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"La triangulation des profils : seconde partie" |
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Octobre 2007 L'APLATISSEMENT DU TRIANGLE La première tentative de contestation de notre hypothèse précédente consistera à aplatir la triangulation ou, pire encore, à la supprimer. Ainsi, les deux "profils" supérieurs de la vignette présentée ci-dessous offrent à la vue des triangles largement disproportionnés. Pourtant, malgré leur quasi aplatissement, n'importe quel lecteur de bédés persistera à voir des visages en ces deux croquis. De même que ce lecteur ne sera pas choqué par le fait que la forme noire censée exprimer le nez soit passée à l'intérieur de la ligne, elle-même, censée délimiter le visage. Il est vrai que ce franchissement de frontière peut laisser à penser que le visage situé en haut à gauche est présenté de trois-quart (ce que nous verrons plus avant dans la page)
Mais l'entêtement du lecteur de bédés viendra buter contre l'incompréhension qu'il sera amené à manifester devant le troisième et dernier croquis de la vignette. Ici, même le plus retors des lecteurs, bien que connaissant son Alix sur le bout des doigts et bien que maîtrisant la mythologie romaine, ne pourra, en dépit de toute sa bonne volonté et de l'aide du Cyclope, imaginer un quelconque visage en ce tracé aux trois tâches parfaitement alignées. En cela, nous pouvons supposer que ce n'est pas tant la quantité des éléments qui importe que leur triangulation. Supposition que nous allons mettre à l'épreuve avec la vignette suivante.
L'ABSENCE DU NEZ L'absence du nez devrait cette fois nous interdire de voir des profils en cette nouvelle vignette. À l'évidence, la quantité de saccades oculaires montrait que sa forme était primordiale dans la reconnaissance du buste de Néfertiti. Mais, à la manière de l'oreille néfertitienne, le nez marque surtout des changements de direction, comme pourrait le faire n'importe quelle ligne sinueuse. Qui plus est, l'appendice nasal de la photo précédente est situé à l'endroit où se produisent les écarts de seuil les plus importants. En cela, puisque les croquis présentés se passent du nez, sa présence s'avère non nécessaire à la perception de visages (ce qui, bien évidemment, ne veut pas dire qu'il n'est pas nécessaire à leur reconnaissance).
Mais, à perdre l'oreille et le nez, nous perdrions du même coup la triangulation. Ce qui n'est pas tout à fait exact. Car la ligne sur laquelle vient buter la bouche est essentielle à la perception d'un visage. Sans elle, la bouche ne serait plus une bouche, mais un point ou une ligne perdus dans le vide. À tenter de reproduire ces quatre profils avec une façade absente, vous verrez que le visage se perd. En cela, nous pouvons considérer que la façade constitue le troisième élément du triangle : il en est même un des cotés puisque nous avons là des triangles rectangles. Ainsi, ces profils se suffisent d'un tracé vertical vers la base duquel est placé l'élément graphique signifiant la bouche et d'un troisième élément qui, formant plus ou moins triangle rectangle avec les deux précédents, marque l'emplacement de l'oeil. Ce qui appliqué à une autre vignette donne les triangulations suivantes :
LA SORTIE DU CADRE De la même manière que nous avions procédé à la sortie progressive des éléments du triangle avec les faces, nous allons répéter l'expérience avec les profils. La vignette présentée ci-dessous commence par le nez. Il s'avère que cette mise hors cadre ne gène en aucune manière la perception d'un visage schématique dessiné. Seul écart intéressant, le premier visage situé en haut à gauche est ambigu. Il peut tout autant être perçu comme étant vu de profil que perçu de trois-quart en contre-plongée. En cette dernière interprétation, le nez d'un profil se transforme en oeil droit d'une vision de trois-quart. On s'aperçoit ainsi que la triangulation est excessivement malléable, qui peut tout autant modifier la forme de son triangle, que la fonction morphologique attribuée aux angles de cette forme géométrique.
Après le nez, nous nous contenterons de faire sortir un oeil du cadre. Cette nouvelle transgression nous amène à une situation que nous avions déjà décelée précédemment : les trois supposés croquis de visage présentés ci-dessous semblent être perçus de trois-quart. Il se pourrait bien que les mécanismes perceptifs établissent ici un compromis. D'un coté, notre système perceptif se trouve devant une triangulation isocèle quasi parfaite de trois surfaces noires qui, habituellement, rend compte d'une vision de face. De l'autre coté et à faire abstraction de la tache extérieure, ce même système est en présence d'un visage de profil comme ceux que nous avons vu à propos de "l'absence du nez". À vouloir accepter ces deux visions contraires, nous en arrivons sans doute à appliquer la loi, non perceptive, du juste milieu ou pour le moins de l'entre-deux.
L'ABSENCE DE CADRE Là encore, nous allons répéter l'expérience tentée avec les faces (voir le bas de page de La triangulation des faces 3), en supprimant totalement le cadre. Mais ici, une seule image suffira à comprendre que, de même que pour les faces, un cadre, à savoir un contenant formel qui pourrait s'apparenter de près ou de loin à une boîte crânienne, n'est pas nécessaire à la perception réelle ou illusoire d'un visage réel ou imaginaire. Tout lecteur assidu de bédés percevra ici des têtes animales perçues de trois-quart. Si le cadre n'est donc guère important, deux questions restent en suspens. Pourquoi animales et pourquoi de trois-quart ? Pour répondre à la deuxième question, nous avons là un deuxième moyen d'atteindre une vision de biais à partir de trois éléments graphiques. Il suffit de décentrer l'élément qui exprime le nez ou la bouche hors de l'axe médian et vertical des yeux pour obtenir toutes les orientations possibles. L'animalité quant à elle semble reposer sur la distance qui sépare l'élément inférieur (parfois nez ou truffe, parfois bouche ou gueule) des éléments supérieurs (les yeux). Dans le croquis présenté, cette distance étant faible, l'interprétation privilégiée est celle d'une truffe. Seul le dernier croquis situé en bas à droite peut, tant par la forme de ses éléments que par leur distance, commencer prétendre à être la triangulation d'un visage humain ou robotisé
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