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"Ralentissements du dessin"

 


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Février 2013

LA PERSPECTIVE RALENTIE ET LE DESSIN

Si le croquis à nouveau présenté ici permet d'expliquer les ralentissements de l'architecture, il a jusqu'ici, hormis les photographies de
Dibbets et le cas Chirico (bas de page précédente), échoué à rendre compte des ralentissements de l'espace dans l'image.

 

Tracé de quatre plans et de leur point de fuite en perspective ralentie.

 

Quelques dessins personnels vont ainsi permettre de trouver de nouveaux moyens de ralentissement de l'espace de l'image, moyens qui ne répondent pas à l'attente créée par un croquis imaginé et construit à partir d'une représentation classique pour contredire et combattre, pied à pied, la représentation classique de l'espace.

1. DES CROQUIS PERSONNELS ET LA CHUTE DU POINT DE FUITE

La page 54 du carnet 1988-1989 commence par la si bien nommée Chute. C'est qu'ici, à appliquer l'élargissement et l'agrandissement des formes vers le lointain, nous ne retrouvons pas comme avec les anamorphoses une image normale, mais tombons dans le grand précipice qui s'ouvre alors au bas de l'image. À placer le point de fuite plus bas que le cadre et à y faire converger les fuyantes, le lointain semble se trouver plus bas que nos pieds, loin en-dessous de nous. Cette fuite du point de fuite dans le hors-champ inférieur de l'image entraine un rabattement à la verticale du sol. C'est ainsi que tous les éléments posés sur la terre paraissent inéluctablement entraînés vers le bas, dans une chute dont nous ne voyons pas la fin.

 

Croquis personnels avec utilisation de la perspective inversée, 1.

 

Le croquis présenté en début de page, croquis du déplacement des points de fuite, échoue donc, encore une fois, à rendre compte des innombrables possibilités d'un ralentissement de l'espace.

La page 57 du Carnet 1988-1989
poursuit le travail des chutes précédentes en y ajoutant quelques variantes. Une variante concerne la vision simultanée des cotés latéraux de certains volumes. Ainsi, tant le pont situé à gauche que les blocs de la page droite présentent simultanément à la vue leurs deux cotés En cela, nous sommes bien dans la négation de la profondeur classique qui, elle-même assujettie aux lois de la vision humaine, suppose que les objets diminuent au fur et à mesure de leur éloignement. Et, même si ces blocs et ces formes se dirigent vers un hypothétique et invisible point de fuite, la présence de la ligne d'horizon dans le champ supérieur de l'image laisse croire à l'agrandissement progressif des surfaces et des masses vers le lointain. En cela nous avons un ralentissement de l'espace où les éléments grandissent au fur et à mesure de leur éloignement.

 

Croquis personnels avec utilisation de la perspective inversée, 2.

 

ET POURTANT LÀ ENCORE RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL
Admirez le sol et les sièges, regardez leurs lignes de fuite, pour reconnaître que tout se dirige vers vous, spectateurs inférieurs d'une divinité qui vous dépasse.
À voir dans
Diminution de taille et fausse diminution.

 

Andrei Roublev, "Trinité", icone, 1411.

 

2. DES DESSINS PERSONNELS ET LA FAUSSE DIMINUTION DE TAILLE

Une autre formule archaïque de ralentissement de l'espace avait été oubliée dans notre introduction. Ce n'est pas l'étagement dont je veux parler, même si celui-ci est bien présent à travers les trois registres de ce dessin, mais de la diminution de taille. La diminution n'a pas besoin des fuyantes et des points de fuite des croquis précédents pour rendre compte d'une profondeur illusoire. Ainsi, par leur diminution graduée dans la hauteur du feuillet, les trois arbres suggèrent la profondeur. Suggestion aussitôt refusée par les trois ruminants qui préfèrent, quant à eux, grandir au fur et à mesure de leur étagement dans la hauteur de la feuille. Voilà comment une fausse diminution de taille en arrive à aplatir l'espace de la représentation.

 

Dessin, "fausse diminution", graphite, années 80

 

Abusés par la logorrhée du webmestre, vous pourriez donc croire que la fausse diminution est encore à l'oeuvre dans le dessin suivant. Non pas tant du fait que les arbres, posés sur la ligne d'horizon, diminuent peu à peu de la droite vers la gauche, mais en ce que les bâtisses grandissent au fur et à mesure de leur éloignement vers l'horizon.

 

Dessin, "fausse diminution", graphite, années 80

 

Mais, en dépit de toutes les incohérences, presque tout ici est possible. À circuler dans les campagnes françaises, vous avez déjà croisé ces emboîtements de volumes, où un appentis jouxte une grange, elle-même contiguë au bâtiment principal. De même, vous avez pu apercevoir ces immenses plantations de conifères qui, plantés année après année, forment des escaliers de forêts. Seul le débord de la masse principale au-dessus de la ligne d'horizon ne devrait pas être facile à rencontrer ici ou là.

ET POURTANT LÀ ENCORE RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL
Regardez le troupeau de moutons qui s'éloigne au premier plan, admirez la rangée d'arbres au-delà du fleuve, vous n'avez là que fausses diminutions de taille d'éléments du monde réel, qu'agrandissements des choses au fur et à mesure de l'éloignement.
À voir dans
Satire on false perspective de William Hogarth.

 

Wiiliam Hogarth, "False perspective", gravure, 1756.

 

Enfin, n'oubliez pas d'observer le pavement sous les pieds du noble pêcheur sis à droite, pour retrouver, quelques siècles avant, ce que tentait les premiers croquis personnels et archaïques de cette page.

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ICONOGRAPHIE
HOGARTH William,
Satire on false perspective, gravure sur cuivre, ffrontispice du livre de John Joshua Kirby : "Dr. Brook Taylor's Method of Perspective made Easy, both in Theory and Practice", 1754.
ROUBLEV Andreï
,
La Trinité, icône vers 1411, Galerie Tretyakov, Moscou.

DAUTRES CROQUIS ET DESSINS PERSONNELS ET RALENTIS
Carnet 93-95, page 17, croquis a et b
Carnet 93-95, page 36, croquis c
Carnet 88-89, page 58
Dessin du carnet 93-95, page 36, dessin c

 

 

 

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