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"Concavexe : les figures connues, page 1"

 


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Juillet 2020

Cette première page est consacrée à des illusions connues qui utilisent l'opposition du concave et du convexe pour donner lieu à deux interprétations successives de leur dessin.
La seconde page présente des oeuvres d'art en deux dimensions, qui ont, elles-aussi, utilisés l'opposition du concave et du convexe.
La troisième page en fait de même, mais avec des oeuvres artistiques ou des constructions réalisées en trois dimensions.
La quatrième page propose au lecteur des dessins personnels employant des formes concavexes.
Enfin, la cinquième page montre des photographies personnelles qui attestent de la présence d'ambiguïtés du concave et du convexe dans le monde réel.

 

INTRODUCTION
Les figures utilisant l'opposition du concave et du convexe sont habituellement classées dans la catégorie des figures réversibles. La raison en est que ces images laissent successivement apercevoir deux interprétations de leur dessin, sans qu'une des interprétations ne prédomine sur l'autre. Ce va et vient incessant des interprétations veut que nous soyons amenés à parler de réversibilité des lectures ou de figures instables. Mais, les figures réversibles occupent un champ plus large en ce qu'elles travaillent parfois la reconnaissance formelle comme le Lapin-Canard (ci-dessous).
 

Joseph Jastrow, "Lapin-canard", figure ambigue.

 

Le site étant essentiellement consacré aux ambiguïtés et impossibilités des relations spatiales, nous nous limiterons donc dans cette article à l'opposition du concave et du convexe. Limitation qui n'empêchera pas d'entrapercevoir la diversité et la complexité du phénomène.

 

A. LES FORMES RECTILIGNES DU CONCAVEXE.

1. LE DIÈDRE DE MACH

Le
Dièdre de Mach, parfois appelé le livre ou la tente, est, si l'on excepte les disques et sphères que nous verrons plus avant, la figure concavexe la plus simple. Inventée en 1886 par Ernst Mach, cette figure nous demande de définir une orientation dans l'espace de sa forme. Ainsi, nous pouvons tout autant voir un livre entrouvert posé à la verticale sur une table (forme concave), qu'une toile de tente que nous observerions en plongée (forme convexe).

 

Illusion du dièdre de Mach.

 

En passant d'une interprétation à l'autre, chaque ligne change d'orientation, chaque surface se dirige vers une nouvelle direction et l'ensemble formel passe du concave au convexe. Mais il est à noter qu'à la différence des autres images réversibles, cette figure ne modifie pas l'angle de vision du spectateur : tant le livre que la tente paraissent vus en plongée.
Pourtant, d'autres interprétations spatiales existent que nous délaissons au profit de cette opposition, apparemment plus simple à mettre en place pour le système perceptif. En premier lieu, n'oublions pas que cette forme angulaire pourrait, à la manière d'un chevron dessiné, être totalement plane. En second lieu, en forçant beaucoup notre vision, il est possible de voir ces deux plans flotter au-dessus de nous et s'approcher à partir de l'arête centrale , de voir donc cette forme pliée en contre-plongée.
Ce qui nous amène à la figure suivante, le
Cube isométrique, qui, comme toutes les figures concavexes suivantes, oppose tout autant la plongée et la contre-plongée, que le concave et le convexe. Un cube dont on pourrait penser qu'il a été créé en ajoutant un troisième losange au Dièdre de Mach.

 

2. LE CUBE ISOMÉTRIQUE

Le Cube isométrique, utilisé depuis l'antiquité, est sans doute la plus ancienne figure concavexe connue. Un cube, lorsqu'il est représenté en perspective isométrique possède la particularité de présenter trois faces égales (ce qui n'est malheureusement pas le cas avec le cube rouge). Cette égalité des surfaces et la symétrie des losanges permettent alors de mettre en place différentes illusions. C'est ainsi qu'il est possible de voir un cube, forme convexe, lorsque nous pensons être en train de regarder ce volume en plongée, mais aussi l'intérieur d'un espace, forme concave, lorsque nous imaginons être dans l'angle d'une pièce et que nous tournons notre regard vers le plafond.

Cube isométrique, 1.

 

Pourtant, la solution la plus simple pour visualiser cette deuxième interprétation, la vision concave, consiste en fait à retourner cette figure à 180°. Faisant cela, il sera plus facile pour certains de visualiser l'angle intérieur d'une pièce dont nous regarderions, cette fois, le plancher. Mais la plupart d'entre-vous auront plutôt le sentiment de contempler un cube perçu en contre-plongée.
C'est ainsi que le
Cube isométrique se permet non seulement d'opposer le concave et le convexe mais aussi la plongée et la contre-plongée. En associant ces deux oppositions plastiques à l'intérieur de sa forme, il parvient à faire osciller notre regard incessamment d'une vision à l'autre.

 

Cube isométrique, 2.

 

À partir de là, grâce au pavage et à la multiplication des cubes, les illusions se multiplient. Dans le pavage en perspective isométrique présenté ci-dessous, chaque losange horizontal peut être perçu comme la face supérieure d'un cube vu en plongée ou la face inférieure d'un autre cube aperçu en contre-plongée. De même chaque losange oblique peut être compris comme le coté droit d'un cube vue en plongée ou le coté gauche d'un autre cube vu en contre-plongée. Ainsi, selon l'angle de vision choisi pour l'ensemble du pavage, plongée ou contre-plongée, chaque ensemble de trois losanges passe-t-il du concave au convexe. Mais, même si ce cheminement semble plus difficile à imaginer, nous pourrions encore dire que selon le choix du creux ou du plein, chaque ensemble de trois losanges passe de la plongée à la contre-plongée.

 

"Cubes de Beaunis", figure réversible, 1881.

 

Après cette figure appelée Cubes de Beaunis en raison de sa publication en 1881 par le psychologue éponyme, nous allons aborder une autre figure, la Figure de Thiéry qui, bien que publiée en 1895, était déjà, elle aussi, connue de l'antiquité gréco romaine.

NOTA BENE
Bien qu'étant aussi un cube considéré comme relevant des figures réversibles, le Cube de Necker publié par Louis Albert Necker en 1832 ne sera pas considéré comme faisant partie des figures concavexes. Car si son volume peut successivement être vu en plongée ou en contre-plongée, sa volumétrie reste inchangée, et, en cela, il ne joue pas du creux et du plein, du concave et du convexe.

 

3. LA FIGURE DE THIÉRY

La Figure de Thiéry semble reprendre deux cubes, tout à la fois adjacents et en partie superposés, des Cubes de Beaunis. La proximité des dates, 1895 pour la première et 1881 pour les seconds pourrait expliquer cette ressemblance.
Les mécanismes sont les mêmes que ceux vus précédemment. Ainsi, à comprendre les trois formes géométriques situées à gauche comme un cube convexe, les trois formes situées à droite deviennent un intérieur concave et vice-versa. Quant à l'opposition plongée et contre-plongée, il vous suffira d'opérer une rotation de 90° à l'image pour retrouver ces deux visions contradictoires de cette même figure.

 

"Figure de Thiéry", figure réversible.

 

Au-delà des cubes, de nombreuses autres formes géométriques se prêtent à l'ambiguïté du concave et du convexe. Ce sont ces formes que nous allons aborder maintenant.

 

4. LES POINTES DE DIAMANT ET LEURS VARIANTES

Nous commencerons par la pointe de diamant. Cet ornement architectural peut prendre plusieurs formes : pyramide ordinaire ou pyramide tronquée, sur plan carré ou plan rectangulaire. Le bossage en pointe de diamant est bien évidemment convexe puisqu'il fait saillant sur l'appareil du mur. Mais, lorsque cet ornement est représenté en deux dimensions sur un feuillet, il peut donner lieu à l'ambiguïté concave-convexe Ainsi, avec le croquis ci-dessous, le tracé peut tout autant évoquer une pyramide tronquée que nous survolerions à la verticale, qu'être compris comme un espace intérieur fuyant, pièce ou tunnel. En faisant un léger effort pour adapter notre vision, il est facile de passer incessamment d'une vue à l'autre. Le concavexe est bien ici à l'oeuvre.

 

"Pointe de diamant", figure réversible.

 

Des variantes simples peuvent être réalisées. Pour ce faire, il suffit de changer la forme géométrique centrale tout en adaptant la tailles des éléments qui l'entourent. Nous obtenons ainsi le Rubis.
Un point important est à signaler : avec ces nouvelles figures nous passons d'une perspective parallèle à une perspective fuyante et, donc, de la perspective isométrique à une perspective conique à point de fuite central. Ainsi, l'isométrie et les perspectives parallèles n'ont t-elles pas le monopole du concavexe.
Il semble pourtant que ce changement de perspective entraîne une conséquence intéressante. Car, à la différence des figures précédentes, il n'est plus possible de voir ces formes successivement en plongée et contre-plongée. Et cette situation ne peut être attribuée au type de figure géométrique employé. Car les trapèzes qui dominent ici peuvent, comme les parallélogrammes précédents, être perçus, facilement et successivement, en plongée puis en contre-plongée. On est ainsi amené à penser que si la perspective conique permet, grâce à la présence d'un point de fuite central, de creuser l'espace dans un sens ou dans l'autre, elle interdit les vues de dessus ou du dessous en raison de l'angle de vision figé qui découle de la présence d'un point de fuite.

 

"Rubis", figure réversible.

 

Sur le modèle du diamant ou du rubis, vous pourriez, illusionnistes méconnus, créer des figures à cinq, six, sept cotés ou plus encore qui seraient, elles aussi, de bien belles figures concavexes.
Pour cela, vous pourriez penser, au vu des figures déjà abordées, que quelques règles plastiques seraient à respecter : dessiner des images possédant des axes de symétrie, utiliser des formes géométriques symétriques (losanges, trapèzes, parallélogramme…), garder une certaine égalité de surface entre la forme centrale et la forme environnante,… Pourtant avec les croquis personnels présentés ci-dessous, il devient évident que le processus visuel de réversibilité du concave au convexe se passe de ces règles plastiques simples.

 

Page de figures concaves-convexes.

 

Ainsi, à aller plus loin, par des déformations qui délaissent la symétrie et en accumulant les surfaces, nous obtenons ces surfaces mouvantes, sables mouvants d'un espace où l'oeil incertain des diverses orientations interdirait au spectateur de poser son regard.

 

5. L'ESCALIER DE SCHRÖDER

Nous arrivons maintenant à une figure plus réaliste, une figure qui semble s'éloigner de la géométrie pour exprimer le réel. Pourtant, il va s'avérer que ce nouveau dessin a été réalisé à partir de la répétition d'une forme abordée plus haut. En dépit de sa figuration, l'Escalier de Schröder publié en 1858 se contente de juxtaposer des Dièdres de Mach. Nous retrouvons donc les oppositions déjà citées : plongée et contre-plongée, concave et convexe.

 

"Escalier réversible", Schröder, 1858.

 

Nous verrons dans la page consacrée à la photographie que cet escalier qui, à première vue semble impossible, peut pourtant apparaître dans le réel;

 

A. LES FORMES COURBES DU CONCAVEXE
 

1. LA FEUILLE ONDULÉE

Bien que citée dans un livre écrit par
Sanford à la page des figures réversibles, la figure de gauche ne travaille pas la problématique du concavexe, puisqu'elle se contente d'alterner une vue en plongée et une autre en contre-plongée. En revanche, la simple Feuille ondulée (dessinée par Ernst Mach en 1886) utilise ces deux systèmes d'opposition de la représentation spatiale. Quand nous passons de la vision en plongée à celle en contre-plongée, chaque courbure de la feuille passe du convexe au concave ou inversement.

 

"Feuille ondulée", illusion de Mach.

 

Avec la Feuille ondulée nous avons sans doute la plus petite figure concavexe qui soit, puisque le Dièdre de Mach utilise, quant à lui, deux plans distincts, deux parallélogrammes accolés.

 

2. LE DÔME, LA COUPOLE ET AUTRES FORMES SPHÉRIQUE

Vus sous des points de vue bien particuliers, certains dômes et coupoles peuvent passer d'une concavité naturelle à une convexité illusoire. Ainsi, la coupole de l'église saint-Pierre à Rome, bien que photographiée de l'intérieur, paraîtra convexe à certains. Dans ce cas, le lanternon, lui aussi réversible, sera alors la partie la plus proche de ces personnes. Cette coupole photographiée en contre-plongée peut donc être comprise comme un dôme perçu en plongée.

 

Coupole de l'église saint-Pierre, Rome.

 

Ici, ce sont encore les lignes qui en arrivent, grâce à l'ambiguïté de leur courbure, à s'orienter dans deux directions contraires. Mais d'autres formes courbes fondent leur ambiguïté sur un autre élément plastique.

 

3. LES OMBRES

D'autres cavités, mais aussi es coupoles ou les dômes, peuvent passer du concave au convexe lorsque leur image est retournée à 180°. Il en est ainsi du cratère du météorite Barringer en Arizona.

 

Cratère Barringer, 1.

 

Cette illusion, connue depuis longtemps, tient au fait que les ombres propres des objets sont, en général, situées à leur base, puisque l'éclairage, qu'il soit naturel ou artificiel, est la plupart du temps zénithal. Ainsi, le cratère paraît creux car l'ombre situé dans sa partie supérieure en fait un élément inhabituel : les cavités étant plus rares à la surface de la terre que les masses. Mais, lorsqu'il est retourné, son ombre passant à sa base, nous le considérons comme un volume posé au sol.

 

Cratère Barringer, 2.

 

L'image présentée ci-dessous montre la force de cette illusion. Pourtant, nous ne retiendrons pas dans les pages suivantes cette catégorie d'image et cela pour deux raisons. En premier lieu, si nous passons bien du concave au convexe, à la différence de la coupole saint-Pierre, l'angle de vision reste inchangé. Que le cratère soit retourné ou non, nous avons le sentiment de le percevoir en plongée. En second lieu, pour que l'illusion fonctionne, nous sommes amenés ici à retourner l'image. Malheureusement, il existe une catégorie de figures retournables. Il est vrai que cette catégorie peut être pensée comme une sous-catégorie des figures réversibles ou comme une catégorie pleine et entière. Mais nous avons déjà consacré un article aux figures retournables-réversibles.

 

Illusion des disques ombrés concaves et convexes.

 

Passons maintenant à l'utilisation des figures concaves-convexes dans le domaine artistique..

 

PAGE SUIVANTE : Le concavexe en art.

 

 

 

ICONOGRAPHIE

BEAUNIS Henri Étienne,
Cubes de Beaunis, 1881.
Dans :
Nouveaux éléments de physiologie humaine, comprenant les principes de la physiologie comparée et de la physiologie générale, 1881, Paris, J. B. Bailliere et fils, vol. 2, page 1181.
https://archive.org/details/nouveauxlmen02beau/page/1180

MACH Ernst,
Dièdre, 1886.
Dans :
Beiträge zur Analyse der Empfindungen, 1886, éditeur G. Fischer, pages 87 & 97.
Traduction française :
L’analyse des sensations, 2000, éditions Jacqueline Chambon, page 197. ISBN : 2-87711-128-8
https://archive.org/details/beitrgezuranaly00machgoog/page/n110
Pyramide tronquée, 1886.
Dans :
Beiträge zur Analyse der Empfindungen, 1886, éditeur G. Fischer, page 95
https://archive.org/details/beitrgezuranaly00machgoog/page/n108
Feuile ondulée, 1886.
Dans : Beiträge zur Analyse der Empfindungen, 1886, éditeur G. Fischer, page 101.
Traduction française : L’analyse des sensations, 2000, éditions Jacqueline Chambon, page 196. ISBN : 2-87711-128-8
https://archive.org/details/beitrgezuranaly00machgoog/page/n109


SCHRÖDER Henrich
,
Escalier, 1858.
https://en.wikipedia.org/wiki/Schroeder_stairs
Dans :
Ueber eine optische Inversion bei Betrachtung verkehrter, durch optische Vorrichtung entworfener, physischer Bilder, in Annalen der Physik und Chemie, Band 181, Joh. Ambr. Barth, Leipzig, 1858, p. 298-311.

THIÉRY Armand,
Figure de Thiéry, 1895.
Dans :
Les Illusions dans la mesuration des directions des grandeurs et des courbures. Une question d'optique psycho-physiologique, dans : Revue néo-scolastique, 2ème année, N°8, 1895, pp. 358-384. (figure page 373)

WUNDT Wilhelm,
Croix, 1904.
Dans :
Principles of Physiological Psychology, Volume 1, traduit par Edward Bradford Titchener, Éditeur Sonnenschein, 1904.

 

 

 

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