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"DÉNIVELÉS ET DÉCLIVITÉS" |
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Avril 2012 La manière dont les artistes représentent les dénivelés m'a toujours fasciné. L'art du dénivelé est un art en soi, en ce que les règles classiques de la perspective y sont rarement opérantes. Autant il est facile de représenter une montée ou une descente en plaçant le point de fuite situé au-dessus de la ligne d'horizon pour la déclivité descendante située au premier plan (point rouge) et en-dessous de cette même ligne d'horizon pour la déclivité montante qui la prolonge (point jaune dans le ciel), autant, l'absence possible d'une délimitation claire de ces plans inclinés, et, en cela, l'absence de lignes fuyantes, rend la tâche ardue.
DÉNIVELÉS MARINS À plusieurs reprises, Marquet s'est donc essayé à l'art ardu de la déclivité. Son goût pour les plages, dont la pente ne peut que descendre vers le niveau ultime de la mer, l'a amené à employer des moyens particuliers, dont l'efficacité s'apparente parfois à un poing reçu en pleine figure.
Déplaçons alors notre regard et comparons ce qui est comparable. Deux autres promeneurs semblent tout autant déambuler le long de la mer que longer le bord de la toile. Leur point de contact au sol est situé légèrement au-dessus des fesses du marin en contact avec le muret. Comment ces deux groupes humains peuvent-ils donner lieu à un tel écart de taille, alors que leur position au sol les aligne, plus ou moins, sur une même horizontale censée indiquer un échelonnement en profondeur quasi identique ? En l'absence d'un échelonnement marqué dans la profondeur de l'espace, nous devons supposer un échelonnement dans sa hauteur. C'est ainsi que deux marins, situés sur une promenade dominant la mer, contemplent des homoncules déambulant sur la plage située en contrebas. Que le contrebas était alors bas. CROQUIS DE DÉNIVELÉS La page 72 du Carnet 1988-1989 offre quatre croquis pour lesquels vous devriez pouvoir résoudre les incohérences apparentes de taille. Alors que tous ces personnages ont les pieds alignés sur une même ligne horizontale, ligne censée les situer à une profondeur commune, leurs tailles diffèrent. Quelles peuvent en être les déraisonnables raisons ?
1. Le croquis supérieur gauche nous dit que le personnage situé sur le monticule est à peu près de la même taille que le personnage central. Sa position en hauteur lui confère une taille démesurée par rapport au personnage situé à gauche. La page 20 du Carnet 2003-2005 présente quatre croquis dont vous devriez pouvoir résoudre les incohérences apparentes de taille. Alors que tous ces personnages sont, plus ou moins, situés à l'intérieur d'un même registre horizontal de l'image, registre censé les situer à une profondeur commune, leurs tailles diffèrent tout autant que celles qui opposaient les marins aux promeneurs de la Plage de Fécamp. Quelles peuvent en être les déraisonnables raisons ?
1. Le croquis supérieur gauche montre deux personnages assis sur une terrasse. Ils ont une vue plongeante sur une place piétonne de même que nous avons une vue plongeante sur eux. Leur position en hauteur, proche de nous, leur confère une taille démesurée par rapport aux piétons. DÉNIVELÉS CHAMPêTRES Les Chasseurs dans la neige de Pieter Brueghel m'ont toujours fasciné. Non pas tant par la mélancolie qui se dégage de cette oeuvre, ni, non plus, en raison du réalisme moyenâgeux et hivernal, ni pour l'harmonie colorée ou le jeu des grandes diagonales qui organisent l'image, mais simplement parce que je me suis toujours demandé où pouvaient bien aller ces chasseurs. Ces chasseurs se dirigent vers la mort. Les commentateurs ont noté depuis longtemps la fatigue des hommes, la maigreur des chiens et la rareté du gibier : un lièvre pour trois hommes et quatorze canidés. La mort ici est à droite. Résignés, les chasseurs s'éloignent de la fournaise d'un bûcher de Saint-Jean hivernal et des rares cheminées qui fument pour aller vers des maisons, qui, pour être dépourvues de feu, se voient décorées d'innombrables stalactites. Mais, surtout, surtout, ils ont encore à franchir cette ligne de crête, qui s'apparente plus à un précipice qu'à un sentier de chasse, dernière étape d'une journée qui pourrait les conduire à leur demeure, leur possible dernière demeure. Seul à mi-pente, quelqu'un, dont on ne sait comment il est arrivé là, perché dans un arbuste, casse des brindilles, tandis qu'encore plus bas, sur la glace, une fille en traîne une autre sur un traîneau improvisé.
Cette pente, donc, est immense. Mais, pour en juger, vous ne devez pas comparer les chasseurs aux patineurs, joueurs de toupie et amateurs de curling. Car, à masquer de la main le triangle inférieur droit et ses rares maisons, le reste du paysage, bien que dilaté par une perspective accélérée, semble redevenir plat. La chute à venir provient donc de ce petit coin glacé de paysage et cela pour différentes raisons. C'est tout d'abord ici que nous avons la plongée la plus accentuée sur la plaine. Nous devons baisser les yeux vers des toits de neige, qui, vus sous cet angle, en arrivent à masquer les murs des habitations Mais, le pire est à venir avec la position des personnages dans la hauteur de la toile. Les pieds des chasseurs arrivent au-dessus des trois petits personnages précités de l'enfer glacé, comme si, prolongeant une trajectoire pour lors horizontale, ils allaient écraser ces nains qu'ils dominent de toutes parts et de toutes manières. Car cette position dominante dans la hauteur de l'image devrait signifier un éloignement plus important dans la profondeur de l'espace. Ce que le regardeur refusera d'emblée, préférant sans réfléchir, mais à juste titre, considérer la diminution de taille des trois nains comme indice d'un éloignement dans la hauteur de l'espace. AUTRES CROQUIS DE DÉNIVELÉS Si vous avez bien écouté, vous devriez pouvoir résoudre les incohérences apparentes de taille des quatre croquis de la page 77 du Carnet 1986-1987. Alors que tous ces blocs sont, plus ou min, situés à l'intérieur d'un même registre horizontal de l'image, registre censé les situer à une profondeur commune, leurs tailles diffèrent tout autant que celles qui opposent les chasseurs aux trois personnages de l'enfer brueghelien.
1. Les deux croquis gauches semblent évoquer une problématique de la ligne d'horizon que j'ai oubliée mais qu'il est facile de retrouver. Les toiles précédentes montrent que tout dénivelé nécessite une vue plongeante sur le monde. Placer la ligne d'horizon dans la partie supérieure de l'image permet d'accorder une importance telle au sol, que ce dernier pourra tout autant donner le sentiment de son rabattement à la verticale que d'une vue plongeante que nous aurions sur lui. Ainsi, bien qu'un même point de vue soit porté sur ces blocs aux tailles identiques, le croquis supérieur offre un dénivelé apparent plus important. en raison de la position haute de la ligne d'horizon.
Si vous avez bien écouté, vous devriez pouvoir résoudre les incohérences apparentes de taille des quatre croquis de la page 31 du Carnet 2007-2008. Alors que tous ces blocs sont, plus ou min, situés à l'intérieur d'un même registre horizontal de l'image, registre censé les situer à une profondeur commune, leurs tailles diffèrent de manière déraisonnable. Saurez-vous en trouver la juste raison ?
1. Le croquis supérieur gauche n'arrive pas à exprimer la descente qu'il est censé représenter. Nous avons au mieux une vue plongeante, presque d'avion, sur des blocs dont la taille diminue en raison de l'éloignement. Manque donc ici les indices plastiques qui permettraient d'imaginer un plan incliné, là où tout n'est que vide et blanc. C'est ainsi que nous allons aborder avec la page suivante, de véritables et célèbres plongées d'où le ciel est absent. PAGE PRÉCÉDENTE Une illusion de diminution de taille photographiée dans le réel
WEBOGRAPHIE
D'AUTRES CROQUIS ET DESSINS PERSONNELS COMPORTANT DES DIMINUTIONS AMBIGUES
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