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"De l'alignement parallèle, 2 : la photographie"

 


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Juillet 2020

INTRODUCTION

Les trois principes plastiques permettant de produire des ambiguïtés spatiales, superposition, contact et alignement, ne sont pas confinés aux dessins des livres consacrés aux illusions visuelles. Des photos utilisant des alignements équivoques peuvent être assez facilement trouvées dans la réalité (voir une Liste de photos avec des alignements équivoques). Mais la sous- catégorie de l'alignement parallèle est une situation plus rare, qui demande une attention plus marquée pour être débusquée.

LA PLUS BELLE PHOTO CONNUE D'ALIGNEMENT PARALLÈLE

Cette Barre blanche de Ralph Gibson me poursuit depuis longtemps. Certains voient peut-être là une image abstraite réalisée par un admirateur de Rodtchenko qui appartiendrait à un courant constructiviste américain.

 

item2Ralph Gibson, "Barre blanche", photo.

 

Et moi, je vois deux tracés blancs, qui, dans cet océan de gris, traversent l'image à une même hauteur au-dessus du sol , dans une même direction. Que m'importe que ce soit la bande blanche qui s'élève dans les airs, ou la barre qui vienne se poser au sol, elles sont ensembles, suivent un destin commun, réunies à l'intérieur d'un même plan horizontal.
La présence de la main et de la chaussure qui donnent la hauteur au-dessus du sol de la barre ne me gêne pas. Ces détails ne sont que des taches, des courbes, des noirs et des gris qui viennent accompagner la trajectoire des deux inséparables.
C'est là que j'ai compris la puissance de l'alignement parallèle et l'effet d'aplatissement de l'espace qu'il induisait.
Voir une autre analyse de la photographie.

D'AUTRES PHOTOS AUX ALIGNEMENTS VRAIMENT PARALLÈLES

D'autres obliques parallèles produisent le même effet. Ainsi, à Aix en Provence, ma déambulation s'est arrêtée, mon regard ayant été attiré par deux corniches. Ces corniches, bien que distantes dans la réalité de la rue, semblent réunies à la surface de la photo par leur trajectoire identique. Malgré l'éloignement évident du bâtiment situé à droite (la diminution de taille des fenêtres et des tuiles), les deux bâtisses semblent maintenant proches et parallèles. Mais, il est vrai que l'alignement équivoque n'est pas le seul à réunir ces deux volumes, d'autres coïncidences plastiques entrent en jeu. Ainsi, la pente du pignon du bâtiment gauche semble se diriger vers la façade du bâtiment de droite. De même, la spirale du réverbère paraît s'enrouler autour de l'angle de la toiture située à droite.

 

item1"Obliques d'Aix", photo avec alignement parallèle.

 

Avec cette autre photo, la banne d'un magasin prise d'une fenêtre située à un étage supérieur semble plonger jusqu'au sol. Mais ici, bien que le parallélisme entre l'avancée de la banne et la bande blanche collée sur le bitume joue un rôle, ce dernier n'est pas prépondérant. Un autre principe plastique régissant les ambiguïtés des relations spatiales prime sur l'alignement. Nous avons là un contact équivoque, contact plastique à la surface de l'image qui semble réunir la bande jaune longeant le trottoir et la bordure de la banne. Cette contiguïté équivoque est déterminante. Elle permet de réunir illusoirement ces deux éléments qui sont distants dans l'espace réel, et, par contagion, facilite l'autre rapprochement, tout aussi illusoire, de la bande blanche et de la bordure de la banne.

 

"Banne du Havre", photo avec alignement parallèle équivoque.

 

Mais l'alignement parallèle ne se contente pas de réunir à l'intérieur d'un même plan, des lignes, des formes, des volumes qui , bien qu'éloignés les uns des autres, suivent des trajectoires véritablement parallèles. Nous allons voir que des alignements parallèles peuvent apparaître illusoirement à la surface du papier à partir d'orientations différentes.

DES PHOTOS AUX ALIGNEMENTS PARALLÈLES AUX ANGLES INCERTAINS

Ces conduits de cheminée de la rue du Chevaleret à Paris sont démesurés. Ils sont en fait destinés à ce que les fumées des anciens immeubles situés à gauche ne viennent pas envahir les fenêtres du bâtiment plus récent qui a été construit à droite.
Mais au-delà de leur démesure, leur orientation peut prêter à confusion. Du point de vue où a été pris la photographie, vous pourriez penser que ces conduits se dressent d'abord à la verticale, puis, qu'après avoir effectué un changement de trajectoire à 90°, ils longent la corniche du nouvel immeuble, pour se redresser une dernière fois à la verticale en fin de parcours. Malheureusement la vérité est toute autre : ces conduits zigzaguent à droite puis à gauche à l'intérieur d'un plan vertical continu.
Pour voir l'orientation réelle des conduits vous devrez allez en bas de la page intitulée "Cheminées", qui analyse de manière plus approfondie l'équivoque spatiale évoquée ici. Vous verrez alors que le plan rectiligne des conduits forme un angle de 90° avec l'immeuble récent.

 

"Cheminées coudées", photo à alignement parallèle.

 

Cette autre photo prise au Havre, semble poser sur un même plan, la base du balcon fuyant vers la gauche et un coté du feuillage qui s'élève en oblique vers le ciel. Mais, ici, l'ambiguïté spatiale est moindre. Bien que le parallélisme de ces deux tracés à la surface de la photo puissent un moment les rapprocher dans notre esprit, la logique de ces formes connues rend illusoire l'apparente réunion de leurs tracés divergents à l'intérieur d'un même plan. Nous pouvons simplement dire que le sol du balcon et la ligne du feuillage ne sont pas parallèles mais forment un angle obtus.

 

"Obliques du Havre", photo avec alignement parallèle.

 

Avec la photo suivante, nous allons être amenés à comprendre que tous les alignements parallèles n'utilisent pas toujours des trajectoires rectilignes. À l'intérieur du Grand-Palais, un fût métallique, posé au milieu du gigantesque espace, se dressait à la verticale. Vu sous cet angle particulier, sa trajectoire rectiligne et ascendante semble épouser celle d'une des nervures de la verrière. Mais, tandis que le fût est droit, la nervure est curviligne.
Ici, il est difficile de parler de plans illusoirement parallèles, puisque le fût et la nervure s'apparentent plus à des lignes et des directions qu'à des surfaces. Pourtant, leurs tracés, qui, au premier abord, semblent suivre une orientation rectiligne commune vers le ciel, divergent bien vite dans la réalité.

 

"Poteau au grand-palais", photo avec alignement parallèle.

 

Nous allons maintenant aborder un autre type d'alignement parallèle. Ce type d'alignement est différent de ce que nous avons vu jusqu'ici en ce qu'il n'utilise pas que des objets du monde réel pour nous faire douter de l'orientation de certains plans.

DES PHOTOS AVEC DES ALIGNEMENTS PARALLÈLES D' OMBRES

Les ombres suivent, en général, l'orientation de la surface sur laquelle elles sont portées. Mais le réseau de lignes et de contours qu'elles entretiennent avec les autres éléments d'une image perçue ou photographiée ne les empêchent pas de modifier parfois la réalité des orientations spatiales.
Avec l'ombre de ce panneau de Presse portée sur le mur, nous sommes en présence de plusieurs alignements parallèles. Nous avons tout d'abord les deux cotés de l'ombre portée du losange jaune qui alignent leur trajectoire avec celle du panneau. Mais ce ne sont là que des alignements classiques : le coté droit de l'ombre forme un alignement continu avec le panneau, tandis que le coté gauche présente un alignement discontinu.
Mais, un autre alignement, plus discret, aurait pu vous échapper. Le bord de la banne bleue suit, elle aussi, ces quatre directions. Si le parallélisme des orientations entre le panneau jaune et la banne bleue est bien réel, celui qui réunit l'ombre portée du panneau et le coté de la banne est illusoire. Tandis que l'ombre portée suit la verticale du mur, la banne forme un angle d'environ 45° avec ce dernier.
Mais qui l'emporte dans ce combat des orientations ? Il semble que l'ombre, inférieure en nombre, n'arrive pas à aplatir les formes saillantes. C'est ainsi que l'ombre, pour les plus crédules d'entre vous, pourrait sembler sortir du mur pour suivre la direction prise par la banne bleue. Cette fausse orientation est facilitée par le fait que cette ombre prend la forme d'un parallélogramme. Et tout le monde sait que cette forme géométrique est sujette à équivoque spatiale, en ce qu'elle peut se présenter à nous sous aux moins trois orientations différentes : frontale (comme c'est le cas ici) en plongée (comme nous pouvons l'imaginer) et en contre-plongée (comme il nous est ici difficile de l'imaginer).

 

"Ombre de la presse", photo avec alignement d'ombre.

 

Voilà, c'est fini pour aujourd'hui.

 

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N.B.
En suivant ce lien, vous pourrez lire un article similaire qui est, quant à lui, consacré aux contiguïtés parallèles illusoires.

 

 

 

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