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"Ralentissements archaïques de la peinture" |
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Février 2013 LA PERSPECTIVE RALENTIE ET LA PEINTURE ARCHAÏQUE LES MOYENS ARCHAÏQUES DU RALENTISSEMENT 1. DU RABATTEMENT De tous temps, les enfants ont été des artistes archaïques. Ils rabattent tout : les chaises, les tables; les lits; les arbres et surtout les sols. Ici, ce sont des lits, y compris dans la pièce située à gauche qui, rabattus, laissent voir la totalité de leur occupant. Mais, pour voir les deux grands lits aux endormis, il faut surtout que le sol soit rabattu à la verticale, qu'il devienne le mur sur lequel vont être punaisés personnages et objets.
Mais me direz-vous, en quoi avons-nous là un ralentissement de l'espace ? En ce que la profondeur de l'espace s'étend du bas vers le haut sur la platitude du support, en ce que la profondeur du monde devient la hauteur du dessin. Ici, les éléments s'éloignent en fonction de leur hauteur dans la feuille. Ce principe pourrait être absurde si il ne l'était pas moins que les recouvrements qui nous cachent tant de choses, les raccourcis qui déforment tout et la diminution de taille au fur et à mesure de l'éloignement qui est une illusion si prégnante, si habituelle, si répandue, que nous ne voulons pas la reconnaître comme telle 2. DE L'ÉTAGEMENT Très souvent, pour ne pas dire toujours, le rabattement du sol entraîne l'étagement des éléments qui y sont disposés. Mais cet étagement peut tout autant exprimer la recherche de la profondeur que son refus. Commençons par la recherche d'un espace tout autant archaïque que décoratif.
L'icône ne cherche pas à représenter le réel mais le divin. En cela, l'icône refuse la profondeur de l'espace terrestre. Ainsi, bien que nous ayons là trois registres étagés les uns au-dessus des autres, ici, à la différence des miniatures persanes, aucune profondeur n'est recherchée.
Avec l'icône, tout est symbole. Et, bien que s'étageant de la terre au ciel, l'image ne recherche aucun espace terrestre. Il n'en reste pas moins que tant le croyant que le plasticien voient là une verticalité. Cette verticalité pourra tout autant être comprise comme un cheminement spirituel par le premier que comme un espace plan et vertical, une surface frontale, par le second. 3. DE LA FAUSSE DIMINUTION Si le rabattement entraîne l'étagement, l'étagement entraîne, bien souvent, la fausse diminution de taille. Ainsi, à la manière de la miniature moghole et de l'icône russe, les personnages de cette miniature ottomane ne paraissent guère diminuer au fur et à mesure de leur progression dans la hauteur du feuillet. Bien au contraire, les assiégés des remparts semblent plus importants que les deux personnages conversant au premier plan. Cette situation peut s'expliquer par le contexte. Tandis que les bulgares sont nichés à l'intérieur de remparts minuscules, le couple ottoman est situé en avant d'une tente à la taille raisonnable. Quoiqu'il en soit, en ces trois dernières images, l'absence de diminution de taille participe, tout comme le rabattement su sol et l'étagement des personnages, au ralentissement de l'espace.
Ces refus répétés de la diminution de taille, à des époques différentes et en des cultures étrangères l'une à l'autre, ne peuvent être considérés comme des maladresses. Bien au contraire, en chacune de ces images un espace cohérent et signifiant a été mis en place. Si ce n'est que cette espace ne correspond pas à la vision humaine à laquelle nous sommes si attachés alors même qu'elle déforme le réel. Les humains ne diminuent pas de taille en s'éloignant de nous, ni les constructions, ni les arbres, ni la terre. Il faut donc une grande force d'âme pour résister aux diminutions illusoires que nos yeux nous imposent chaque jour (ci-dessous à droite), diminutions qu'il serait si facile d'imiter avec quelques lignes verticales (ci-dessous à gauche). Si les gradients de densité présentés ci-dessous suffisent par leur diminution à exprimer une profondeur intense, cette profondeur se contente de reproduire notre vision illusoire du réel. En cela, ce que nous appelons ici ralentissement de l'espace est souvent plus à même de rendre la réalité du monde.
4. DU FAUX RECOUVREMENT Le recouvrement fait lui aussi partie des moyens archaïques de représentation de la profondeur. Avec le détail de cette plaque funéraire grecque, le recouvrement partiel du lit du défunt par le corps du personnage féminin suffit à nous signifier qu'il est en avant. Ici, nul besoin de la surface du sol pour étager les objets et les personnes, une simple ligne de sol suffit. Pourtant, bien que nécessaire et inévitable en toute image à prétention figurative, le recouvrement a connu moins de succès que la diminution. Car si le recouvrement donne bien l'ordre des plans, il ne permet pas de juger de leur distance, à savoir de l'écart qui les sépare. Cette femme est-elle un mètre en avant du lit ou touche-t-elle le défunt ? Nous ne la savons pas. Pour cela, nous avons besoin d'un sol en lieu et place d'une ligne de sol. La position de la base des éléments dans la hauteur de l'image permettant de juger tant de leur éloignement que de leurs écarts réciproques.
Mais, de ce fait, le ralentissement de l'espace est sans doute plus marqué avec un simple recouvrement. Ici tout semble aplati, conjoint et collé. Ainsi la représentation de la surface d'un sol, même archaïque, suffirait à exprimer un espace déjà conséquent, fut-il vertical. 5. DE LA VUE PLONGEANTE Avec les vues plongeantes, nous délaissons les moyens archaïques du réalisme intellectuel pour nous rapprocher peu à peu du réalisme visuel. Certains pourraient pourtant ne voir dans l'image présentée ci-dessous qu'un rabattement du sol à la verticale. Comment distinguer la vue plongeante du rabattement ? Ce détail d'un rouleau japonais du XIIème siècle utilise une perspective isométrique. Cette perspective, comme toute perspective parallèle, ordonne l'espace tout en nous attribuant une place. Cette place, située en hauteur, domine une scène qui, en général, méconnaît le ciel et la ligne d'horizon. Nous passons ainsi dans le camp d'une représentation classique de la profondeur en ce que la plupart des vues plongeantes nécessitent l'utilisation d'une perspective.
Mais alors qu'en est-il du ralentissement de l'espace ? Par principe et grâce au parallélisme des lignes fuyantes, les perspectives parallèles conservent des tailles constantes aux objets. En cela, l'éloignement ne relève pas tant de la diminution de taille des perspectives fuyantes que de l'étagement dans la hauteur de l'image. C'est ainsi que nous sommes à mi chemin d'un rabattement vertical et d'une perspective fuyante vue à hauteur d'homme. D'un coté, nous avons l'espace cohérent et unifié de tout perspective, tandis que de l'autre coté, la vue plongeante peut évoquer un plan légèrement montant. Est-ce nous qui sommes en hauteur et regardons vers le bas ou le sol qui, par le jeu des obliques, s'élève régulièrement. ? Pourquoi avoir passé tant de temps à parler de ces espaces ralentis qu'un enfant utilise intuitivement et qui, en cela, ne relèvent pas de la perspective ralentie, ce système mathématique apte à réguler de façon parfaite le ralentissement de l'espace réel d'une architecture ou illusoire de la peinture ? C'est, qu'à mon plus grand étonnement, je n'ai, pour lors, pas réussi à trouver d'exemple pictural d'une utilisation délibérée et maîtrisée de la perspective ralentie. Hormis les anamorphoses classiques, les images présentées dans la page suivante ralentissent l'espace de la représentation classique en privilégiant les moyens archaïques que nous venons d'énumérer. PAGE PRÉCÉDENTE : Perspective ralentie et architecture
WEBOGRAPHIE GÉNÉRAL ICONOGRAPHIE Groupe de Burgon (attribué au),
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