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"Du contact parallèle illusoire en photographie"

 


PLANSITE------SITEMAP-----

 

Octobre 2020

INTRODUCTION

Les trois principes plastiques permettant de produire des ambiguïtés spatiales, superposition, contact et alignement, ne sont pas confinés aux images des livres d'illusions d'optique. C'est ainsi que des photos comprenant des ambiguïtés de contact peuvent être assez facilement trouvées dans le réel (voir la Liste de photos avec des contiguïtés équivoques). Mais la sous- catégorie du contact parallèle est une situation plus rare, qu'il est beaucoup plus difficile de trouver dans la réalité.
Ainsi, après avoir défini le principe du contact parallèle grâce à deux dessins, vous pourrez observer le même phénomène à l'oeuvre dans des photographies du monde réel.

LE CONTACT PARALLÈLE ILLUSOIRE EN DESSIN

Le dessin présenté ci-dessous vous permettra de comprendre le principe de la contiguïté équivoque parallèle. Nous avons là deux rangées de blocs. Les sommets de la rangée inférieure semblent entrer en contact avec la base des blocs de la rangée supérieure. Pourtant, ces contiguïtés paraissent bien fragiles, eu égard aux masses supposées des volumes. Ainsi, à suivre l'interprétation la plus logique, tous les volumes devraient être posés au sol, et les contacts des différents volumes à la surface du papier ne seraient que le résultat d'une coïncidence résultant d'un angle de vision particulier sur une disposition mûrement réfléchie. À prendre par exemple, les blocs de la rangée inférieure, personne n'imagine que leurs arêtes verticales entrent en contact. Étonnamment, ce n'est pas le cas pour les arêtes horizontales des sommets et des bases des deux rangées déjà citées.
Ainsi, alors que ces deux rangées forment dans un réel probable un angle de 90° (la rangée inférieure fuyant vers la droite tandis que le rangée supérieure s'éloigne de nous vers la gauche), nous imaginons qu'elles suivent une seule et même direction. En cela, nous avons le sentiment que ces deux trajectoires se trouvent sur une même tracé à la surface du papier pour esquisser une fuite parallèle de leur orientation respective dans l'espace. Ici, deux directions différentes se mêlent et se confondent à l'intérieur d'un seul tracé, ces deux directions entrent en contact pour aboutir à une contiguïté parallèle illusoire.

 

Dessin 17b du carnet 1995-2002.

 

Je vois ainsi deux rangées, qui traversent l'image dans une semblante même direction. En dépit de la ténuité des contacts entre les rangées, suivent un destin commun, réunies à l'intérieur d'un même plan fuyant. En passant de blocs situés dans deux plans perpendiculaires à des volumes réunis dans un plan unique fuyant vers la droite, nous observons un aplatissement partiel de l'espace.

 

Avec cet autre dessin, l'orthogonalité des rangées me semble l'emporter sur leur réunion à l'intérieur d'un plan commun. Il est vrai que la présence de la poutre fuyante est telle que nous ne pouvons réellement l'imaginer en contact avec les blocs verticaux. Son unité, sa longueur et surtout les lois de la perspective veulent qu'elle ne puisse être associée au plan des blocs alignés quasi frontalement. Pourtant cette réunion ne serait pas impossible à construire. En l'absence de contact au sol, la poutre pourrait porter dans les airs des blocs qui s'agrandiraient au fur et à mesure de leur éloignement de telle manière que leur base semblerait s'aligner sur un même tracé.
Ainsi, pour ceux qui arrivent à imaginer ces contiguïtés improbables, l'espace serait encore aplati : en lieu et place de deux orientations orthogonales, cette construction offrirait un plan de fuite unique à l'ensemble des volumes.

 

Dessin 50d du carnet 1993-1995.

 

Nous allons poursuivre avec des photos qui jouent de cette contiguïté équivoque des orientations. La sous-catégorie du contact équivoque parallèle n'apparaissait pas dans la Classification toujours perfectible des ambiguïtés et impossibilités spatiales. À l'époque, une contiguïté équivoque ne remettait en cause que l'échelonnement des plans et des volumes dans l'espace. Ainsi, aucune figure par orientation ambiguë n'apparaît dans la colonne Contact de surfaces de la classification. De même, parmi les trois tableaux de croquis présentant des ambiguïtés de contact (tableau 27, tableau 28, tableau 29), seuls des croquis aux échelonnements incertains étaient proposés.

DES CONTACTS PARALLÈLES ILLUSOIRES SITUÉS DANS DES PLANS À 90°

En cette photo, vous aurez à comparer la trajectoire des sommets blancs des potelets avec celle de la bande grise située à la base du mur. Alors que la bande grise s'éloigne vers la gauche, les potelets se dirigent vers un portail situé dans le hors-champ droit de l'image. Nul besoin d'être géomètre pour comprendre que ces deux directions forment un angle de 90°. Pourtant, si vous masquez le tiers inférieur de l'image, afin de cacher la position au sol des potelets, vous pourrez être amenés à croire que ces boules blanches suivent la bande grise du mur fuyant vers la gauche.
Il est ainsi possible de voir la rencontre du sommet des poteaux et de la bande grise comme un contact équivoque. Le sommet blanc des potelets paraissant alors posé sur la crête de la bande du mur. En cette vision particulière de la photographie, nous retrouvons l'aplatissement de l'espace aperçue avec les dessins. Si ce n'est que cette fois, le contact équivoque des orientations aplatit le monde réel.

 

"Poteaux au mur", photo avec contact équivoque.

 

À quelques rues de chez moi, mon regard fût un jour arrêté par une autre coïncidence. À la distance à laquelle je me tenais et à partir de ma vision en contre-plongée, j'eus le sentiment que le panneau blanc était troué. Il me semblait qu'il laissait apparaître à travers sa surface circulaire la corniche grise du mur qui le surplombait. il n'en n'était bien évidemment rien puisque d'autres détails du mur restaient cachés derrière sa surface d'émail blanc.
Là encore, nous avons un contact illusoire de deux éléments aux orientations différentes. Tandis que le mur s'éloigne vers la gauche, le panneau blanc lui est perpendiculaire. La sensation de transparence provient de l'apparente identité de direction de la corniche et de la bande noire. Et, le contact de ces deux tracés à la surface de l'oeil et du papier peut, en dépit de la différence d'épaisseur et de valeur de la bande et de la corniche, nous faire croire que ces deux éléments sont conjoints. La bande noire du panneau étant phagocytée par la corniche, l'espace réel se voit renié en étant aplati.

 

"Panneau troué", photo avec contact parallèle illusoire.

 

Observons maintenant le cadre du but et la haie taillée. La barre supérieure du but semble, de ce point de vue précis, posée au sommet de la haie. Au point que si vous masquez la moitié inférieure de l'image, le but semble bien s'appuyer sur la haie. Mais, lorsque vous observez la position au sol des deux montants verticaux, vous revenez à la situation réelle où le but retrouve son orientation normale, à l'orthogonale de la haie. Et, comme toujours, en raison du contact illusoire des tracés, vous pensez que le sommet du but et de la haie suivent une même orientation. À ne garder que la partie supérieure de la photo, vous aplatissez l'espace réel, mais à garder la totalité de l'image vous entrez dans un conflit des orientations, qui vous fait penser aux figures impossibles, et vous croyez être en face d'une Tripoutre. Ainsi, vous êtes désemparés devant cette apparente impossibilité qui n'est qu'un contact illusoire, à la manière de la Tripoutre qui, elle aussi, peut être construite dans le réel grâce à une contiguïté illusoire de ses barres (voir lien).

 

"But dans la haie", photo avec contact équivoque.

 

Passons maintenant à ces conduits de cheminée de la rue du Chevaleret à Paris. Ces tuyaux sont en fait destinés à ce que les fumées des anciens immeubles situés plus bas à gauche ne viennent envahir les fenêtres du bâtiment plus récent qui a été construit à droite.
Mais au-delà de leur démesure, leur orientation peut prêter à confusion. Du point de vue où a été pris la photographie, vous pourriez penser que ces conduits se dressent d'abord à la verticale, puis, qu'après avoir été pliés à 90°, ils longent la corniche du nouvel immeuble, pour se redresser une dernière fois à la verticale en fin de parcours. Ainsi, de ce point de vue, la fonction des tirants horizontaux semble évidente : arrimer les conduites à la corniche de l'immeuble avant que leur masse ne les entraîne au sol.

"Cheminées coudées", photo à contact illusoire.

 

Malheureusement la vérité est toute autre : ces conduits se dressent vers le ciel. Ils ont beau zigzaguer de droite à gauche, ils sont à l'intérieur d'un plan vertical continu qui poursuit, de manière rectiligne, la trajectoire du pignon de l'ancien immeuble. La photo suivante montre la véritable orientation des conduits.

 

"Cheminées Coudées, 2", photo avec contact équivoque.

 

Nous allons maintenant délaisser les contacts équivoques aux orientation orthogonales, pour voir une photo qui utilise des orientations différentes. Si, à la surface du papier, nous percevons des contiguïtés illusoirement parallèles, l'angle réel des véritables orientations des éléments concernés devient maintenant incertain.

DES CONTACTS PARALLÈLES ILLUSOIRES AUX ANGLES INCERTAINS

Aux abords de la gare de l’est, le sommet d'une grille verte semble soutenir le viaduc blanc qui enjambe au loin les voies ferrées. Ici, l'orientation à 90° de ces deux plans est plus incertaine, il semblerait que la grille forme un angle aigu avec le viaduc. Pourtant, l'effet reste le même : ces deux éléments semblent conjoints et aplatissent ainsi l'espace de la représentation. Sans crier gare, nous posons les X du viaduc blanc sur les pointes de la grille verte.

 

"La grille au viaduc", photo avec contact équivoque.

 

N.B.
En suivant ce lien, vous pourrez lire un article similaire qui est, quant à lui, consacré aux alignements parallèles illusoires.

 

 

 

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