent.

Il n'en reste pas moins que l'objet réel et son reflet ne se rejoignent pas. Ainsi, au-delà de l'alignement plastique à la matérialité bien réelle, puisqu'il suffit de placer une règle à la surface de la photographie pour le mettre en évidence, un autre mécanisme doit venir compléter la géométrie défaillante et incomplète du rectangle vertical. Ce mécanisme pourrait bien être la loi de colinéarité (ou de clôture, ou de fermeture, ou de bonne continuation). Cette loi définie par la Gestalt suppose que le système perceptif ne peut s'empêcher de relier des éléments qui, en dépit de leur éloignement, suivent une même direction ou orientation. Ce principe est, entre autres, à l'origine d'une catégorie bien particulière d'illusions : les figures fictives.
Bien que moins célèbre que le
Triangle de Kanizsa, le Carré de Schumann est pourtant la plus ancienne figure fictive connue. Un carré fictif s'impose à nous car nous relions la verticale des moitiés d'anneau avec la verticale du demi disque central faisant ainsi surgir les cotés d'un soi-disant carré. Alors même, qu'à respecter la matérialité de l'image, nous devrions voir ici quatre formes noires symétriques posées sur un fond blanc, lui-même encadré d'un bandeau noir.

 

Figure fictive, "Carré de Schumann", 1905.

 

Mais, force est de constater que les poutres de la photographie sont bien réelles et que leurs reflets dans l'eau, en tant qu'image dans l'image, possèdent une forme de matérialité. Ainsi, en quoi pouvons-nous parler de contours fictifs à propos de cette photographie ?
C'est qu'ayant été fasciné par les figures de
Gaetano Kanizsa, je m'étais empressé d'en dessiner des variantes. Parmi ces variantes, une série entretient un rapport particulier avec la photographie qui nous intéresse, série que j'ai été amené à qualifier de figures semi-fictives. Car, en ces dessins (voir l'exemple ci-dessous) nous retrouvons tout autant la présence d'éléments "réels" que leur illusoire continuité. À la manière des poutres et des reflets de la photographie que notre système perceptif ne peut s'empêcher de relier, nous imaginons là un carré continu de poutres malgré les blancs du papier. D'autres rapprochements peuvent encore être faits. Ainsi, tandis que les reflets projetés du portique sur le plan horizontal des flaques paraissent verticaux, certaines parties des poutres dessinées paraissent verticales alors même qu'elles émanent du sommet oblique et fuyant des deux volumes inférieurs.

 

Figures fictives, "Cadre fictif°5", pierre noire.

 

C'est en cela que nous avons là une photographie du réel qui relève des figures semi-fictives. C'est ainsi qu'une image plane, quasi abstraite et en partie hallucinée, peut être perçue dans le réel, comme si notre vision du monde était tout aussi hallucinatoire que celle des images. Ce qu'il en est !

 

N.B.
Au sujet des figures fictives voir le site :
http://figuresfictives.free.fr

 

 

 

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