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"L'alignement par entourage, page 1"

 


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Juin 2017

 

PETITS RAPPELS DE CERTAINS FAITS

L’alignement par entourage représente une nouvelle catégorie de l’alignement équivoque. La classification des figures impossibles et ambiguës comptait déjà trois sous catégories : l’alignement continu, l’alignement discontinu et l’alignement parallèle.
L'alignement continu donne à voir des figures qui paraissent, au premier abord, impossibles. Ainsi, l'alignement sur une même horizontale des bords supérieurs de cette
Monopoutre peut faire croire à un aplatissement total de son volume. Mais une découpe biaisée de sa section pourrait, perçu sous un angle précis, donner lieu à ce croquis. Ici, l'alignement continu modifie l'orientation apparente des plans et tend à aplatir la profondeur de l'espace ou la masse des volumes.
 

Figure impossible : "Monopoutre Aplatie", dessin.
 

L'alignement discontinu pose sur une même trajectoire des tracés qui peuvent être distants. Le Trio présenté ici peut être perçu de deux manières différentes. La vision la plus vraisemblable mais pas la plus évidente nous incite à voir un bloc central posé en arrière des blocs latéraux. La vision moins réaliste, confortée par l'alignement des sommets des blocs, nous incite à croire que les trois volumes sont à une même distance et que le bloc central lévite entre les deux blocs latéraux.
Si cet alignement ne modifie pas l'orientation des plans, il n'en perturbe pas moins leur échelonnement et tend à aplatir l'espace de l'image.
 

"Trio", figure ambigue avec alignement équivoque.


L'alignement parallèle, tel que croqué ici avec le
Trapèze, veut que des lignes qui paraissent parallèles à la surface de l'image n'en possèdent pas moins des orientations différentes. Ainsi, le parallélisme des bords latéraux du bloc central avec les bords des deux autres volumes nous incite à le redresser à la verticale.
Ici encore, l'alignement modifie l'orientation des plans tout en réduisant la profondeur de l'espace.
 

"Trapèze", figure ambigue à alignement équivoque.
 

Avec la nouvelle catégorie de l'alignement entourant nous n’aurons plus de continuités ou de discontinuités illusoires de trajectoires. Le rapprochement de plans éloignés se fait par un effet de cadrage. Ainsi, un détail encadré dans l’image vient se placer sur le même plan que son entourage illusoire. Les deux surfaces, les deux plans distants, se retrouvent à un même échelonnement à la manière d’une photo, qui étant encadrée, peut sembler aplatie par son cadre. En cela, cette sous catégorie ne fait que poursuivre et amplifier le principe de l’alignement parallèle. Ce que nous allons voir en étudiant une première photographie.

 

A. LES MOYENS PLASTIQUES DE L'ALIGNEMENT PAR ENTOURAGE

1. L'ALIGNEMENT PAR ENTOURAGE AVEC ENCADREMENT

Le Phare Encadré, photo trouvée sur Flickr, est un mauvais exemple d’alignement par entourage car cela pourrait représenter le contact équivoque de deux éléments éloignés. Deux plans, celui du cadre de la fenêtre et celui du paysage, bien que distants, semblent entrer en contact pour amener la totalité du paysage au niveau du cadre. L’effet cadre aurait-il aussi bien fonctionné si la photo avait été prise de trois-quart ou si le paysage n’avait pas été aussi frontal ?
 

Photographie avec un échelonnement équivoque.
 

Sans doute, mais un autre élément entre en jeu. Un effet dépravé de la figure et du fond veut que ce qui constituait le fond de l’image, les plans les plus éloignés, s’avance au niveau de la figure. Ceci ayant déjà été étudié dans l’article consacré à La ségrégation de la figure et du fond, prenons une autre photo où les plans ne sont pas aussi tranchés.

 

L'Arbre cadré. Avec cette photo personnelle, les deux plans semblent tout autant en contact qu’avec la photo du phare. Pourtant, nous avions avec le Phare deux plans frontaux, alors qu’ici une forte perspective, exprimée par la fuyante du mur gris qui s’éloigne, s’oppose à la frontalité du cadre. Malgré cela, tout peut sembler aplati. La bordure marron transforme la profondeur réelle de la vue qu’elle contient en profondeur représentée, à la manière d'une photo placée dans un cadre.
 

Photo ambiguë : "Arbre Cadré".
 

Fenêtre en Abyme. Avec cette autre photo personnelle, nous avons un double cadrage, une mise en abyme, qui fait avancer le rectangle clair central à l’intérieur de la pièce. L’espace entre le premier bâtiment et le second, perçu à travers la deuxième ouverture, est annulé. Mais, encore une fois, cela ne vient pas tant du cadre que d’un phénomène abordé lors d’un article sur La ségrégation de la figure et du fond : le petit rectangle en arrive à faire figure car sa clarté le fait surgir d'un encadrement foncé.
 

Photo équivoque : "Fenêtre en Abyme".
 

Aurions-nous là une influence néfaste pour notre vision de cadres, que nous connaissons tous, ceux de la peinture et de la photo ? Ou bien encore, serait-il possible que ces cadres encore plus anciens que sont les ouvertures des portes et des fenêtres viennent perturber notre perception de l'échelonnement des plans. Cela est peu probable car nous allons voir que des photos présentant des formes cadrantes non rectangulaires et ouvertes en arrivent au même résultat que ces photos aux cadres encadrants.
 

2. L'ALIGNEMENT PAR ENTOURAGE AVEC CONTIGUÏTÉ

L'encerclé présente une boite verte qui paraît au premier regard entourée d'un cercle métallique. Si nous retrouvons ici un élément encadrant entourant un élément encadré, de notables différences distinguent cette image des précédentes. Ce n'est pas tant que l'élément encadrant soit circulaire, nous verrons que toute forme géométrique fermée ou même semi-ouverte en arriverait au même résultat.
Le problème est que nous avons là une contiguïté apparente des deux formes. Là, le rond métallique pourrait très bien cercler la boite verte. Il faut aller observer la disposition spatiale des deux barres qui tiennent ce cercle pour se convaincre du contraire. Ou alors, plus simplement et comme dans la photo qui suit, se déplacer quelque peu, afin d'obtenir un nouveau point de vue qui révèlera les véritables relations spatiales de ces éléments.
 

Photo : "Encerclement, 1".


En cette photo, la contiguïté apparente est sans doute plus forte que l'alignement par entourage. Il est vrai que nombre de dessins présentés sur le site associent contact et alignement équivoques pour en arriver à aplatir l'espace de l'image. Mais cela ne nous aide guère quant au fait de savoir si l'alignement par entourage peut-être considéré comme une sous-catégorie acceptable de l'alignement ambigu. Imaginons alors une autre photo où la boite verte serait encadrée sans qu'il y ait le moindre contact équivoque avec un cercle plus large. Nous devinons que la boite viendrait illusoirement se placer à la même distance que le cercle métallique. C'est une photo qu'il aurait été possible de prendre dans cet environnement réel, photo que je n'ai malheureusement pas prise.
 

"Encerclement, 2", photo à contiguïté équivoque.
 

La Maison aux colonnes offre un entourage sensiblement différent. Ici, nous avons encore une contiguïté équivoque. À partir de ce point de vue, la maison semble posée sur un socle délimité à gauche et à droite par des colonnes. Ce changement d'échelonnement, et, en cela, de taille apparente, la transforme en maquette pour touristes pompéiens ou en sculpture votive que des adorateurs auraient placé à l'intérieur d'une cella.
Malheureusement cette description est fausse. Nous avons au tout premier plan un mur de briques. Les colonnes sont, au second plan, en arrière de ce mur, enfermée dans une pièce qui, au troisième plan, montre des pans de mur gris. Mais ces trois plans ne semblent plus faire qu'un en raison de nombreux alignements et contiguïtés illusoires qui les réunissent. Ainsi tandis que le sommet des deux murs s'aligne sur une même horizontale, la colonne gauche semble surgir d'un pilastre de briques. En cela, bien que dispersés dans le réel, ces plans échelonnés dans l'espace peuvent donner l'illusion d'une forme en U, unique et continue.
 

"Maison aux colonnes", photo avec contiguïté équivoque.
 

Par les effets conjoints de la contiguïté illusoire, qui procure un socle fictif à la maison, et de l'alignement par entourage des colonnes, l'échelonnement réel des plans est faussé et l'espace de la photographie s'en retrouve aplati. Ainsi, cette forme qui, n'étant plus rectangulaire, ne peut prétendre au rôle de cadre, en arrive encore à faire avancer l'élément lointain, la maison, jusqu'aux premiers plans. En cela, à la différence des photos précédentes, nous voyons que l'alignement par entourage ne nécessite pas un cadre fermé.
Passons maintenant à des images qui, bien que délaissant tout autant les contiguïtés équivoques que les formes fermées, persistent cependant à rendre proche le lointain.
 

3. LE VÉRITABLE ALIGNEMENT PAR ENTOURAGE

Avec le Cercle blanc, nous avons une seconde photo où un cercle vient encadrer une forme centrale. Mais, bien des différences la séparent de L'encerclé. En premier lieu, la forme cadrante n'est plus fermée. En second lieu, nous n'avons plus aucun contact équivoque entre l'élément cadrant et l'élément encadré. Enfin la distance entre les deux éléments, de plusieurs dizaines de mètres, est importante. Malgré tout cela, la forme arrondie semble pourtant venir au premier plan entourer la sphère afin de l'auréoler.
Ici, bien que ne relevant pas d'un parallélisme rigoureux, un entourage procédant par simple similitude formelle (la sphère et le cercle) permet de faire avancer le cercle au premier plan. Il est vrai que la réalité du contact au sol du cercle était déjà fragilisée par sa position sur une ligne séparant l'ombre de la lumière.
 

"Cercle blanc", photo avec alignement entourant.

 

Malgré l'absence de repères formels et spatiaux précis, tout touriste connaissant la statue de la Liberté, et donc sa taille, n'accepterait de la voir enserrée entre le pont supérieur d'un ferry et sa cheminée. C'est pourtant le sentiment que nous pouvons ressentir en regardant cette photo. Et ce n'est pas une possible contiguïté plastique du socle de la statue et du ferry qui peut nous inciter à éprouver ce sentiment. Ici, le recouvrement des plans est net et le contraste des valeurs tendrait plutôt à éloigner ces deux plans. Il faut donc nous tourner vers l'alignement pour expliquer cette situation. La forme en V de la statue répond à la forme en V de l'élément entourant (la cheminée et le pont du ferry). Ce parallélisme des formes donne alors lieu à un alignement par entourage : deux V s'encadrent et se rapprochent.
 

"Liberté à la Cheminée", photo avec alignement entourant.


Cet exemple montre que le cadre peut-être des plus sommaires pour en arriver à l'aplatissement de l'espace qu'induit habituellement l'alignement équivoque. Voyons cela avec une dernière photo.
 

Avec la Vierge au linge, nous croyons que la Vierge est bien loin de l'homme au linge, alors que ces deux personnages de fiction se situent, plus ou moins, à une même distance, comme vous pourrez le constater en regardant la photo suivante. L'écart entre la distance perçue et la distance réelle est tel que nous devons essayer d'en trouver l'origine plastique.
En premier lieu, certains pencheront pour accuser la différence de taille. Il est vrai que la minceur du Christ fait pâle figure face à la corpulence de l'homme au linge. Cet élément, qui peut donc être à juste titre un facteur de la disparité apparente de l'échelonnement des personnages me semble pourtant insuffisant.
En second lieu, nous devons parler des valeurs qui, du mur foncé à droite situé au premier plan à la clarté du mur le plus éloigné à gauche, entretiennent, grâce à la perspective aérienne, une profondeur logique où la Vierge se voit repoussée dans les lointains. Mais, quant à moi, je persiste à voir encore en cette image le rôle d'éléments entourants.
 

"Vierge au Linge, 2", Photo avec alignement équivoque.
 

Avec la première photo, un cadre semble se dessiner grâce aux deux bordures verticales et parallèles qui enferment l'homme au linge. Malgré le recouvrement du pantalon, les deux montants verticaux attirent l'homme à l'intérieur d'un cadre frontal proche, tandis que la Vierge se voit enchâssée dans une succession de montants fuyants qui l'éloignent de nous. De même, le bord gauche de la photo, à la différence du bord droit, ne fait pas cadre. Trop clair et trop fuyant, il laisse encore croire à une Vierge lointaine.
 

"Vierge au Linge, 1", Photo avec alignement équivoque.
 

Après l'alignement par entourage des photographies du réel, nous allons, avec la page suivante, aborder des dessins qui se servent de l'alignement entourant pour modifier illusoirement l'échelonnement des plans dans la profondeur de l'espace représenté.

 

PAGE SUIVANTE : Dessin et alignement équivoque par entourage.

 

WEBOGRAPHIE
https://www.flickr.com/photos/ken0849/13608804973/
Le Phare.
https://www.instagram.com/denischerim/
Un photographe qui travaille l'espace de la représentation en usant souvent d'alignements par entourage.

 

 

 

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