ARTICLE |
"Plans inclinés et ambiguïtés d'orientation, page 2" |
||||
|
|||||
Février 2016 DU RALENTISSEMENT ET DE L'ACCELERATION DES PLANS Il existe plusieurs manières d'incliner les plans sans que le système perceptif en ait totalement conscience. Certaines méthodes sont intentionnelles et cherchent à montrer ce qui n'est pas tandis que d'autres relèvent d'un malheureux hasard de point de vue qui fait que notre vision des plans devient parfois indécise. 1. ACCELERATION ET RALENTISSEMENT DE L'ESPACE A gauche le cube noir avec son point de fuite central a été modifié en rouge pour que le spectateur ait le sentiment d'une profondeur plus grande qu'elle n'est en réalité. Nous avons là une perspective accélérée. Si nous devions construire le cube rouge, il faudrait incliner les quatre plans de telle manière qu'ils entrent en contact. Ainsi, tandis que le "sol" se redresserait vers le lointain, le "plafond" descendrait en s'éloignant et les deux "murs" latéraux se rapprocheraient peu à peu au lieu de rester parallèles. En cela, au lieu d'être dans le cube scénographique classique, nous serions à l'intérieur d'une pyramide tronquée.
La perspective ralentie (croquis de droite) a surtout été utilisée en peinture et en sculpture. Aucun architecte n'ayant le désir de faire paraître un de ses bâtiments plus petit, plus ramassé, plus court qu'il n'est en réalité.
a) PLANS INCLINES Abordons un des exemples les plus célèbres d'utilisation de la perspective accélérée en architecture. La galerie du Palais Spada, construite par Francesco Borromini. parait beaucoup plus longue qu'elle n'est en réalité. Ainsi, la statue située dans la cour intérieure semble de taille humaine alors qu'elle ne mesure en fait qu'une soixantaine de centimètres.
Grâce à la vue en coupe, nous comprenons mieux l'inclinaison des plans nécessaire à l'accélération de l'espace. Tandis que le sol monte légèrement (montée qu'il est presque impossible de déceler sur la photo du couloir), la voute à caissons descend peu à peu. De même, avec le plan de la galerie, nous percevons la convergence des rangées de colonnes.
En raison de l'inclinaison des plans, en ces deux vues, le point de fuite ne se trouve plus à l'infini. Dans le croquis perspectif d'introduction, les quatre plans inclinés (murs, sol et plafond) se dirigeaient vers quatre points de fuite rouges décentrés afin de marquer leur finitude avant qu'il n'atteignent la ligne d'horizon. Mais, que ce soit dans la vision réelle ou une photographie du réel, ces points de fuite apparemment décalés se retrouvent pourtant dans l'axe du point de fuite central d'un volume non déformé, nous laissant croire à leur projection sur l'infini. D'un point de vue central, l'information qui nous fait défaut n'est donc pas tant celle de l'orientation des fuyantes qui semblent toujours épouser une même trajectoire, que celle de leur longueur, de la distance du spectateur à leur point de convergence.
b) LA CHAMBRE D AMES Adelbert Ames a inventé une perspective complexe qui associe diminution et accélération des plans. Malgré les apparences, les humains de cette photographie ont une taille identique et donc rien, en cette chambre, n'est d'équerre, tout y est tordu.
Voici, à la manière de la coupe de la galerie du Palais Spada, une vue de la chambre d'Ames. Le spectateur est, là encore, situé à droite, mais il doit regarder à travers un oeilleton pour voir la chambre telle qu'elle semble être dans la photographie ci-dessus. Tandis que le tracé noir montre un volume correct, le rouge essaye d'exprimer les déformations opérées par Ames.
Bien qu'un tracé perspectif ait du mal à rendre compte de ces déformations, il n'en reste pas moins que ce sont bien des plans inclinés, que nous ne percevons pas comme tels, qui, tout en laissant croire à l'orthogonalité à la pièce, transforment les personnages en nain et géant.
2. ACCELERATION ET RALENTISSEMENT DES ESCALIERS
a) LES ESCALIERS ACCELERES Bien que pouvant être assimilés à une catégorie particulière de plans inclinés, les escaliers sont beaucoup plus souvent utilisés pour donner lieu à des figures impossible ou ambiguës. L'escalier impossible le plus connu étant celui de Lionel Penrose, présenté ci-dessous à gauche. Croquis d'escalier qui est à l'origine d'une célèbre lithographie de Maurits Escher : Montée et descente.
Mais un escalier d'impossible n'a rien d'ambigu. Ses plans ont des orientations bien affichées qui ne souffrent pas l'ambiguïté. Ce sont les jonctions des plans qui conduisent à une situation spatialement impossible et non leur orientation. C'est ainsi que l'escalier de Penrose peut être construit et perçu comme impossible si une volée de marches n'entre pas en contact avec la suivante, si ce n'est sous un angle bien particulier qui laisse croire à leur illusoire contiguïté. La scala Regia du Bernin reprend en fait les principes de la galerie du palais Spada, si ce n'est que le sol n'est plus censé être horizontal mais apparait comme un escalier plus profond qu'il n'est en réalité.
Seuls écarts à la règle des diminutions progressives de la perspective accélérée, d'après le plan, l'entrecolonnement et la profondeur des marches ne paraissent pas diminuer avec l'éloignement. Détails qui ne semblent en rien contrarier l'effet optique voulu par Le Bernin.
b) LES ESCALIERS RALENTIS Cette fois, il ne s'agit plus de donner le sentiment d'une profondeur exagérée, mais, au contraire, de ralentir ou même d'anéantir la profondeur réelle.
Avec la technique des bandes, trois visions sont possibles. Celle qui présente les contremarches, une autre tout aussi plane qui, grâce à une vue d'avion, ne montrerait que le sommet des marches, et, enfin, la vision ordinaire qui alternerait bandes colorées (contremarches) et béton (marches) lorsque nous sommes amenés à gravir l'escalier.
PAGE SUIVANTE : Plans inclinés et inclinaison du regard
BONUS
WEBOGRAPHIE ICONOGRAPHIE
|
|||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |