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AVERTISSEMENT
Pour passer d’une rive à l’autre, la gravure de William Hogarth nous demande d'emprunter un pont, centre géométrique tout autant que névralgique du paysage parcouru. Ce pont est doublement présent, comme trait d’union et comme séparateur. D’un côté, il sépare en marquant la frontière entre le plan incliné de l’océan et le plan horizontal de la rivière, tandis que de l'autre, il réunit les berges du fleuve. Pourtant, malgré toute notre bonne volonté, nul ne peut affirmer la fonction de ce pont à la douteuse direction. Car si l'ensemble de l'édifice nous fait bien face, la base de la pile centrale s'avère plus éloignée que celle de la culée gauche. Ainsi, nous hésitons entre le trajet que nous sommes tentés de lui prêter pour qu’il accomplisse sa fonction de lien, et celui qu’il semble suivre de manière absurde dans la gravure. La connaissance que nous avons des ponts entre alors en conflit avec la réalité plastique de l'image qui nous est proposée. Poursuivons l’analyse de ce détail que nous appellerons le Pont de Hogarth. Par certains côtés le Pont semble s’approcher de nous, par d’autres il s’en éloigne. Il s’approche quand il laisse apercevoir l’épaisseur gauche de ses arches, et que le chariot, qui emprunte sa chaussée, par la disposition de ses roues et la direction de ses essieux, se porte à notre rencontre. Mais cette vision là n’a rien d’anormal, si l’on considère que le point de fuite principal de l’image est situé sur la ligne de vision dans la partie droite de l’image. Ainsi, le Pont ne s’approcherait pas de nous, il serait simplement situé dans un plan frontal, ou légèrement fuyant, et nous serions placés à sa droite. Voyons maintenant l’autre versant de l’alternative : le Pont s’éloigne de nous. Cette affirmation, qui paraît correcte quand il s’agit d’imaginer le trajet normal d’une construction ayant pour but de relier ces deux berges, devient difficile à soutenir lorsqu’on s’évertue à rechercher des indices pour la conforter. Pourtant, un détail nous y invite. La pile centrale s’éloigne de nous, car son point de contact avec l’eau est plus haut dans la feuille que celui de la culée gauche. Mais, si cette pile s’éloigne, l’ensemble de la construction devrait en faire autant, et nous ne devrions pas voir l’épaisseur gauche des voûtes. Ainsi, l’erreur de perspective est patente : un cube placé à notre droite ne peut nous montrer son côté droit lorsqu’il s’éloigne vers la droite. Ce Pont qui ne peut ni s’éloigner, ni s’approcher, est donc foncièrement ambigu pour ne pas dire impossible. Pourtant, à l’intérieur de cette indécidabilité visuelle d’interprétation, quelque chose nous échappe, qui relève sans doute du niveau plastique. Reprenons l’hypothèse du Pont qui s’éloigne du point de vue de la perspective. Parce que nous n’en voyons pas le tablier, son sommet doit être situé à hauteur de notre regard. À cause de cette coïncidence, le Pont semble donc nous faire face. Mais, à la base, l’étagement de la pile centrale au dessus de la culée nous fait supposer que toute la construction s’éloigne de nous. Malheureusement, pour plausible qu’elle est, cette hypothèse n’obéit pas aux tracés les plus élémentaires de la perspective. En posant une règle sur la gravure, nous voyons que la base de la pile centrale ne prolonge pas la ligne de base de la culée gauche. Alors, que nous devrions avoir une fuyante rectiligne qui s’élève, nous obtenons une ligne brisée qui progresse par paliers. Le Pont ajoute ainsi une ambiguïté supplémentaire à la contradiction des points de vue qui relève du niveau visuel. Le système de la représentation de l’espace de cette construction mélange de manière incohérente des notions propres à l’étagement d’une part et à la perspective fuyante d’autre part. Nous en arrivons ainsi au niveau plastique. Si le premier niveau, qualifié de sémantique (savoir si cette construction avait vraiment pour fonction de relier les deux rives), s’intéressait au sens que nous donnons aux choses, le deuxième, annoncé comme visuel, s’occupait de la vision que nous en avons (en déterminant si le Pont se rapproche ou s’éloigne de nous). Le troisième, qui nous retient ici, pourrait être qualifié de plastique en ce qu’il nous demande de définir le système de représentation qui va nous permettre tout à la fois d’offrir à la vue et de donner du sens à tout cela. Pour l’instant, malgré toutes nos hypothèses, nous ne sommes donc pas en mesure de déterminer si ce Pont fait partie de la catégorie des faux recouvrements ou de celle des fausses diminutions. D’un côté, nous avons une fausse diminution qui voit un Pont, situé dans un plan frontal, nous montrer des piles diminuer de taille (alors que celle-ci devrait rester constante). Et de l’autre, nous sommes en présence d’un faux recouvrement qui nous présente des piles que l’eau submerge de manière croissante. Nous en resterons là, car, dans l’état actuel de nos modèles d’analyse, rien ne permet de lever cette ambiguïté constituée de deux impossibilités, aussi crédibles l’une que l’autre.
NOTA BENE
ADDENDUM 1
ICONOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE
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