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"Accélération de l'espace architectural" |
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Mai 2012 PLAN ET PAGES La perspective accélérée est un système perspectif qui donne le sentiment au spectateur que l'espace qu'il contemple, architecture, sculpture, théâtre, peinture,... est plus profond qu'il n'est en réalité. Nous allons donc essayer, en trois petites pages, de cerner les moyens et les effets de cette illusion.
PERSPECTIVE ACCÉLÉRÉE ET ARCHITECTURE Recommençons, car moi-même j'éprouve un mal fou à me souvenir de ce que sont respectivement la perspective accélérée et la perspective ralentie. Avec la perspective accélérée, l'artiste, en l'occurrence l'architecte, cherche à donner l'illusion que les volumes de sa construction sont plus allongés, agrandis ou accélérés, qu'ils ne sont en réalité. L'architecte détourne ainsi et à son profit les imperfections de la perception humaine pour lui donner à voir un espace perçu plus profond que l'espace réel. 1) BRAMANTE Donato, 1444-1514.
Car, la profondeur totale de l'abside, photographiée ci-dessous de trois-quart gauche, n'est que de 1,20 m. Ainsi, malgré la vue en contre-plongée, nous pouvons sentir la diminution de hauteur des pilastres et de largeur des caissons. Pire encore, les piles gauches étant encore visibles, en dépit du point de vue décentré, les deux murs latéraux de l'abside ne peuvent être perpendiculaires au transept, impliquant ainsi une diminution progressive de la largeur du sol et de l'espace du lieu. Alors, à poursuivre toutes les lignes fuyantes de l'abside nous devrions avoir un point de fuite bien réel, situé à quelques dizaines de mètres en arrière du bâtiment. Situation inédite en ce que les points de fuite relèvent des représentations en deux dimensions. Le réel n'a pas à connaître de point de fuite. Ainsi, en l'absence de perspective accélérée, l'abside de Saint-Satyre, vue en coupe, présenterait des lignes horizontales parallèles se dirigeant vers l'infini. Seul un spectateur placé dans la nef pourrait voir en ces lignes parallèles des lignes convergeant vers un point de fuite imaginaire situé à l'horizon, point de fuite marquant la projection à l'infini de l'oeil du spectateur.
Poursuivons avec Palladio. 2) PALLADIO Andrea, 1508-1580.
Le plan du théâtre (ci-dessous) montre la taille et la distribution des sept passages. Mais, le trompe-l'oeil architectural, qui représente la ville grecque de Thèbes, a en fait été dessiné par Vincenzo Scamozzi. Ce dernier a dessiné les rues de la ville sur un plan incliné montant, plan bordé d'alignements de bâtiments qui, en décroissant de manière accélérée, conduisent le regard vers un lointain exagéré. De plus, l'illusion de profondeur est accentuée par un angle de vision très fermé. La rue centrale ne mesure ainsi que douze mètres. Mais, si le plancher monte, le ciel descend. Les sommets des bâtiments diminuent régulièrement de hauteur et le ciel peint, grâce à un dégradé de couleurs, semble suivre un plan incliné descendant. Pour en terminer, il est à noter que l'ensemble de ces diminutions accélérées s'organise à partir d'un point idéal, appelé l'oeil du prince, à savoir le siège réservé aux princes et autres notables. Ce point idéal projeté en avant donne habituellement le point de fuite d'une représentation perspective en deux dimensions. Et c'est là que nous retrouvons sept nouveaux points de fuite dans le réel ! Les diminutions de taille qui résultent de la perspective accélérée font que les lignes fuyantes, ordinairement parallèles sur le plan, se transforment en lignes fuyantes convergentes sur le papier et dans le réel. Il suffit de prolonger les fuyantes de chacune des sept rues sur le plan de la ville pour obtenir sept points de fuite dans le réel. Ces points de fuite, qui marquent la rencontre réelle de lignes convergeant réellement, pourraient être trouvés et placés à l'extérieur du théâtre. Ce qu'un artiste contemporain aurait pu et aurait dû réaliser depuis longtemps. Ce qu'il n'a pas fait.
Poursuivons avec Borromini. 3) BORROMINI Francesco, 1599-1667.
Tant la coupe que le plan du couloir permettent de voir la quantité de diminutions de taille nécessaires à la perception illusoire d'un réel approfondi. À l'évidence, les premières diminutions concernent la hauteur des colonnes (la coupe) et la largeur du couloir (le plan). Mais cela ne suffirait guère à rendre cette illusion aussi prégnante. Il faut encore, à la manière de la scène théâtrale que le sol s'élève peu à peu, et que la voûte s'abaisse petit à petit. Puis, ne négligeons pas la largeur décroissante des colonnes en même temps que la diminution progressive de l'écart qui les sépare. Enfin, tout cela doit être répété tant pour les caissons de la voûte que pour le pavement du sol.
La vue en coupe permet de préciser l'emplacement du point de fuite d'une perspective accélérée dans le réel. Car si les fuyantes du plan donnent l'éloignement, celles de la vue en coupe indiquent la hauteur au-dessus du sol.
Encore une fois, le point de fuite dans le réel de la perspective accélérée se trouve en-dehors du bâtiment. Ainsi, la fuyante de l'entablement, celle de la base des colonnes et toutes les autres, viennent se rejoindre quelques mètres en arrière du piédestal à une hauteur calculée pour le regard d'un individu de taille moyenne. Ci-dessous, la ligne marron représente le point de rencontre des lignes convergentes de l'architecture, ce que nous appelons ici, par facilité et dérision : le point de fuite réel. Mais ce serait une erreur de penser que le point de fuite perspectif et illusoire d'une représentation photographique frontale du couloir se trouve à cette même distance. Il est vrai que dans la photographie précédente les deux points se confondent à la surface de l'image. Mais, ils se confondent car l'un se trouve dans le prolongement de l'autre, masquant ainsi la distance qui les sépare.
C'est ainsi que nous avons à regarder la ligne verticale bleue qui, bien que n'étant pas assez éloignée, donne une idée de ce que pourrait être la répartition des points de fuite dans une représentation en deux dimensions d'une perspective accélérée.
Tous ces plans inclinés et déviés de leur trajectoire horizontale ou verticale supposée et attendue devraient donc, en chaque occurrence, dépasser le point de fuite central. Mais la situation décrite n'est concevable et admissible que pour des plans orthogonaux, à savoir des rectangles. En diminuant régulièrement les largeurs et les hauteurs des plans dans la profondeur de l'espace, la perspective accélérée crée et utilise dans le réel des plans trapézoïdaux. Les cotés fuyants d'un trapèze ne peuvent en toute logique aboutir au point de fuite central. Cette seconde déviation, due à un raccourcissement réel des plans, vient donc contrecarrer la première due à leur inclinaison dans la réalité.
Si la diminution réelle des éléments architecturaux entraîne une diminution tout aussi réelle sur la rétine, diminution que le système perceptif s'empresse d'interpréter comme étant un éloignement plus important qu'il n'est en réalité, nous avons à comprendre ce qu'il en advient dans l'image. Le problème, pour un dessinateur, est de savoir comment il va représenter cette diminution accentuée. Car, dans une image, toute diminution régulière exprime déjà un éloignement progressif. Comment représenter une diminution accélérée, une diminution qui diminue plus que la diminution habituelle ? Les points de fuite secondaires produits par les plans diminués et déviés du Palais Spada semblent avoir une importance cruciale dans l'accélération perçue de l'architecture. Passons donc à la page consacrée à la peinture afin de comprendre la fonction de ces points de fuite dans le jeu délicat d'une accélération en deux dimensions. PAGE SUIVANTE : Perspective accélérée et peinture
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